Redevenez étudiants

J’étais au collège, ou au lycée. Un conseiller d’orientation était dans la classe et nous demandait ce qu’on voulait faire plus tard. J’ai répondu : « Etudiant ». Oui, mais après tes études, que veux-tu faire comme métier ? Pour moi, la meilleure des activités, celle dont je rêvais, c’était d’être étudiant. D’autres disaient bien pilote de ligne, maquilleuse…

On me disait qu’il faudrait bien gagner sa vie, et cela me paraissait naïf, comme argument : gagner sa vie, oui, mais un homme qui étudie, ça n’a pas besoin de gagner beaucoup d’argent. Je trouverais toujours le moyen de manger, nul besoin de faire tourner toute ma vie autour de cette question-là. Gagner de l’argent est nécessaire, certes, mais pas davantage que de gagner, disons, de l’affection, de la reconnaissance, de la force physique, de l’endurance. L’obtention de tous ces biens se ferait au coup par coup, aux moments où le besoin se ferait sentir, il n’y avait pas lieu d’orienter sa vie – dès l’adolescence – en fonction d’eux.

Or, sans me vanter, je peux dire que je réalise mon rêve de collégien. Je m’arrange pour rester un étudiant, au sens large du terme. Ce n’était pas mon seul rêve, alors il faut que je combine un peu : je rêvais aussi de voyager et de connaître des femmes différentes, cela complique la donne, mais c’est faisable, sur la durée, et on peut acquérir une forme de stabilité dans l’effort.

En revanche, mes amis chinois ne comprennent pas mes projets. L’idée que je fasse une thèse maintenant, cela ne leur inspire que sourires, sarcasmes et suspicion. Il faut les comprendre. Pour eux, une thèse ne renvoie qu’à un diplôme, « un bout de papier », qui mène à une espèce de carrière. En quatre années, et en fréquentant assidûment les Chinois du monde universitaire, j’ai rarement eu le sentiment que la recherche était respectée en Chine. Même à l’université, celui qu’on admire le plus, c’est le boursicoteur, celui qui fait fortune. Il faut les comprendre, ils en sont aujourd’hui à travailler pour obtenir un avenir meilleur pour eux et pour leur descendance. Le seul luxe qu’ils comprennent, c’est celui de la grosse voiture, du bel appartement, du voyage pendant lequel on fait du shopping.

Il est vrai que la sagesse précaire a quelque chose de décadent. De côtoyer des Chinois, cela me donne de moi-même une image décadente. Pourtant je travaille plus qu’eux, je ne suis pas plus inefficace, je projette mon travail dans l’avenir et je prétends les aider à trouver des perspectives de développement. Dans les faits je ne suis pas décadent. C’est donc une question de discours, d’attitude face à la vie. Le Chinois post-maoïste dit : « On en a suffisamment bavé et on est suffisamment précaires pour rêver à une résidence gardée par des statuettes de dieux gréco-romains. »

Le sage précaire leur donne raison mais il leur dit : « Amis chinois, il y a aussi de l’avenir pour ceux qui savent rester sans rien faire, pour ceux qui sauront regarder les villes et les paysages. La Chine a besoin d’étudiants éternels qui sachent parler des jardins, qui sachent fréquenter les femmes occidentales pour ensuite partager leurs connaissances aux lits de leurs compatriotes. »

12 commentaires sur “Redevenez étudiants

  1. « partager leurs connaissances aux lits de leurs jeunes compatriotes » ,
    excuse-moi mais je ne suis pas sûr d’avoir bien compris, tu peux développer ?..

    J’aime

  2. OK OK mais il va falloir leur dire à tous, chinois et autre du quart-tiers monde qu’ici aussi on a bavé, dur, très dur… qu’on a pris les armes, qu’on est mort sur les barricades, qu’on a fait et qu’on fait encore notre auto-critique… Alors pour tout dire, le discours revanchard et misérabiliste commence à me les gonfler sérieux… Et au fait, chacun sa merde…. et

    J’aime

  3. OK OK mais il va falloir leur dire à tous, chinois et autre du quart-tiers monde qu’ici aussi on a bavé, dur, très dur… qu’on a pris les armes, qu’on est mort sur les barricades, qu’on a fait et qu’on fait encore notre auto-critique… Alors pour tout dire, le discours revanchard et misérabiliste commence à me les gonfler sérieux… Et au fait, chacun sa merde….

    J’aime

  4. damien, je pense que Guillaume fait allusion à certaines techniques érotiques qu’il a apprises dans l’intimité des Chinoises, et qu’il se propose maintenant de diffuser dans le lit des jeunes françaises qu’il ne manquera pas de rencontrer au cours de son travail de thèse. Il participe à la mondialisation de la pratique érotique. C’est à cause de gens comme lui que, dans 20 ou 30 ans, tout le monde fera l’amour de la même manière. On dira une « planche guillaumoise » comme on dit un « hachis parmentier ».

    J’aime

  5. N’est-ce pas une joie d’étudier ? Zixia disait :  » les cent artisans vivent dans leurs échoppes pour accomplir leur besogne. L’honnête homme étudie pour réaliser sa voie. »
    Des caractères gravés sur la baignoire du roi Tching-thang disaient : « Renouvelle-toi com­plétement chaque jour ; fais-le de nouveau, encore de nouveau, et toujours de nouveau. »
    Daxue, « La grande étude » Pauthier II. 1.
    商汤在洗脸盛水的盘子上刻着:“果真要每天洗涤污垢,刷新自己,就要每天每天地刷新,又每天更加刷新。”

    白话翻译

    J’aime

  6. « Or, sans me vanter, je peux dire que je réalise mon rêve de collégien. Je m’arrange pour rester un étudiant, au sens large du terme. Ce n’était pas mon seul rêve, alors il faut que je combine un peu :je rêvais aussi de voyager et de connaître des femmes différentes »

    Il m’a toujours semblé qu’il y avait une sorte de racine commune à ces trois rêves, qu’ils vont souvent ensemble. Sans doute quelque comme « ailleurs l’herbe est plus verte ». Pour ma part (je ne dis pas ça pour parler de moi, mais pour utiliser un cas que je connais bien), j’ai toujours oscillé entre deux tentations inverses, qui étaient aussi deux convictions : 1) l’herbe est plus verte ailleurs 2) l’herbe est plus verte en moi. Selon qu’en moi le 1) ou le 2) domine, mon comportement s’inverse. Et ma vie oscille ainsi entre des phases dominées par la séduction et le voyage, et d’autres vouées à l’immobilisme studieux et à la fidélité monogame.
    Cela doit correspondre à une respiration nécessaire de l’être entre l’ici et l’ailleurs, à un rythme vital ouverture/fermeture.
    Quant à l’envie d’étudier éternellement qui va souvent avec, je ne sais pas encore la placer, au-delà du fait qu’elle traduise une envie de se renouveler et de rester vivant en fuyant la routine.
    D’ailleurs, il me semble qu’on cherche souvent la séduction et le voyage pour échapper à la routine de l’immobilisme, et qu’on s’immobilise tout aussi souvent pour échapper à la routine du voyage et de la séduction.
    La vraie polarité, ce sera ça : racornirssement/renouvellement.

    J’aime

  7. Moi qui travaille dans un cdi, je tombe sur un nouveau livre d’histoire de 2008; je redeviens lycéen quelques temps. En une dizaine de pages, c’est dix ans de ma vie qui défile : 1995-2005; lworld trade center, neo terrorisme, jospin, sarko, coup de tonnerre, pas une ligne sur la chine,attentats de new york, londres, gign, khaled kelkal, phénoméne internet, mondialisation…C’est en même temps déprimant et bizarre de lire çà…finalment on a vecu des trucs historiques, et on a nous bassiné pendant des années a nous dire que tout ca c’était fini avec le mur tout çà (je précise que sur la couverture on découvre la chute du mur et la joie des allemands a cette époque) si je redeviens étudiant, ce sera surement pour me tourner vers des etudes d’histoire, pourquoi pas…histoire contemporaine, mais ce que tu dis concerne surtout des thésards, rien de trés nouveau la dedans. C’est évident que le thésard, de trente ou quarante pige a compris le truc pour ce qui est de l’art de la glande en quelquespoints . Un art qu’il serait trés fort et trés bon d’enseigner aux chinois, mais pour ça il faut se lever tot c’est sur.

    J’aime

  8. « je pense que Guillaume fait allusion à certaines techniques érotiques qu’il a apprises dans l’intimité des Chinoises, et qu’il se propose maintenant de diffuser dans le lit des jeunes françaises ».
    Je ne suis pas sûr d’avoir appris des techniques nouvelles avec les Chinoises, mais je suis certain que les femmes occidentales pourraient apporter beaucoup aux hommes chinois. Leurs arguments contre les femmes étrangères ne tiennent pas la route et participent de leur rapport malsain avec les étrangers en général.
    Inversement, si nos femmes se laissaient un peu plus séduire par les hommes chinois, elles enrichireraient leur vision de la masculinité, peut-être.

    J’aime

Répondre à Confucius Annuler la réponse.