A Dublin, mon ami Barra ne tient pas en place longtemps. Souvent, dans l’après-midi, il prend sa voiture et part dans de longues dérives. Il roule sur de petites routes dans la direction de Dundalk. Autour de l’aéroport, il tient compagnie aux planespotters, il regarde les avions. Savez-vous comment on appelle cela ? Le cruising.
Les Américains pratiquent le cruising depuis les années cinquante, paraît-il. C’est Barra qui me l’a expliqué. Les jeunes qui avaient une voiture se déplaçaient sans but, dans les banlieues des villes américaines. Sans but, ce n’est pas toujours exact, souvent on cruisait pour draguer : « Cruising for a girl ». On en est venu à créer des expressions entrées dans la langue commune : « Cruising for bruising ».
Bruce Bégout en fait une théorie, au début du XXIe siècle. Dans sa définition, le cruising est une « virée en voiture qui n’est ni une croisière ni une croisade. » Il dresse dix points qui pourraient devenir les bases de cette (nouvelle) théorie. Il s’agit d’une « dromomanie » pure, où l’ « autonaute » « sait très bien qu’il ne se passe pas plus de choses extraordinaires là-bas qu’ici. Que partout une égale normalité ordonne le monde. »
Ai-je déjà dit que Bégout, avant d’être un écrivain du voyage, était un philosophe spécialiste de phénoménologie ? Il a écrit quelques livres sur Husserl. On comprend mieux d’où lui viennent ses conceptions d’une « égale normalité » qui ordonne le monde, de la « banalité » des choses. Indifférent à tout pittoresque, c’est la vie même, les « choses mêmes » qui remplissent son désir d’expérience.
Voyage du philosophe.
Mon pote Barra, en conduisant sa voiture, comprend très bien l’aspect philosophique de ses glissements autonautiques.
Le cruiser ne doit pas chercher à entrer en contact avec les gens croisés et, « S’il est amené à assister à des scènes troublantes, il ne doit jamais se départir d’un air de réserve qui, mieux que toute protection, le préservera de l’adversité. » Pas de contact avec les indigènes, les autochtones, voilà qui s’oppose radicalement à l’éthique des guides de voyage, et à celle du voyage ethnographique, le plus noble qui fût.
Après avoir clairement précisé que le cruising devait se pratiquer seul, Bégout explique que le but n’est pas d’échapper à l’ennui quotidien. « Au contraire, par la stricte observance des règles, sa pratique s’attache à provoquer un certain ennui. » S’il n’y a aucune connaissance à en espérer, une petite vérité peut en être tirée : « Errer, ce serait moins être dans l’erreur, que se situer en deçà du vrai et du faux, bien et du mal, de l’un et du multiple. »
Enfin c’est à une participation infime au vagabondage universel que le cruising invite : « Pour une nuit, elle (la balade) extrait de l’errance universelle un petit morceau de nomadisme individuel. »
Pour en savoir plus : Bruce Bégout, L’éblouissement des bords de routes
et tout cela sans meme parler d’ un des meilleurs films de Friedkin… Guillaume ?
J’aimeJ’aime
Je n’ai pas le film de Friedkin, mais en réalité, je pensais à celui de Vincent Gallo, « Brown Bunny » je crois, qui montre une illustration très forte de « cruising for a girl ».
J’aimeJ’aime
ah, oui ! Je ne sais pourquoi, a la lecture de ton texte je me suis represente Darra, casquette en cuir et fine moustache postiche, inlassable peregrin motorise aux abords de Ballymun… Oui, me disais-je, il faut imaginer Darra heureux.
J’aimeJ’aime
C’est intéressant, comme concept, le « cruising », mais il y a un point qui me dérange, c’est cette histoire d’ennui : « Après avoir clairement précisé que le cruising devait se pratiquer seul, Bégout explique que le but n’est pas d’échapper à l’ennui quotidien. « Au contraire, par la stricte observance des règles, sa pratique s’attache à provoquer un certain ennui. » Que le but ne soit pas d’échapper à l’ennui, je veux bien, mais ce n’est pas ça : l’ennui fait partie du but. Je ne sais pas pourquoi, ça me rappelle des romans de l’écrivain autrichien Thomas Bernhardt, des bouquins que je n’ai jamais lus parce qu’il y a un moment où l’ennui, moi, comment dire, ça m’ennuie.
J’ai l’impression que Bégout fait un peu la même chose que Bernardt. Il y avait une littérature autrichienne super-brillante, intelligente, élégante, presque mondaine, je pense à Doderer ou à Musil ; Bernardt veut punir l’Autriche, la littérature et son lecteur d’avoir été aussi naïfs, d’avoir cru qu’on pouvait prendre du plaisir à lire un bouquin intelligent ( je suppose que c’est l’anti-nazisme qui veut ça, Jelinek fait un peu pareil ) Ce phénoménologue, Bégout, il dit quoi ? Que s’ennuyer, c’est plus correct, du point de vue du snobisme husserlien orthodoxe, que de savoir pourquoi on fait un truc ?
J’aimeJ’aime
Ce n’est pas une question de correction, je crois. A mon avis, il veut parler d’un type d’ennui presque jouissif, un peu comme un chagrin dans lequel on soutire une certaine joie.
Pour « échapper à l’ennui quotidien », on ferait mieux de regarder la télé, ou de faire un vrai voyage, du tourisme. Le cruiser, comme le dublinois Barra, poursuit une autre recherche, plus enfoui, plus inaccessible à lui-même, et il se satisfait de voir d’éventuels soucis existentiels recouverts par l’ennui motorisé.
J’aimeJ’aime
« Errer, ce serait moins être dans l’erreur, que se situer en deçà du vrai et du faux, bien et du mal, de l’un et du multiple. »
Ca veut vraiment dire quelque chose, ça ?
« Pour “échapper à l’ennui quotidien”, on ferait mieux de regarder la télé, ou de faire un vrai voyage, du tourisme. »
Regarder la télé, faire du tourisme, surfer sur Internet, c’est souvent errer, aussi. Une sorte de cruising, sans moteur peut-être, mais bon… un cruising écolo.
Ca me semble plus une pose esthétique qu’une expérience très originale.
J’aimeJ’aime
Quels « soucis existentiels » ? Vous avez des soucis existentels, vous ? Si il faut avoir des soucis existentiels pour voyager, autant rester chez soi regarder TF1 le coeur léger.
Enfin, je sais pas, il commence à faire super-chaud de ce côté-ci de la planète, je devrais peut-être mettre un coup de clim, ça me désenerverait.
J’aimeJ’aime
Ici Pierrot, philosophe-technomade 2.0 du Québec
Bravo pour ce blogue
passionné d’art de vivre
par le cruising:)))
Dans le cadre
de mon vagabondage philosophique
et numérique,
permettez-moi de vous faire découvrir
un conteur international du Québec
Simon Gauthier,
fascinant poète-passeur
de la scène
peut-être aurez-vous l’occasion
d’assister à sa prestation
PARIS
SIMON GAUTHIER
CONTEUR INTERNATIONAL DU QUEBEC
SPECTACLE « LE VAGABOND CELESTE »
25 MAI 2013,
21 H À 22H 30
LE PETIT NEY
10 AVENUE PORTE-MONTMARTRE
PARIS
——-
puis-je aussi me permettre de vous partager
son courriel du 1ER MARS 2013
——–
Allo Pierrot, je suis en France.
Je rentre demain au Québec.
Il fait froid et humide partout, même dans les lieux publics. Il fait gris et un brin de soleil redonnerait du tonus à tout le monde!
Je voulais te dire que j’ai raconté (ou plutôt) le vagabond céleste est passé et a été entendu
à Quévin (près de LOrient en Bretagne)
Il a été entendu à la prison de Béthune (Nord de la France) et pas un prisonnier ne s’est levé durant le spectacle (comme il est de coutume) les
gardiens mon dit que c’est la première fois qu’ils voyaient ca!)
et le Vagabond à passé à Lille avec son et éclairage, 3 rappels!
Les gens sont restés longtemps
et plusieurs larmes d’espoir brillaient dans le noir.
Plusieurs messages me sont parvenus pour te dire merci!
Merci!
Merci!
++++
Autrement la tournée me rentre dans le corps. Un bon brin de fatigue et de
grippe à la gorge.
De bonnes tisanes et des amis pour guérir
+
+++
J’espère que tu vas bien et que ton travail de vulgarisateur âme, société,
gens et pays oeuvre d’art
va bien!
On se voit sous-peu
en mars, si la vie le veut!
pour aller plus loin!
Bonne journée
Simon :+)
—–
REPONSE DE PIERROT
A SIMON GAUTHIER
CONTEUR INTERNATIONAL DU QUEBEC
Cher Simon
Je te prédis un succès international
parce que tu es un poète-passeur:)))
Bravo Simon
longue vie à ta vie d’artiste
et de conteur international
——-
Puis-je conclure avec cette danse philosophique des mots chanté par Simon Gauthier à la toute fin de son spectacle LE VAGABOND CELESTE,qui sera présenté à Paris le 25 mai 2013.
DANS LA BEAUTE DU MONDE
dans la beauté du monde
dans la beauté du monde
je marcherai
deux âmes sioux m’inondent
deux âmes sioux m’inondent
dans votre beauté du monde
France et Jean-René
je marcherai
suis devenu
un arbre qui marche
parce qu’il relève ses racines
un doux vieillard
qui le soir délasse ses bottines
une belle jeune fille
qui r’trousse sa jupe
parce qu’elle dessine
le bout d’ses doigts
dans la rivière
dejà fini
l’été d’hier
reste le canot de Jean-René
les fruits de France et sa bonté
sur leur galerie
de Notre-Dame de Montaubant
je me prépare pour l’hiver
tel un enfant
car mes deux ames sioux
ont fait de moi
un arbre-fou
comme le canot de Jean-René
sur la rivière Batiscan
comme les fruits de sa belle France
de Notre-Dame de Montauban
je traverserai
l’éternité
en marchant
la neige et le vent
Pierrot
vagabond céleste
—–
http://www.simongauthier.com
sur google,
simon gauthier, conteur du Québec, video vagabond celeste
http://www.enracontantpierrot.blogspot.com
http://www.reveursequitables.com
Longue vie à cette passion des autres par votre créativité
nomade dans cet article sur le cruising américain:)))
Pierrot
philosophe-technomade 2.0 du Québec
J’aimeJ’aime