De l’art, de la politique et de l’art politique

roderick-buchanan-front-cover.1227905362.gifroderick-buchanan-back-cover.1227905321.gif

 Lecteur, regarde cette image d’arme à feu, surmontée de ces néons qui disent « Hors d’usage », et demande-toi à quoi cela correspond.

Pour un Français, c’est une oeuvre d’art minimaliste (ou conceptuelle, ou arte povera, etc.) telle qu’on en voit des tas dans nos musées et nos expositions internationales.

A Belfast, tout de suite, cela prend un sens plus ancré : fin des Troubles entre les groupes paramilitaires républicains (indépendantistes) et unionistes (pro-britanniques). Cela renvoie à tous les désarmements en général, mais ici, on pense d’abord au désarmement des groupes paramilitaires.

Quand j’ai demandé à des amis ce qu’ils avaient pensé de l’exposition, à ma connaissance, personne n’a aimé. Ou plutôt, personne de ma connaissance n’a aimé. Cela revient peut-être un peu au même, je ne sais pas. Ce qu’on lui reproche, à l’exposition, c’est un message trop évident, une leçon un peu trop naïve et fatiguée du genre « les catholiques et les protestants main dans la main », « aimons-nous les uns les autres », etc.

Cet aspect-là existe, c’est certain, et c’est aussi obvie que cela peut l’être.

Originaire de Glasgow en Ecosse, Buchanan est accueilli à la gallerie Ormeau Baths et présente des oeuvres qui tournent en effet toutes autour des passages entre les deux religions. La qualité de ses oeuvres, alliée à une posture politique claire, simple et aisément reconnaissable géographiquement (minorité religieuse à l’intérieur de la Grande Bretagne), le rend éminemment exportable dans le monde entier. Le soir du vernissage, il revenait de Taiwan.

Je recommande à mes amis artistes de prendre modèle sur Buchanan : un message clair et simple à la surface, pour complexifier si nécessaire dans le détail.

Voici les éléments du succès : photos d’un club de foot « irlandais » en Ecosse, mais dont les joueurs sont d’une autre religion que celle supposée, ou des joueurs d’une autre couleur de peau, combinatoire presque infinie. Deux grands portraits de l’artiste et de sa femme, à côté desquels sont exposées les origines « ethniques » de ces derniers, et des statistiques qui montrent qu’ils ont fait un « mariage mixte ». Des vidéos de fanfares protestantes et de fanfares catholiques diffusées simultanément mais séparées par un mur, et avec le son d’une seule des deux vidéos.

Etc., etc.

Ce sont les éléments du succès pour les commissaires d’exposition, bien sûr, pas pour le grand public. Le grand public, même cultivé, ne va jamais aux expositions d’art contemporain et c’est à peine s’il s’intéresse à l’art non contemporain. Il est donc logique que l’art fasse son business en dehors de lui. A la différence de la politique, si vous ne vous intéressez pas à l’art, l’art ne s’intéresse pas à vous.

J’ai beaucoup aimé une installation qui tourne autour de Thomas Muir, un Ecossais des Lumières qui a fluctué entre les religions pour devenir un révolutionnaire français, et dont le destin croise l’histoire de l’Europe, de l’Amérique et même de l’Australie. Une installation qui joue avec plusieurs médias et plusieurs dimensions de la culture, mêlant l’enfance de l’artiste, le quartier où il a grandi, avec la vie de ce personnage extraordinaire. Il y fait un usage de la chronologie qui nous mène à réfléchir sur le sens des événements historiques, sur les lectures individuelles et collectives de l’histoire.

Comprenez, mes amis ? Un message clair, quitte à complexifier après, en dessous. Un message clair pour que les Chinois, les Japonais et les Anglo-saxons puissent se dire : « Ah lui ? oui, son truc c’est … » ; « Je vous recommande Une telle pour votre biennale : son travail tourne autour de … »

Cela explique le succès de la sagesse précaire : des messages simples sur un fond compliqué. Des principes clairs, des gestes autoritaires et une expression confusément volontariste.

6 commentaires sur “De l’art, de la politique et de l’art politique

  1. Je ne savais pas que le sage précaire était versé dans le marketing : bel effort d’insertion dans l’économie de marché !

    Sur le fond, je pense que c’est une idée importante : toujours veiller à avoir une idée simple, une idée-cheval de Troie qui permette d’être identifié, d’émerger de la masse, et de passer le reste (la complexité) en contrebande.

    Aimé par 1 personne

  2. l’afsp (l’association des fidéles lecteurs du sage précaire) vous informe qu’elle est trés choquée par cet article. Pas sur le fond (art, politique et art, vous savez tout est rés discutable et les débats sont souvent contradictoirs, informes,vire abscons… vous ouvrez n’importe quel magazine d’art, « art presse », « beaux arts magazine », « télérama » ou même les inrocks vous avez la réponse à vos interrogations sur ce sujet qui n’est pas nouveau et ce ne sont pas les réponses qui manquent et nous sommes désolés de vous dire que malgrés ce que vous pensez l’art n’est pas réservé a une élite, oui l’art contemporain n’est pas si boudée que vous le sous entendez…merci quand même de votre référence sur Thomas Buire et cet artistye ecossais…ca c’est sur le fond mais il y’a tellment de choses a dire encore,revenons sur sur la forme maintenant c’est pire).
    D’abord on comprend rien : « Quand j’ai demandé à des amis ce qu’ils avaient pensé de l’exposition, à ma connaissance, personne n’a aimé. Ou plutôt, personne de ma connaissance n’a aimé. Cela revient peut-être un peu au même, je ne sais pas ». Vous ne savez pas ? et bien nous on vous dit que ca n’a rien a voir mais vraiment riena voir !!! et ce n’est pas trés français comme tournure !.Enfin, c’est vous qui voyez… De plus, nous nous interrogeons , quand vous commencez votre billet ainsi :
    « Lecteur, regarde cette image d’arme à feu, surmontée de ces néons qui disent “Hors d’usage”, et demande-toi à quoi cela correspond. »
    Qu’est ce à dire,on dirait une invective , une injonction…ca veut dire que nous sommes , lecteurs de ce blog « hors d’usage » ? c’est çà hein ? c’est peut etre trés fin de votre part, ca fait rire vos amis artistes anglais ou de lyon ou d’ailleurs de vous voir vous moquer ainsi( de façons certe trés subtiles et brillantes) de vos amis commentateurs fidéles et bienveillants… et bien vous avez perdu une aucun de vous taire et ce n’est pas trés malin car vous perdez (consciemment ou inconsciemment, dans notre grande clémence nous pensons inconsciemment toutefois) un soutien de taille. J’espére que notre message a été clair justement (suivant les preceptes de la sagesse précaire) et que vous arreterez d’etre aussi discourtois envers nous qui vous faisons confiance.
    Enfin, si vous pouviez changer la forme même de votre blog, les couleurs (blanc, gris, avec une photo d’arme a feu pour égayer nous trouvons cela trés triste , voire sinistre…) ca nous fairait des vacances. Prenez exemple sur les blogs qe vous avez mis en lien par exemple, ils sont dix fois plus réjouissants à regarder et à lire que ne serait ce que parce qu’ils ont fait un effort « artistique »justement de ce coté là, c’est peut ete un aspect que vous méprisez mais qui jouent pour les simples (voire simplets, ce que vous devez penser hein ?) mais attentifs lecteurs que nous sommes. Votre blog veut peut-etre s’inscrire dans la lignée de « l’arte povera » ce qui serait logique pour le fondateur de la sagesse précaire et tout a votre honneur mais nous pensons que si c’était le cas, vous faites fausse route et vous trompez lourdement, qu’il serait dommage de gacher autant de talents par un laisser aller de mauvais aloi sur ce qui concene le design de votre blog. Sur ce , nous vous souhaitons un bon dimanche et une excellente semaine.

    Aimé par 1 personne

  3. quelle complexite, au fait ? La mystique de la genetique et de la genealogie, derriere les poncifs du ‘mariage mixte’ ? La fascination de la race, du sang, du sol ? Qu’il y ait de la matiere brune sous le culcul ?

    Aimé par 1 personne

  4. moi, j’ai une autre question, rien a voir avec art et politique , c’est vrai que c’est un vieux débat,mais que penses tu de atiq rahimi, le dernier goncourt, écrivain voyageur qui devrait te plaire me semble t-il, non ? c’est bien ou pas ?

    J’aime

  5. 1- Le Goncourt, je ne l’ai pas lu.
    2- L’apparence du blog, je ne peux rien y faire, c’est au serveur du monde.fr qu’il faut se plaindre.
    3- La complexité ? Eh bien l’installation sur Thomas Muir et cet entrelacement de médias (photo, site web, craie sur tableau noir, google earth, livres), de modes d’exposition (narration, chronologies, images, espace) pour une oeuvre qui possède quand même une sorte d’unité dans la multiplicité.
    4- Le marketing ? L’art et le marché de l’art sont inextricables.

    J’aime

  6. l’asp ( les apprentis sages précaires finalement, ancien cspa et aspa et afsp et PSP etc…) vous remercie de votre réponse claire, rapide et honnéte.C’est vrai , ils n’ont qu’a changer leurs designs au monde, ils font vraiment suer !! qu’est ce que c’est moche en gris et blanc tout de même…Heureusment que vos cartes donnent un peu plus de chaleur a tout çà o grand sage !… Par ailleurs, nous nous excusons si nous avons heurté votre sensibilité dans un élan de colére mal controlée, nous essaierons d’etre plus claire et moins agressif la prochaine fois; a bientot.et ménagez vous surtout, vous travaillez beaucoup trop.

    Aimé par 1 personne

Laisser un commentaire