Mon colocataire letton veut encore changer de travail. Les supermarchés Tesco lui demandent de travailler six jours par semaine avec des horaires difficiles à tenir, même pour un jeune homme qui en veut : parfois de 03h00 à 11h00, parfois de 13h00 à 21h00, parfois entre les deux, et il est rarement prévenu à l’avance de son planning.
Même chose pour son jour de repos. Il ne sait pas à l’avance quand il pourra se reposer.
Cela fera trois fois qu’il quitte un employeur, en moins d’un mois. Les autres exigeaient de lui qu’il fasse du stop, la nuit, pour rentrer à la maison.
Si un jeune Letton refuse ces jobs, vers qui les employeurs vont-ils se tourner ? Des Asiatiques ? Des Africains ?
C’est un vrai problème. Si le travail est considéré comme une marchandise, certains employeurs n’hésiteront pas à créer des conditions insupportables pour une partie de leur personnel, sous prétexte d’optimiser d’autres facteurs, comme la satisfaction de leur clientèle et de leurs actionnaires.
La mobilité est une bonne réponse de la part des salariés.
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En économie d’entreprise on parle de « Facteur capital, facteur travail »… dans le calcul des coûts de production. Pas de sentiment !!!
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Je ne dirais pas que la mobilité est une bonne réponse de la part des salariés. Si les salariés répondent par la mobilité à des conditions de travail insupportables, ils laissent la place à d’autres, qui n’auront pas ce luxe aristocratique de pouvoir partir, et qui accepteront ces conditions parce qu’ils n’ont pas le choix.
La seule bonne réponse de la part des salariés, dans ce genre de siruations, c’est de se syndiquer pour créer un rapport de force dans lequel il auront des chances d’obtenir une modification de leurs conditions de travail.
En d’autres termes, la précarité du travail doit retrouver le sens du combat sans lequel la mobilité n’est qu’une solution de fuite.
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Tu n’as pas tort, Ben, mais tu parles depuis un monde qui n’esiste plus depuis longtemps. On ne peut plus former des syndicats dans les jobs comme ceux-là. Les gens syndiqués font aujourd’hui figure de privilégiés, dans le sous prolétariat des migrants. Ces derniers ne comprendraient même pas l’intérêt de former un syndicat car ils ne rêvent pas de s’installer ici…
Le luxe aristocratique dont tu parles, c’est un voyage que des gens comme moi et ce Letton ne connaissent pas. S’il y a de l’aristocratie dans ma mobilité, et j’en doute, elle ne vient que de mon sang.
Je recommande de (re)lire « Terminal Frigo » de Jean Rolin (P.O.L., 2007), où l’on voit, sur les chantiers navals, la substitution d’une main d’oeuvre (et d’une culture) ouvrière syndiquée par une main d’oeuvre internationalisée, migrante, précaire et aussi déchiquetée que le littoral français.
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C’est trés interessant cette question . Je suis entierement d’accord avec Ben et trouve le sage précaire singuliérement pessimiste sur la non possibilité de formation de syndicats pour le genre de travail dont il est question ici. « Ces derniers ne comprendraient même pas l’intérêt de former un syndicat car ils ne rêvent pas de s’installer ici… » qu’en sait -il au fond…? Ah oui Jean Rollin…
En même temps,si on lit toujours tout au travers d’un unique(trés bon) romancier la vision du monde et des choses est forcément quelque peu un peu (voire completément) faussé…cela n’enléve rien au talent descriptif, poétique et romanesque de Jean Rollin que m’a fait découvert le Sage Précaire au fil de ce blog of course et qui j’en suis sur entre deux vadrouilles, deux romans et deux taxis ne penserait pas impossible la formation de ce genre de nouveau hyper syndicat pour ces nouveaux travailleurs hyper moblie et hyper flexible. Mais peut ete que « syndicat » n’est pas le bon terme… »parti », ou « nouvel internationalisme », je ne sais pas…
en tout cas » la précarité du travail doit retrouver le sens du combat sans lequel la mobilité n’est qu’une solution de fuite. « , c’est trés juste.
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« si on lit toujours tout au travers d’un unique(trés bon) romancier la vision du monde et des choses est forcément quelque peu un peu (voire completément) faussé »
François, personne ne lit « tout » au travers de qui que ce soit. Il se trouve que Rolin est attentif au devenir de la classe ouvrière, et que ses livres sont pertinents à cet égard.
Jean Rolin d’ailleurs n’est pas romancier.
Ensuite, Ben et François, vous faites preuve d’angélisme à mon avis, avec vos syndicats et vos rapports de force. Ca me paraît purement rhétorique, moi, des discours pour belles âmes. Si j’osais, je vous rappellerais que les syndicats ont été créés en partie par le patronat, au XIXe siècle, dans le but de sédentariser et de contrôler une main d’oeuvre qui commençait à poser problème.
Un superbe livre à ce sujet, un livre qui m’a marqué très fort, il y a quelques années : « Ô, dix-neuvième ! » d’Elvire de Brissac. Un portrait croisé de Lamartine et de Schneider qui ravira les petits et les grands.
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On peut pinailler sur le fait que Jean Rolin ne soit pas romancier ok. Disons chroniqueur-bourlingueur-original- écrivant- globe-trotteur-inédit- du- monde-contemporain (c’est vrai, dit comme ça c’est plus simple tout d’un coup et c’est vrai tu ne le cites jamais , ce n’est pas ton écrivain (euh non un autre truc, in mec qui écrit des livres de fiction, de voyage bref passons…) de chevet, je n’en ai jamais entendu parler sur ce blog, incroyable, dingue., c’est une Référence inédite je n’en ai jamais entendu parler vraiment, je pensai qu’il s’agissait d’un modéle, sinon du Modéle, bon, non vraisemblabelment…
Et bien ce que je disais plus haut bien sur que Jen Rollin est attentif a la classe ouvriére et est-ce que tu vas l’embeter a lui dire quand tu vas boire un pot avec lui qu’il est un petit ange complétement deconnecté des réalités et qu’il vit encore au dix neuviéme siécle qu’i est compéltement manipuylé par le grand patronnat ??? non ! je ne crois pas…d’ailleurs a ce sujet , ton histoire de syndicat invention du patronnat ça me parait un peu bizarre quand même, voire même des plus troublants…enfin je ne connais pas ce bouquin donc je n’en dirai pas plus mais je reste assez dubitatif quand a la teneur idéologique (oui « idéologique », oui çaexiste encore la manipulation idéologique qui explique en parti la desaffection des gens our les syndicats, la montées des extremismes, de Sarko etc…) de ce bouquin…
dernier point : c’est quoi au fond le probléme d’avoir un discours, une rhétorique de « belles ames » (reste a la définir plus précisemment evidemment)? en quoi est_ce si génant d’ette un tant soi peut idéaliste.au fond, de vouloir changer les choses pour qu’elle soit un peu plus juste humainement.(pour résumer).? ce n’est pas a la mode certes et sans doute une rhétorique ringarde a tes yeux (sauf quand c’estJean Rollin qui l’utilise entre deux cup of tea of course…), mais quand même, si il faut etre un salaud, c’est un peu léger, voire trop facile à mon goût…le sage précaire n’aimerait t-il donc pas les défis, les vrais -r ? moi ça me saoule ce mépris , cette morgue pour un discours qui n’est ni bon , ni mauvais, mais simplement « normal », non ça c’est cn de dire normal, anormal, disons juste humainement voila. Il ‘y a des inégalités sociales , économiques dans le monde c’est un fait indéniable quand même… qu’on puisse voyager , lire des beaux bouquins de bourlingueurs professionnels, en faire des billets de blog plutot pas mal et continuer a proferer des discours a la con sur l’angélisme etc comme un perroquet récite par coeur les conneries d’Alain Minc ou Jean Marc Sylvestre..moi ça me dépasse, pour ne pas dire me fout la gerbe.bon week end.
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Excusez moi si j’ai été un peu enervé tout a l’heure.J’espere n’avoir blessé personne Je sais que Guillaume ne le voulait pas mais parfois je trouve qu’il dit des bétises qui sont loin, trés loin de son niveau et ça m’enerve prodigieusement ce gachis d’intelligence pour dire des sottises…(surtout les discours sur « les-syndicats-inefficaces-et-qui-ne-servent-a-rien-mais-vous-rêvez les-gars-ah-ah-ah »gna gna gna bon ok j’arréte…A+
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1- Ce n’est pas pinailler que de dire qu’un auteur n’est pas un romancier. Les récits de Rolin ne sont pas des fictions, pour moi c’est essentiel. Il a fait fait quelques fictions, et ces dernières sont très différentes de ses récits factuels.
2- Renseigne-toi sur l’histoire du syndicalisme, et ses origines. Je ne nie pas l’utilité des syndicats. Mais pour que les travailleurs précaires (et migrants) s’unissent, il faudrait la volonté conjointe de ces derniers et du patronat. Surtout du patronat, comme le montre l’histoire du syndicalisme.
3- Sur l’angélisme, je ne te suis pas.
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1. Que Jean Rolin ne sit pas que romncier ok, of course.
2. Merci de l’invitation pour une relecture de l’histoire du syndicalisme, c’est trés gentil et sans doute trés instructif mais j’avais évoqué aussi une nouvelle internationale qui d’ailleur existe surtout sous forme associative (moins médiatisée bien sur) ATTAC en est un bon exemple, du moins une tentative d’alter mondialisme (puisque c’est de cela qu’il s’agit) qui cherche à désarmer les marchés.
3. tant pis pour toi.
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Internationale, ou association, à laquelle ne prennent pas part les travailleurs du type de mon Letton, mon Pakistanais, et tous les travailleurs précaires migrants. Ils ont certainement quelques sans papiers qui se sont sédantarisés, car il y en a beaucoup, mais ATTAC n’est en aucune façon un équivalent des syndicats du XIXe, du point de vue de la constitution d’un rapport de force prolétaires / patronat. En aucune façon car, avec la porosité des frontières et les flux migratoires de milliards d’individus chaque année, la situation démographique est telle qu’il est impossible de 1- identifier un groupe homogène que l’on peut qualifier de classe sociale, et 2- mutualiser (ou collectiviser) ses intérêts. A cause de cela, je crois qu’il est illusoire d’imaginer un retour de la syndicalisation.
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C’est trés interessant. Mais encore une fois je n’ai jamais dit qu’ATTAC ou une autre association de ce type constituait un équivalent du syndicat comme tu dis « du dix neuviéle siécle »…disons l’amorce de celui du XXI éme siécle ce serait interessant de voir les choses comme ça à mon avis…
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Il y a deux extrêmes qui, à mon avis, cachent le vrai problème. Le premier, c’est le m’en foutisme occidental. Les précaires, ceux qui bossent pour des agences temporaires ou qui font du black par-ci par-là, sont effectivement complètement désyndicalisés parce que le syndicalisme n’est plus un besoin réel. On peut, en France ou en Europe, vivre de petits boulots de manière assez acceptable, les gens se plaignent de temps en temps mais ça ne va pas plus loin. Ca conduit à ce qu’on voit en France.
Le deuxième extrême, c’est celui des migrants étrangers qui n’ont pas la possibilité de se syndiquer parce qu’ils sont effectivement en situation trop précaire pour que ce soit possible. Par exemple, en Italie du Sud ou en Provence, il y a des tas de saisonniers qui sont en-dessous du syndicalisme. Si leur situation reste à ce niveau, on peut imaginer qu’elle va produire des épisodes de violence, comme c’est déja un peu le cas en Italie, semble-t-il. En Afrique, de la même manière, il y a de temps en temps des bains de sang qui règlent les contentieux sociaux.
Entre les deux, si on veut voir l’émergence d’une nouvelle forme d’association de travailleurs ayant pour but d’établir un rapport de forces, avec ou sans l’aval du patronat il faut logiquement aller voir au coeur du capitalisme industriel, c’est à dire retourner en Chine. Il faudrait voir comment les mingong ou les ouvriers sédentaires se défendent. Je crois qu’ils le font, ou qu’ils essaient de le faire. En tout cas, c’est là-bas qu’on peut regarder si oui ou non, il y a « resyndicalisation ».
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Mais oui, tout a fait camarade sage précaire Ben c’est en Chine qu’il faut regarder pour cette histoire de resyndicalisation. Je suis vraiment béte, car c’est ce que je disais en plus lors d’un colloque a l’école française de l’université de Geneve sur mon séjour en Chine comme prof de FLE (« tribulations francophones d’un professeur de FLE en Chine ») Le FLE, ce n’était qu’un pretexte pour faire un truc sur une troisiéme voie possible politique que tu as bien résumé, jen’ai pas le texte sous les yeux en ce moment et j’ai perdu le fil du FLE…c’est trop marrant au moment de lire ce com une élève vient de me rendre l' »africain » de Le Clezio !
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Je ne sais pas si ça éclairera les lanternes pour une idée de « resyndicalisation » mondiale difficiell à mettre en place, en tout cas voici une définition de la gauche par Deleuze que je trouve toujours aussi pertinente avec son idée de perception :
http://www.rue89.com/mon-oeil/deleuze-etre-de-gauche-cest-percevoir-le-monde-dabord
il faut que je me fasse enfin offrir l’abécédaire de Deleuze a Noel moi je l’emprunte toujours a quelqu’un ou a une bibliothéque…a chaque fois ça me ravit même quelques minutes…
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Magnifique interview de Deleuze. Le texte est retranscrit en lien (http://www.rue89.com/2007/06/23/le-texte-de-linterview-de-deleuze-g-comme-gauche).
C’est marrant, moi je me suis toujours senti de droite, mais quand je lis ce que dit Deleuze, si comme il le dit, être de gauche, c’est « percevoir d’abord l’horizon », avoir le sens de « l’adresse postale » (et, « deuxiemement, ne pas se reconnaître dans un étalon vide »), alors ça me donne envie d’essayer de devenir de gauche.
Ce qui est important, c’est effectivement que cette histoire de syndicalisme ne doit pas devenir un truc lié à une sensibilité particuliére gauchisante, à une sorte de pitié sociale ou à une morale égalitariste. Ce n’est ni une question de « sensibilité », ni une question de morale, c’est une question de perception et de devenir. Les gens n’ont plus envie de la gauche parce que, fondamentalement, ils la trouvent trop laide. Donc, même les gauchistes adoptent des idées de droite, ce qui tue la gauche et dévalorise la droite. Or, comme le montre Deleuze, on peut avoir une espèce d’engagement politique de gauche, par exemple syndical, sans s’intègrer dans une forme de sectarisme, avec toujours les même « revendications catégorielles » autocentrées et mesquines, mais, au contraire, parce qu’on se désolidarise des intérêts de sa boite, ou du troupeau des collègues. On peut s’engager dans un parti sans cultiver le sectarisme de chapelle d’une sensibilité obligatoire égalitariste, « droitdelhommiste » et moralisatrice, mais au contraire parce qu’on a cette insensibilité à l’entourage qui permet la conscience de l’importance des lointains. « Les problèmes du tiers-monde sont plus proches de nous que les problèmes de notre quartier ».
On est de gauche parce qu’on regarde d’abord vers l’extérieur, le lointain, et qu’on n’a pas envie de se reconnaître dans la majorité de nos semblables. Donc, on est de gauche parce qu’on a ce luxe de « voyageur précaire » de « percevoir d’abord l’horizon ». Donc la gauche est une valeur nomade et aristocratique comme le sage précaire.
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Oh la la mais oui tu as raison Ben ! personnellement je croyais que tu étais de gauche (ça me semblait pas trop de droite untype qui donne des cours en Afrique, loin de son pays c’est pas trop de « droite » comme attitude je trouve etc..l’interview de Deleuze montre que tutes ces considérations, préjugées politiques sont complétements cons finalemnt.)ce qui est bien aussi dans cette interview je trouve c’est cette histoire avec le Japon la. A un moment il prend l’exemple du japon pour dire en quoi la culture de ce pays (de vision, perception des choses différente etc…) et bien c’est de gauche…oui bien sur, c’est génial quand o y pense…ce qui est hilarant dans ce passage que l’on apprécie sur la vidéo c’est ça : Claire PArnet commence à lui souffler que « non la le japon c’est clairement un peuple de droite etc… tout le monde sait çà, où tu vas la Giles arrete tes conneries » , moi j’adore le revers de la main du philosophe à ce moment la « non non laisse moi parler, finir tu vas comprendre je ne dis pas que le japon est politiquement de droite ou de gauche mais que culturellement c’est de gauche leurs visions, la culture tout çà »…., ça c’est du grand art philosophique, un moment d’anthologie !
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« C’est marrant, moi je me suis toujours senti de droite, mais quand je lis ce que dit Deleuze, si comme il le dit, être de gauche, c’est “percevoir d’abord l’horizon”, avoir le sens de “l’adresse postale” (et, “deuxiemement, ne pas se reconnaître dans un étalon vide”), alors ça me donne envie d’essayer de devenir de gauche. »…bof en même temps, mainyenant que j’y pense, l’adresse postale à l’heure du mail, la perception de l’horizon à l’heure où les paysages sont pollués (les paysages un bon truc japonais çà…) ça me donnerzit plutôt envie d’etre de droite , d’essayer en tout cas mi qui me suis toujours senti à gauche. (mais si ça se trouve je suis un mec de droite sans le savoir qui se trompe depuis des années;;;). Mon voisin vient de m’apporter un gros carton de cerises (et je me dis « il est revenu le temps des cerises »;).
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