Chers amis, vous voyez comme moi qu’il y a un problème avec les commentaires sur certains billets.
Sur Des catholiques révolutionnaires par exemple, des commentaires ne passaient pas. Ou plutôt, il y en eut qui passèrent, puis qui disparurent comme par enchantement.
C’est un problème qu’il faudrait signaler aux gens qui s’occupent des blogs du monde.fr, je suppose.
Ci-dessous, les commentaires qui y furent échangés, que je peux voir sur ma boîte à emails, ou sur mon administration du blog :
Ben : « En effet, je dirais autre chose si je parvenais à “prononcer l’imprononçable”, comme tu disais. Mais on peut tourner autour. J’ai écrit là-dessus, lors de la visite de Benoit XVI au Cameroun : d’abord, on n’a pas l’impression d’avoir affaire à une religion vieillissante et déphasée, au contraire, le catholicisme est jeune et il est à mon avis un des meilleurs moyens de rencontrer l’Afrique “réelle” si elle existe.
Ensuite, il n’y a pas ce côté “idéologiquement correct” du tout, c’est beaucoup plus sobre et concentré sur des problèmes traditionnels, liés à la doctrine du Salut : comment on fait pour être sauvé quand on vit dans la merde ? Il n’y a pas de fautes de goût.
Enfin, personnellement, il y a quelque chose qui me déchire, c’est ce que j’ai essayé d’aborder en faisant l’éloge funèbre d’une fille de Douala que j’avais un peu connue, mais finalement ça reste un mystère, qu’on pourrait formuler comme le rapport entre la prostitution et la corruption, d’une part, et d’autre part la foi et une forme d’innocence morale totale. Au fond, on est au coeur du “tragique de la vie”.
Donc, finalement, je retourne dans les églises, mais seulement celles où il n’y a pas de Blancs. Je suis snob. Je pratique le catholicisme comme une forme d’ethnologie, et en même temps, je communie ou j’essaie de communier à quelque chose de difficile et de précieux qui me paraît constituer le fond de la vie religieuse africaine et sans doute humaine en général. » Août 16, 10:58.
Mart : « J’ai peut-être moins fréquenté de cathos que vous, maus j’en ai ai quand même fréquenté pas mal à une époque de ma vie et il y a en avait beaucoup, et même un nombre assez consternants, pourtant jeunes et cultivés, intelligents et ouverts, qui restaient convaincus que l’homosexualité était une maladie. ALors c’est peut-être pas si inutile de rappeler à la messe qu’il faut les respecter, non ? » Août 16, 2:16 PM.
Guillaume : « Moi je n’ai pas frequente plus de catholiques que toi Mart, bien au contraire. Ne dans une famille d’athees, et eleve a l’ecole laique, gratuite et republicaine, je n’ai appris ce qu’etait le catholicisme qu’au contact de Ben. Au fond, je n’ai frequente, comme catholiques, que Ben et ses superbes soeurs. (Et son frere et ses parents, non moins superbes, Dieu me preserve.) Cela ne m’a pas ebranle dans mon manque de foi, mais ca m’a ouvert un monde de reflexion et d’emotion.
Maintenant, le respect pour les homosexuels oui, mais ce n’est pas le clerge qui peut y faire grand chose. Les rituels, jamais, n’ont servi a faire avancer la cause de telle ou telle communaute (si tant est que les homosexuels forment une communaute, ce dont je doute.) Si j’en crois les ethnologues, les rituels, depuis le neolithique, sont la pour rejouer l’origine des temps et apprivoiser la mort. Les rituels ont toujours ete metaphysiques, alors quand on les voit se transformer en discours bien pensants calques sur les interviews et les talk show, les athees comme moi se desolent. » Août 16, 3:28 PM.
Guillaume : « Même mes commentaires n’apparaissent pas. Le moi n’est pas maître dans sa propre maison. » Août 16, 10:41 PM.
Ben : « J’ai essayé de répondre à cette question impertinente, mais il y a des tas de commentaires, dont ma réponse, qui ont disparu, alors qu’ils sont encore annoncés dans la colonne de gauche, “derniers commentaires”, ceux de Mart, de Guillaume et de e. C’est marrant. » Août 17, 7:22 AIM.
Mart : « Tu filtres mes messages, Guillaume ?!
C’est dommage. Mes contradictions t’agacent donc tant que ça ? » Août 17, 3:44 PM.
François : « Gloire a dieu au plus haut des cieux …(test pour voir si mon commentaire passe) » Août 17, 4:25 PM.
Bon, on est rassuré, au moins, le précaire ne filtre pas les stables, ça rassure.
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J’ai bien peur que le contact de Ben et de ses superbes soeurs (que Dieu les oblitère) ne soit celui d’un catholicisme quelque peu déviant.
En ce qui concerne l’homosexualité, je ne pense pas que le christianisme en général soit plus homophobe que quelque autre religion. En général, il y a un lien entre le sexe et la religion qui est toujours compliqué. les pratiques sexuelles font toujours l’objet d’une codification culturelle intense et pas toujours sympathique, dans toutes les civilisations.
Par exemple, en Afrique, on a l’excision, qui montre un rapport à la sexualité qui est out sauf simple et n’a aucun lien avec le christianisme, ni avec l’islam. Au fond, on pourrait peut-être dire qu’aucune culture -même la culture africaine, qui paraît pourtant, de l’extérieur, fort libérée- ne peut tolèrer que les gens baisent tranquille.
D’ailleurs, s’ils le faisaient, ça n’aurait certainement pas plus d’intérêt que manger ou pisser, et ça perdrait donc peut-être en émotion ce que ça gagnerait en liberté. Bien sûr, il n’en reste pas moins que l’excision, l’homophobie ou les autres formes de sadisme sexuel sont tout à fait révoltantes.
En ce qui me concerne, j’ajouterai que, autant on peut avoir facilement honte d’être religieux en France, parce que c’est devenu trop laid, autant on peut avoir honte de ne pas l’être en Afrique, parce que ça dénote une sorte de sécheresse de coeur, en comparaison de la ferveur africaine. J’ai un copain qui est complètement athée mais qui a quand même eu envie d’aller se taper une messe de 4 heures, au Congo, parce qu’il avait une sorte d’admiration pour la dévotion des Congolaises : forme d’investissement sexuel de la religiosité qui est très intéressant et qui montre bien les multiples aspects de la relation sexe/religion..
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Brillant, Ben. On pourrait dire que c’est un commentaire typiquement catholique, en même temps. Je ne pense pas que ces propos, tout le commentaire, aurait pu naître sous une plume protestante, animiste ou musulmane.
Je crois que Ben et ses soeurs sont des vrais catholiques, dans toute leur splendeur « chiaroscura ». Le catholicisme pour moi, c’est un tropisme stéphanois, et ça se développe dans le Forez, territoire propice à une forme de latinité minière.
Contre exemple de codification sexuelle libre : les Indiens Nambikwara, décrits entre autres par Lévi-Strauss dans Tristes tropiques. Leur subsistance leur demande quelques heures de travail par jour, et le reste du temps, comme ils ont un système social pauvre, et une technique encore plus pauvre, ils passent leur temps à se conter fleurette et se dispenser une tendresse espiègle.
Or, comme tu le dis, ils ont peu de rapports sexuels génitaux. L’ethnologue pense même que s’ils ne portent pas d’étui pénien (à la différence des autres sociétés indiennes), c’est justement parce qu’ils bandent peu, et que chez eux, l’expression normale de la sexualité, c’est une sorte de tendresse.
Tendresse, c’est d’ailleurs le mot qui revient le plus dans « Vie sociale et familiale chez les indiens Nambikwara » de Lévi-Strauss.
Enfin, tout ça, c’est loin de l’Afrique, des catholiques, des homosexuels et de la cathédrale de Manchester.
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C’est vrai qu’il y a un charme de l’interdit religieux du sexe, avec transgression, mauvaise conscience, pudeur et perversité, mais 1) ce n’est qu’une érotique parmi d’autres 2) on ne peut quand même pas croire en Jésus juste pour pimenter sa vie sexuelle.
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Formidable ce débat !
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« C’est à ça que j’aimerais rendre justice, mais c’est difficile, je ne me souviens même plus clairement de sa tête. »
Ton histoire fait penser très fort à celle de Sonia, dans Crimes et châtiments, qui se prostitue pour nourrir sa belle-mère et ses demi frères et soeurs. Raskolnikov s’interroge à son sujet : parce qu’elle est très prude de nature, et devrait être devenue folle depuis longtemps. Mais évidemment il y a Dieu etc.
Ensuite, quand même, tu te contredis :
« Moi, je ne trouve pas que l’interdit sexuel soit particulièrement charmant, ni que Jésus vienne pimenter ma vie. On n’a pas besoin, effectivement, de religion pour bander, si je peux me permettre. »
« (…) ça n’aurait certainement pas plus d’intérêt que manger ou pisser, et ça perdrait donc peut-être en émotion ce que ça gagnerait en liberté. »
Je me souviens de Fellini qui racontait qu’enfant il tremblait d’émotion en croisant des femmes aux gros seins, et que l’émotion n’aurait pas été la même si le bourdon de la cathédrale ne résonnait pas souvent à ses oreilles.
Il est quand même évident que la difficulté ajoute à l’excitation – et l’interdit religieux est une bonne source de difficultés (il faut convaincre la fille, luter contre sa propre pudeur, faire tout ça sous l’oeil réprobateur de Dieu, etc.). C’est pour ça que Jésus aide les Don Juan à s’amuser.
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Commentaire de Ben, 19 août 2010 à 12h32 :
« Moi, je ne trouve pas que l’interdit sexuel soit particulièrement charmant, ni que Jésus vienne pimenter ma vie. On n’a pas besoin, effectivement, de religion pour bander, si je peux me permettre.
Aujourd’hui, je dirais que ce n’est pas à ce niveau que ça se situe. J’ai été trop remué par la mort de cette fille qui se faisait payer par des vieux expats riches et corrompus pour payer l’école de son gosse et de son frère, et que se passait-il dans sa tête quand elle allait prier? Il y a une question de survie morale. Ce qui manque aux chrétiens d’Occident, et en général à la plupart de nous tous pour aller dans cette voie, pour c’est d’avoir jamais ressenti le besoin d’aller implorer la pitié d’un dieu pour pouvoir continuer à vivre.
En apparence, sa vie aurait été plus facile si l’interdit religieux n’avait pas existé, si elle n’avait pas dû porter, en plus du poids de son activité qui n’est pas forcément drôle, la culpabilité judéo-chrétienne. Mais je crois que c’est une lecture fausse. En réalité, il me semble qu’il n’y avait en elle aucune auto-critique morale, et en général les catholiques sont peu doués dans ce registre, beaucoup moins que les protestants. Je pense qu’il y avait plutôt la constatation d’une situation à laquelle il vaut mieux ne pas trop penser si on veut pouvoir continuer, de temps en temps la souffrance, et à d’autres moments une joie énorme quand elle parlait à Dieu dans son église à Douala. C’est à ça que j’aimerais rendre justice, mais c’est difficile, je ne me souviens même plus clairement de sa tête. »
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