Hier, lors des examens oraux de français, des étudiants ont encore dit que la France était le pays le plus raciste d’Europe. C’est une tendance nette et lourde de l’opinion estudiantine, comme je m’en étais déjà aperçu il y a quelques mois.
Des étudiants britanniques peuvent dire de telles choses sans que cela choque le personnel universitaire.
Cela ne choque personne parce qu’au fond nos amis britanniques pensent comme cela.
Au Royaume-Uni, toutes les formes de racisme sont combattues, dans les lieux prévus à cet effet (universités, journaux, associations). Cela n’empêche pas l’expression violente du racisme dans les espaces plus incontrôlés (les tabloïds et les quartiers populaires). Une forme de racisme reste autorisée cependant, peut-être même encouragée, la francophobie. Tout propos dégradant sur la France sera considéré comme rationnel, comme une opinion acceptable.
Je me demande si la même chose s’observe dans les études espagnoles, allemandes, italiennes. Y développe-t-on le même mépris pour la culture enseignée ? Et inversement, comment cela se passe-t-il en France, dans les départements d’anglais ? Cherche-t-on plutôt à comprendre et à aimer cette magnifique culture britannique, que pour ma part je parcours avec ravissement depuis dix ans, ou laisse-t-on proliférer les germes d’un racisme anglophobe aussi facile que répréhensible ?
J’ai même entendu un étudiant dire que les Français se sentaient menacés par les cuisines et les musiques venues d’ailleurs. J’ai cru rêver. Y a-t-il des gens, en Europe, qui écoute plus de musique africaine que les Français ?
Cette session d’oral m’a mis par terre, je l’avoue. Je ne suis même pas révolté. Juste triste et profondément démotivé. Mais je ne me plains pas, c’est un des coups que l’on prend quand on voyage, quand on migre ou qu’on nomadise. C’est surtout la face opposée de la capacité d’émerveillement. Plus on est capable d’être affecté par les beautés, plus les laideurs nous heurtent.
L’Air et le Feu (Les Français vus par les Russes) (Editions La Bibliothèque,
314 pages, mars 2005, ISBN 2-909688-35-6),
textes rassemblés par Antoine Garcia et Yves Gauthier
Francophobie de quelques Russes :
En 1777, Denis Ivanovitch Fonvizine trouve ce peuple frivole et insensé (sauf quelques femmes, qui cependant sont indécentes). Une telle nation d’imposteurs ne mérite aucunement, selon lui, la confiance des peuples du monde, soit que l’on considère les plus vils escrocs dont il est formé, ou les prestigieux philosophes, Diderot et consorts, qui ne sont que des charlatans un peu plus habiles en paroles.
Fiodor Vassilievitch Rostopchine, par la voix d’un grognard de fiction, déplore les ravages de la Révolution, qu’il attribue au fait que la France est peuplée d’irresponsables. Il déplore aussi la stupide admiration qu’a la noblesse russe pour tout ce qui est français.
Mikhaïl Fiodorovitch Orlov remarque que le principal contraste entre les deux nations vient du fait que les Français sont turbulents, alors que les Russes sont paresseux. Cette turbulence française produit le mépris de la loi, la vanité, les spéculations oiseuses et bien d’autres maux qui ruinent la vie sociale par le débordement de tous les excès et de toutes les misères.
Alexandre Serguéïevitch Griboïedov met en scène un noble russe dégoûté par la francolâtrie ambiante, et lui fait dire: « Tant qu’à imiter, nous ferions mieux d’imiter les Chinois, ils sont plus dignes ».
Alexandre Ivanovitch Poléjaïev précise que les Français ne sont que de capricieuses créatures bavardes et impatientes.
Nicolaï Ivanovitch Gretch trouve que, par leur soif de nouveautés incessantes et de succès faciles, les Français ont gâché la chance qu’ils avaient de vivre dans un beau pays comme la France.
Alexandre Ivanovitch Herzen trouve que lorsqu’un Français exerce la fonction de serviteur, il se conduit en mercenaire, avec toute l’arrogance et l’incommodité que cela implique.
Ivan Tourgueniev trouve nos auteurs mesquins, prosaïques, creux et sans talent. Leur agitation est sans vie, Hugo est tremblotant et Lamartine est pleurnichard. Quant à George Sand, elle parle pour ne rien dire. Paris n’est qu’une ville répugnante, où l’on respire un air infect.
Fiodor Mikhaïlovitch Dostoïevski se désole de la mesquinerie des bourgeois ordinaires, des affectations chevaleresques du petit personnel des boutiques, et du rêve qu’entretient chaque ouvrier de devenir propriétaire. Il pense que la fière devise Liberté, Egalité, Fraternité n’a plus sa place dans ce monde désenchanté.
Daniil Harms crée le mouvement perpétuel en donnant à un Français une chaise, un fauteuil et un sofa. Il aurait pu le faire avec trois débits de boisson.
Maria Vardenga estime que l’âme de Paris est morte, asphyxiée par la mondialisation.
* * *
Il y a aussi des témoignages positifs (suivre le lien sur mon nom).
J’aimeJ’aime
Et voir aussi
http://sonnets-de-cochonfucius.lescigales.org/l-air-et-le-feu.html
J’aimeJ’aime
Mais Cochonfucius, ce que disent ces Russes est très drôle. Moi, ces commenaires ne me démotivent pas, je les trouve roboratives au contraire. Mais c’est sans doute parce qu’ils sont bien écrits. Si mes Britanniques prononçaient leurs jugements dépréciatifs avec style et esprit, je communierais avec eux dans la franche détestation de la France.
J’aimeJ’aime
Depuis Nelson, ils ne nous aiment pas…
J’aimeJ’aime
C’est amusant de savoir que le racisme est condamné en Grande-Bretagne. Alors que, très profondément, les Anglais sont persuadés que l’espèce humaine n’est pas une. Il y a les Anglais, qui en font certainement partie, les autres Britanniques pour qui c’est à peu près certain (avec un doute historique pour les Irlandais). Les Européens du Continent peut-être, et pas depuis très longtemps. Les Américains du nord, mais pas tous. Le reste des êtres à apparence humaine, ce sont des Natives. On ne se marie pas avec un/une Native, on n’en espère aucun perfectionnement. C’est pourquoi on trouve tout à fait normal que leurs femmes se bâchent jusqu’aux yeux (par exemple), même s’ils vivent en Grande-Bretagne.
Bien entendu, exprimer à haute voix cette vérité sur le territoire de la Grande-Bretagne est mal venu, inutile (puisque tout le monde en est d’accord) et nuisible (car les Natives peuvent l’entendre et en souffrir, or on ne doit pas faire souffrir inutilement les êtres inférieurs). Il y a une protection légale, ce qui proclame les êtres humains sont ceux qui se soumettent aux lois. Des natives, on attend seulement qu’ils ne gênent pas. « Racisme anti-blanc » n’a pas de traduction en anglais (en américain, je ne sais pas).
En France (et en Chine aussi) c’est exactement le contraire. Tous les hommes naissent égaux, ceux qui possèdent la civilisation ont une supériorité sur les autres, et la plus haute civilisation est française (est chinoise). Ceux qui font effort pour y accéder sont estimables. Les autres qui en ont l’occasion et le refusent sont blâmables. C’est pourquoi une femme voilée ou un homme qui refuse à grand bruit de boire du vin ne sont pas bienvenus, mais on ne désespère pas de les amener à la civilisation. C’était dans la loi française autrefois, avec les statuts d’indigène et d’assimilé, le statut d’assimilé étant ouvert à tout indigène qui le veut et accepte de faire un petit effort (et une fois assimilé on peut devenir professeur à la Sorbonne ou ministre de la république, les deux meilleurs exemples sont morts très vieux il y a quelques décennies). On y reviendra peut-être maintenant qu’il n’y a plus de colonies et que la configuration s’est transportée en métropole (pour une survivance, visiter Mayotte).
Et voila pourquoi, à mon avis, les Anglais détestent les Français, qui proclament avec bruit, et mettent en pratique, une théorie de l’espèce humaine aussi contraire à la leur. Et en effet, « tout propos dégradant sur la France sera considéré comme rationnel, comme une opinion acceptable » et nécessaire; sinon ce serait admettre qu’ils pourraient avoir raison.
J’aimeJ’aime
Comment Mayotte a-t-elle changé depuis qu’elle est devenue département français ? Le marché de Mamoudzou, bétonné, sera-t-il plus civilisé, j’en doute… Rapport à la terre, meuble, rapport à ce qui dure un temps, le béton.
Quant à l’absorption de l’alcool, je lisais hier dans Méharées de Théodore Monod l’admiration qu’il avait pour ceux qui ont institutionnalisé le refus des boissons alcoolisées, dont Anglais, Français, Irlandais ne font pas partie.
J’aimeJ’aime
Un article intéressant vient d’être publié dans l’Observer de ce matin. Signé par un docteur en français, vivant à Paris : http://www.guardian.co.uk/commentisfree/2011/feb/06/french-studies-francophiles-universities
Andrew Hussey fait le lien entre la francophobie et l’université britannique. Il réalise l’exploit d’expliquer qu’il faut promouvoir l’enseignement du français sans aimer la France. Il ne craint pas de confirmer les préjugés anti-parisiens : « the longer I live in Paris the more I find that Parisians really do live up to their reputation as the most irritating people in the world ».
Son truc, c’est la culture francophone « outside official French culture ».
Conclusion : aimer la France, c’est risquer de ne rien comprendre à la culture francophone.
La francophobie a de beaux jours devant elle.
J’aimeJ’aime
Bonjour, j’habite à Londres depuis plus de trois ans et évidemment je vous comprends. On sent que les Français sont souvent l’ennemie ici et moi même me sens victime d’injustice.
Le pire en effet est de sentir l’archaïsme de ce sentiment francophobe et de voir comme il est dénué de tout cheminement rationnel.
Bizarrement les Anglais pensent et voudraient aussi qu’on les deteste. Je crois qu’en fait, ils aimeraient simplement plus de considération de le France et de Français dont ils ont un regards très ambivalent.
Il faut savoir que la Bourgeoisie Anglaise possède la plupart du temps une maison en France (on parle de 400 000), ils apprennent le Français quand ils souhaitent se distinguer, ils lisent Proust, ils s’intéressent profondément à la culture Française, ils en arrivent parfois à haïr aussi leur propre pays en rêvant de la France.
La France pour l’Angleterre est la cristallisation de nombre de maux de sa société et surtout de sa fracture sociale.
Les Français pensent en faire les frais, et sans doute est-ce possible, mais ils nous accueillent toujours dans le fond avec fierté et quand on leur montre qu’on s’interesse un peu à eux, s’ouvrent avec facilité.
J’aimeJ’aime
Guillaume, l’article du Guardian est interessant.
Il y a c’est vrai plusieurs Paris et un parisianisme bien connu loin d’être sympathique malheureusement. On peut débattre longtemps du parisianisme mais malheureusement, je pense que c’est non seulement Paris mais toute la France que l’Angleterre et même le monde aime à garder l’image.
Paris aime vouloir rayonner dans le monde entier, c’est aussi le revers de la médaille.
J’aimeJ’aime
La Francophobie est de plus en plus affichée, pour preuve la vidéo pro-terroriste de Bilal Hassani (celui-là même qui est censé porter haut les couleurs du Pays à l’Eurovision – quel Pays?).
Mais tout va bien, après plusieurs mails au 1er ministre à ce sujet restés sans réponse…
J’aimeJ’aime