L’aide mémoire de Fintan

Fintan sortait de chez Tom pour aller fumer chez lui, et pour boire quelques canettes de bière. A chacune de ses réapparitions, il était un peu plus bourré, un peu plus bavard, un peu moins attentionné. Nous ne l’écoutions guère.

Je m’étonnais du fait qu’il sortait de sa poche un bout de papier, constamment, et le remettait dans sa poche. Il parla des affiches artistiques qui parsemaient la ville de Dublin, en contrepoint des affiches électorales des prochaines élections générales du mois de mars. 

Fintan parla aussi du cinéma Rotonda, ainsi que d’un chanteur, possiblement français, dénommé Red.

Il parlait, il parlait, pendant que j’écrivais sur mon ordinateur portable, et que Tom lisait son magazine mensuel préféré, Mojo. Fintan parlait sans cesser de sortir de sa poche son bout de papier, et de le remettre dans sa poche. 

Mais il parlait dans le vide car il avait perdu le Mojo, il n’avait pas la grâce.

Plus tard dans la soirée, il me montra son bout de papier. Il y était écrit les sujets de conversation qu’il voulait passer en revue avec Tom.

Je déchiffrais :

Art posters

– Rotunda cinema

Red

etc.

Je n’en croyais pas mes yeux. J’avais écrit autrefois une nouvelle intitulée « Le carnet de conversation ». C’était l’histoire d’un pauvre homme qui, pour surmonter son émotion devant les femmes, avait mis au point un carnet qui lui permettait de divertir son interlocutrice en passant logiquement d’un sujet à un autre. Mon histoire se passait à Dublin, à quelques rue de là où nous étions.

Et je voyais devant moi Fintan devenir l’incarnation du personnage de ma nouvelle.

3 commentaires sur “L’aide mémoire de Fintan

  1. Ton histoire me fait penser au film : Emotifs anonymes, où les deux protagonistes, très timides, dînent dans un restaurant (le Cintra à Lyon) et s’emberlificotent dans les sujets de conversation dont ils ne maîtrisent pas un seul petit fragment… et pourtant leur naïve incapacité est plus parlante que n’importe quel discours, comme par exemple un discours politique dont les rouages et les ficelles semblent si parfaits, car c’est bien « l’homme qui parle »

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