En arrivant dans ma chambre d’hôtel, situé convenablement à côté d’un sex shop, j’ouvre mon ordinateur portable, et je note avec l’heure qu’il est au Royaume-Uni : minuit vingt. ici à Montréal, il fait encore beau, et je me prépare à aller manger dehors.
Le réceptionniste, un gentil Marocain, me conseille d’aller sur la rue Saint-Denis. Choix judicieux, la rue est d’un charme indéfinissable, en pente, pleine de restaurants et de bars sympathiques. En haut de la rue, un square très bizarre, dont les maisons ont des pignons compliqués et colorés.
Ma chambre d’hôtel a deux lits double et parquet qui grince. Un mur en pierre et une vieille télé qui s’allume en tournant un bouton.
Le décalage horaire me tourneboule. Fatigué à 18h, je divague jusqu’à minuit et je me réveille à 4h du matin.
Le matin, promenade aurorale, café au McDonald. Là, des clochards qui lisent des livres et un Noir qui écrit dans un carnet de Moleskine rouge. Je me dis : « Peut-être un écrivain haïtien. Peut-être le nouveau Dany Laferrière. Je lui parle, il me répond en anglais. Il rigole, dit qu’il n’est pas écrivain pour un sou, mais un banquier de Toronto qui reprend ses études à Montréal.
Belle lumière et soleil glorieux. Le fleuve Saint-Laurent est moins accessible que je l’aurais imaginé. Sur la place Jacques Cartier, je vois au loin une statue sur une colonne : sans doute Cartier lui-même, le premier explorateur du Québec. Je m’approche et la réalité me désillusionne : c’est l’amiral Nelson, qu’est-ce qu’il fout là ? Ces salauds d’Anglais se sont délectés à détailler sur le socle toutes les humiliations que Nelson a infligées à la France, dans la ville où ils ont pris le Canada aux Français, par les armes.
Les Francophones se sont vengés. Ils ont gardé leur langue et se sont payés le luxe d’avoir fait de leur province la plus belle et la plus intéressante du pays.
Et toi, tu vas faire une conférence à l’université de Waterloo. Bravo.
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Oui, je me suis aperçu de l’ironie de cette situation après coup. Waterloo, morne plaine. Nelson nous a humiliés à Waterloo, c’est entendu, mais les braves gens de Kitchener souffrirons d’entendre parler de ces migrants qui écrivent en français en Amérique.
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Nelson une fois trépassé, n’est plus ni Anglais ni amiral ni rien, juste une des innombrables et fugitives gloires de l’humanité.
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Enfin, on peut le voir comme ça, si l’on n’aime pas être en présence d’un monument à la gloire d’un adversaire.
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