LA VIE PROFESSIONNELLE DE MON PERE PAR LUI-MEME
Mon père nous écrit, par moments, des nouvelles et des souvenirs. Il avait commencé un blog, qu’il a décidé d’arrêter, au profit d’emails collectifs. J’héberge donc, avec sa permission, ses textes de souvenirs qui m’enchantent. Pour lire l’ensemble de ses textes mis en ligne sur ce blog, il suffit de cliquer sur la catégorie qui porte son nom, Yves Thouroude.A la question : « Que faisiez vous avant d’ être à la retraite ? », je suis souvent embarassé de répondre.
Mes interlocuteurs , eux , déclinent sans embarras et avec une certaine fierté leur ancien « métier » : enseignant, comptable, artisan, ingénieur , militaire , coiffeur , cultivateur , banquier , cadre à la sncf , cadre ici , cadre là , etc etc .. plus rarement médecin , notaire , cac 40 et encore plus rarement taxidermiste ou maréchal-ferrant . Pour la plupart , ils ont eu, la vie entière, la même activité, ils l ‘ont aimée et s’y sont épanouis.
Moi , non. Alors, lorsqu’on me pose la question , la réponse n’est pas toujours la même. Elle dépend de la personne demandeuse, de mon humeur. Cela peut être : ramoneur, chef d’entreprise, hydrologue, agent commercial, bûcheron, formateur , agent de renseignements , chasseur de crocodiles… Tout ceci est caïman exact et ces différentes activités m’ont permis en leur temps de me nourrir et plus tard de faire vivoter ma petite famille .
Mais ceci n’est pas très sérieux , et afin de soigner ma réputation , et ne pas faire honte à mes enfants (!) , j’ai décidé de répondre comme tout le monde à la fameuse question .
J ‘ ai donc entrepris de faire appel à ma mémoire et d ‘ établir un curriculum vitae au sens premier du terme , c ‘est à dire un parcours de vie axé sur les activités et les petits boulots qui l’ont jalonnée jusqu’à ce jour. A partir de là , je trouverai peut-être la réponse satisfaisante qu ‘ attendent mes interlocuteurs , ce qui m ‘étonnerait beaucoup tout de même !
Si vous n’êtes pas trop pressés , je compte inclure dans ce c.v quelques anecdotes et les circonstances qui m ‘ ont amené à exercer telle ou telle activité .
Ma vie « active » à commencé début 1958 . J ‘ai 19 ans. Le contexte : séminariste en voie d’être ensoutanné , ( je vous raconterai un jour mes années séminaire), je prends peur et comprends subitement que la voie écclésiastique n ‘est pas la mienne. Je prends ma première décision d ‘ adulte : je m ‘enfuis ou tout comme et me réfugie dans le « cocon » familial. Mal m ‘en prend… Mon pére , sans doute déçu de ne pas compter parmi ses rejetons un futur prêtre , et qui sait , un évêque ? , me reçoit fraîchement et me dit en substance : « Puisqu’on t’a mis à la porte du séminaire, tu prends celle de la maison ». Dans sa grande bonté , il accepte que je passe la nuit à la maison !
Le lendemain matin , ne sachant que faire, je retourne à Bayeux , au séminaire avec ma petite valise en carton pour quérir de l ‘aide. Les portes ne s ‘ouvrent pas… C ‘est sans doute de cette époque qu ‘est née mon aversion pour les clés en général et les clés de portes en particulier ! Heureusement , parmi les « bons pères », un vrai bon s ‘aperçoit de mon désarroi et me prend provisoirement sous son aile . Il me donne un peu d’argent et m’adresse à l ‘un de ses amis , directeur d’un collége agricole aux environs de Caen .
Et voilà comment je me suis retrouvé pion dans ce collège et que j ‘ai commencé à découvrir la vie en étant payé pour cela. Le seul souvenir que j ‘aie de cette première expérience, est celui du directeur qui avait un nom et un accent alsaciens , et qui , avec ses cheveux en brosse et sa moustache broussailleuse, ressemblait à Jean Bruce, le prolifique auteur des OSS 117 et de leur héros : Hubert Bonisseur de La Bath, auquel je m ‘identifiais…
Vous voyez, je n’ étais pas bien mûr pour affronter la vraie vie et je pense que je ne le suis toujours pas !
Bon , foin de misérabilisme , les épisodes suivantes sont moins tristes et tiennent plus du vaudeville que de la tragi-comédie…
Ce début est prometteur.
Mon propre père a quitté l’ordre bénédictin dans ces âges-là et dans des conditions assez semblables.
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