Curriculum (4) Paris 1961/1962, petits boulots

Vendre, ou plutôt essayer de vendre des aspirateurs tornado , ne fut pas une sinécure !
D’abord je n’ai jamais vu ce que cet appareil avait de révolutionnaire. Ensuite , la rémunération était basée uniquement sur les commissions et enfin ce produit était destiné aux particuliers qu’il fallait contacter directement en tapant à leur porte . Le premier jour , journée de « formation » , j’ai été accompagné par un chef . Lui portait la documentation et le bon de commande et moi l’aspirateur qui pesait son poids. Alternativement, nous frappions aux portes , et , lorsqu’elles s’ouvraient , il fallait débiter rapidement 2 ou 3 formules toute faites qui étaient destinées à rassurer le prospect. Ensuite il fallait s’arranger pour entrer , même sans y être invité . C’était parait-il la méthode américaine! Aprés c’est très simple , il suffit de faire une démonstration (une démonstration égale une vente, disaient-ils…)

Je peux témoigner que ce théorème n’avait rien de scientifique! En effet, après avoir sonné une bonne cinquantaine de fois à des portes qui s’entrouvraient et se refermaient illico, la méthode américaine ayant ses limites , nous avons pu tout de même effectuer 5 démonstrations qui n’ont donné lieu à aucune vente ! Bilan de la journée : quelques centaines de marches montées et descendues avec un aspirateur de plus en plus lourd , la peur de déranger et d’être mal reçu , rien d’amusant et zéro revenu… Un jour sans, commentera le chef! Je veux bien, mais en tout cas le lendemain sera un jour sans moi.

Ainsi se terminera ma brève carrière de vendeur d’aspirateurs.

De bonnes âmes autour de moi , considérant que je présentais bien et avais du bagout , me suggérèrent d’insister et d’essayer des produits plus nobles , genre encyclopédies ou assurances vie. Ce que je fis , mais qui ne fut guère plus concluant. Il était donc écrit que je n’étais pas fait pour ce métier , pas plus que je ne l’avais été pour celui de pilote ou de magasinier.

Qu’à cela ne tienne. Je me replonge dans les annonces de France-Soir. Un grossiste en fruits et légumes aux halles, à 2 pas de chez moi , recherche un manutentionnaire pour 2 mois. Travail : décharger les camions de cagettes et placer ces dernières sur des stands prévus à cet effet . Bon salaire , mais horaires ardus : 4 heures du matin / 9 à 10 heures selon les jours . C’était physique mais agréable , tout cela dans la bonne humeur et un brouaha sympathique. J’ai un grand souvenir de l’odeur des oranges que nous pouvions déguster sans modération . Quelque fois , à la pause , vers 7 heures , le patron nous offrait l’andouillette ou les tripes avec une bonne bouteille de vin blanc, en compagnie des forts des halles qui riaient fort et gras! La première fois , on préférerait un café , et puis on s’habitue et on en redemande !! On repartait au boulot en chantant…

Mon contrat terminé, je passe quelque temps à pérégriner dans Paris et à dépenser une bonne partie de l’argent gagné . Je rencontre dans un bar un type complètement fêlé. Ancien légionnaire viré de l’armée (je ne saurai jamais pourquoi), il est responsable de la sécurité dans une usine de banlieue. Il recherche des agents pour faire des rondes de nuit dans cette usine et pense que je ferais très bien l’affaire. Cela m’amuse et j’ai envie de voir comment cela fonctionne. En plus, ce travail de nuit est bien payé ! Dans l’usine sont installées dans des coins stratégiques, des boîtiers qu’on appelle mouchards. Armé d’une lampe torche et d’une petite clé alors que mon chef dispose d’un gros révolver à la ceinture, mon rôle est de tourner cette clé dans les dits mouchards toutes les 2 heures, et de faire un rapport circonstancié sur d’éventuelles anomalies que j’aurais pu constater lors de ma tournée. Comme vous le voyez , il s’agissait là d’une mission de confiance et à haute responsabilité! Je n’ai jamais repéré d’anomalies et me demande encore ce qu’il pouvait y avoir dans ces petites boîtes… J’ai dû passer une quinzaine de jours à cet endroit. Mon copain légionnaire , un jour , n’est plus revenu et ne m’entendant pas avec le nouveau chef, j’ai demandé mon compte et ne suis plus revenu moi non plus.

C’est ainsi que cela se passait à l’époque. Vous pouviez quitter sans problème votre employeur le soir et vous faire embaucher chez un autre le lendemain.

Bon, je m’aperçois que je suis très bavard ! A ce rythme là , il va falloir beaucoup de temps pour arriver à la retraite. Dans ce que j’écris , n’hésitez pas à lire seulement ce qui vous semble important si tant est etc., etc..

Un commentaire sur “Curriculum (4) Paris 1961/1962, petits boulots

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