N ‘ayant pas le permis de conduire, mes premiers pas d’hydrologue en Afrique se sont effectués sur une mobylette ! Les Noirs regardaient d’ un oeil étonné et les Blancs d’ un air condescendant, ce jeune homme sillonner hardiment les pistes de brousse et la tôle ondulée. D’autant plus que mon prédécesseur , comme tous les chercheurs ( c’est ainsi qu’on appelait les employés de l’ Orstom), était équipé d’une land rover avec des tas d’accessoires qui le faisaient ressembler à un coureur du Paris – Dakar !
Mon lieu de travail se situait à quelques kilomètres de Korhogo , plus précisèment à Waraniéné , charmant petit village sénoufo . Pour les besoins du service , les habitants avaient construit une petite case en pisé avec toiture en tôle. Un luxe ! Je pouvais y déposer le matériel nécessaire et y dormir éventuellement en cas de forte pluie , car la mobylette n’ est pas l’engin idéal pour transporter du matériel ou pour s’abriter . Ce village avait été choisi parce qu ‘à proximité du versant du bassin sur lequel portaient les études . Une station météo avait été édifièe à côté de la case . Mon rôle était de gérer cette station , c’est à dire de relever la quantité d’eau tombée dans le pluviomètre après chaque pluie , et de veiller au bon fonctionnement des autres appareils enregistreurs de température , de vitesse du vent , d’ ensoleillement , etc. Je devais récupérer et changer les bandes enregistreuses chaque semaine. Périodiquement , j’envoyais ces données à l’ agence d’Abidjan , où elles étaient exploitées par les ingénieurs . Il était aussi prévu dans mes attributions la réalisation de mesures de débit sur le fleuve Bandama blanc. Cependant , outre le fait qu ‘on ne m’avait pas encore appris comment pratiquer ces opérations , le fleuve se situait à une cinquantaine de kilomètres, et malgré la vaillance de ma motobécane…
Il devenait urgent de passer le permis de conduire. Deux ans après l’indépendance , les Français tenaient toujours les rênes du pays . On commençait à rencontrer tout de même quelques Ivoiriens ayant des postes à responsabilités . Mr Coulibaly était l’un de ceux là . Il était examinateur des permis de conduire à Korhogo. Après avoir fréquenté le temps qu’il fallait une auto école , je me présentai donc à l’examen assez sûr de moi . Je ne fus pas admis . Dès que cela fut possible, je me représentai sans plus de résultat . La troisième fois ne fut pas la bonne non plus ! A la quatrième , je compris la raison de mes échecs lorsque monsieur Coulibaly me déclara que je n’aurais jamais le permis à Korhog , tant qu’il serait en poste. Il me reprochait de lui avoir manqué de respect , en l’éclaboussant d’une eau boueuse , alors que , par une nuit sans lune et par forte pluie , je fonçais avec ma mob vers mon lieu de travail , sans pouvoir éviter les flaques! Je n ‘avais aucun souvenir que cela se fût passé. Je le lui dis et me confondis en excuses les plus plates. Mais rien n’y fit. Il restait persuadé que j’avais agi intentionnellement. Nous nous quittâmes en froid !
Mon chef me fit descendre à Abidjan où j’obtins sans coup férir le précieux document, ce qui me permit , après quelques jours de fête dans la capitale , de remonter vers le nord au volant d’ un land rover ancien modèle , mais land rover quand même ! Maintenant , j’avais l’impression de devenir quelqu’un de sérieux…
La saison des pluies touchait à sa fin et j ‘allais découvrir à quoi sert un hydrologue quand il ne pleut pas !
Terrible, cette histoire d’offense involontaire.
Ce sont les plus difficiles à rattraper.
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