
Le dimanche en Irlande du nord, le train coûte six livres sterling pour tous les trajets que l’on veut. C’est donc l’occasion d’aller faire un tour au bord de la mer, ou dans une cité voisine. C’est ce que j’ai fait en me rendant une petite journée à Derry, afin d’aller voir le nouveau pont en zigzag qui est censé symboliser la paix.
L’une des nombreuses supériorités du train sur le bus, c’est que l’on peut y emporter son vélo. Or, Derry est très agréable à visiter à vélo. Il y a des côte et des points de vue spectaculaires, tout ce que les cyclistes affectionnent.
Surtout il y a la Foyle, le fleuve qui sépare le centre ville catholique et le quartier protestant. Jusqu’à cette année, il n’y avait qu’un pont, d’aillleurs très chouette, à double étage et bleu. Aujourd’hui, avec cette passerelle en zigzag, financé par l’Union Européenne, la ville se tourne davantage vers son fleuve, ce qui est toujours une bonne nouvelle.
A la gare, les piétons attendent une navette pour le centre ville, alors que le cycliste part d’un air modeste, mais intérieurement il triomphe. Il prend la poudre d’escampouille et dirige vers le nouveau pont. Du côté protestant, il faut construire un nouveau quartier, car il n’y avait pas grand-chose, alors les urbanistes ont fait ce qu’ils font toujours, de Shanghai à Dublin : un quartier de verre, de pierre et de fer.
Une exposition de dessins d’enfants accompagne inévitablement le nouveau quartier du nouveau pont. Des enfants qui ont sagement répété ce que les adultes leur ont ânnoné : « I think the bridge should be called Hope. » Des dessins de bons élèves, ennuyeux, dont le talent suprême est de savoir plaire à leur maîtresse, à leurs parents, et par extension à tous ceux qui ont du pouvoir. « Derry-London Derry, the city that believes in you« . Quel enfant d’abrutis appellerait sa propre ville « Derry-London Derry » ?
Le pont est une belle construction, constitué de deux inflexions pour signifier que la paix prend des chemins tortueux, et aussi pour symboliser les compromis que l’on doit faire, les pas de côté, tout ça. Conçu par le cabinet anglais Wilkinson Eyre, il fait une belle courbe dans le paysage, et il est indéniablement photogénique.
Je me suis promené dans la jolie ville de Derry, roulé sur ses remparts, et j’ai sacrifié à mon péché mignon : lire le journal du dimanche dans un café, pendant des heures.
Quand je suis retourné sur le pont (c’est-à-dire quand les femmes du café ont fini par me virer, à force de passer la serpillère tout autour de moi), le soleil couchant illuminait les grands montants blancs qui soutiennent la table du pont, et les promeneurs continuaient d’emprunter ce nouveau chemin dont ils sont raisonnablement fiers.
Un homme s’est arrêté près de moi pour me demander ce que j’en pensais. Nous sommes convenus que c’était très beau, il m’a dit que c’était « well engineered« . J’ai demandé qui était l’architecte, il m’a dit qu’il n’en savait rien, mais qu’il était satisfait de la manière dont les travaux se sont déroulés. J’ai voulu lui demander s’il était lui-même dans le bâtiment, mais le vent et le froid les ont poussés, lui et sa femme, à me laisser à ma photo.
Au bout du pont, sur le côté protestant, un homme jouait de la cornemuse. Face au soleil, il se mesurait au vent, et il remportait la victoire, car on l’entend depuis le milieu du pont.
« Derry » ou « Londonderry », autrefois on s’empoignait sur cette nuance onomastique.
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