L’élégance suisse

Quand je me promène à Genève, je ressens la présence de Nicolas Bouvier partout. Pour moi, Genève, c’est Bouvier. Ou plutôt, c’est ce que Bouvier en a dit : une ville anglophile, dont la politesse, la libéralité, la rigueur et la chaleur discrète viennent d’un attachement profond à l’Angleterre.

Dans le même temps, Genève est une enclave presque française en Suisse. Dans sa biographie de Bouvier, François Laut décrit le Genevois comme un Parisien un peu perdu. Un Suisse qui cherche à être reconnu à Paris, et qui développe vis-à-vis des Français un mélange de familiarité et de mépris.

A la pause, je vais boire un café dans endroit littéraire qui fait librairie et café, « Livresse ». J’y lis, dans La Tribune de Genève du vendredi 13, que cela chauffe au niveau du commerce des livres. Pour ou contre le prix unique… Il y aura un referendum en mars pour laisser le peuple décider. Le débat est sensible en Suisse romande car 80% des livres sont importés de France, et coûtent 20 à 80%  plus cher qu’en France. Au-delà du coût, on voit le malaise que cela peut créer, sur le long terme : la grande littérature vient la plupart du temps de France, d’où un sentiment ambivalent pour cet encombrant voisin. Les Genevois sont un peu dans la position des Français provinciaux qui savent que tout se fait à Paris.

Mais personne ne peut accepter ce rôle de provincial. C’est dégoûtant d’être provincial, c’est morne, c’est ennuyeux, c’est lourd. D’ailleurs, avant la constitution des états-nations, au XIXe siècle, les grandes villes francophones étaient de véritables centres culturels, économiques et politiques qui n’avaient rien à envier à Paris. Elles jouissaient d’un rayonnement international : Genève, Lyon, Dijon, on venait de l’Europe entière pour vivre, pour y prier, pour y créer.

8 commentaires sur “L’élégance suisse

  1. Genève, comme siège de prestigieuses institutions planétaires (ne serait-ce que la Croix-Rouge), a toutes les raisons de ne pas trop se sentir enfermée dans la provincialité…

    Mais c’est sûr, Paris fait parfois de l’ombre à ses soeurs.

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  2. « une ville anglophile, dont la politesse, la libéralité, la rigueur et la chaleur discrète viennent d’un attachement profond à l’Angleterre. »
    Mouais.. J’ai l’impression que si tu remplaçais cela par:
    « une ville germanophile, dont la politesse, la libéralité, la rigueur et la chaleur discrète viennent d’un attachement profond à l’Allemagne. », cela fonctionnerait tout aussi bien, voire mieux…
    My 2 cents.

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    1. Oui, tu as raison qu’on pouvait dire cela de touts et de tout. Mais que veux-tu, c’etait une impression de voyage…
      J’avais lu cet article en effet sur les differentes pratiques educatives entre la France et le Royaume-Uni, je me demande si l’on peut vraiment dire que les Britanniques sont plus « creatifs ». Ou plutot, je me demande ou cette creativite – qui serait centrale dans l’education des gamins d’outre-Manche – est passee des lors qu’ils deviennent adultes.
      Hier, nous faisions passer des oraux a des etudiants de deuxieme annee de fac, ils etaient stresses a un point qui m’a un peu perturbe. J’ai vu une fille pleurer en sortant de son exam parce que l’examinateur lui a demande gentiment de ne pas reciter/lire son expose.
      Les etudiants britanniques sont maternes a un point extreme et je ne sais si cela les aide a devenir autonomes. Cet article m’a paru, pour cette raison, un peu leger et caricatural. Non ?

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  3. Oui, tout à fait d’accord. Sur le fond cet article met en lumière la peur de « brimer » son petit enfant chéri chez les mères d’outre-manche. Mais dire que fixer des règles à son enfant et les respecter brime leur créativité…C’est vraiment du grand n’importe quoi!
    Mozart et De Vinci apprécieront..!-)

    Il y a un commentaire à cet article dans lequel je me retrouve et que je copie dans un second message.

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  4. Commentaire en réponse à la journaliste carrément simplette du Guardian:

    nadafr
    1 January 2012 8:12PM
    ….this article is a good example of british creativity indeed….
    I find it hilarious that the author is criticizing some stereotypes (using this precise term to denounce them)….. by answering with other new stereotypes…. What a world !
    I do not understand the argument about creativity and authority. I will pass on the argument that respecting/obeying some rules, being asked some discipline or not doing everything you want when you are in the mood for it, will damage your creativity on the long term. Which is quite questionable. But even if it was true, to oppose creativity and authority would insult the child ability to build himself independently from his/her parents. It’s probably my french tropism about individualism to think that a child is not what their parents wanted to make of him/her.
    The author would be very embarrassed to comment about numerous artistic and scientific, past and actual, geniuses who have received a very strict/authoritarian education and they were no less creative. I have the deepest respect for the incredible resources the children have, their ability to oppose – through various means – to their parents and their ability to deal with happy and less happy episodes of their lives, which is the foundation of their creativity. They are definitely no dolls, and this is true as well for the supposed « strict » French parents or the supposed « laxist » British ones .
    To finish with, I am the only one to be shocked by the author’s apparent suggestion that creativity and mathematics are like two totally different matters/worlds…. ? Is she somehow suggesting that mathematics are not creative ? I find it all the more surprising considering that mathematics are probably the only scientific discipline where there is a notion of beauty. As a French, I clearly remember how my maths professors would refuse to give me full points, while I had correctly demonstrated some theorem or solved one problem, just because my demonstration was not elegant enough. To have an elegant demonstration, you had to use clever tools/paths of demonstration, that is to be creative with the maths concepts you were learnt.
    I would strongly advise the author to see the actual exposition at the Fondation Cartier in Paris, about mathematics and art (« Mathematics, a sudden change of scenery »). I can add that the Fondation Cartier is an institution dedicated to art and contemporary creation, and obviously, they treat mathematics as an art of its own….. People invited to comment about their fascination and the inspiration they draw from mathematics include, among others, Takeshi Kitano, Patti Smith, Raymond Depardon, David Lynch.

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    1. Bien envoyé Damien. J’apprécie ton passage sur la beauté dans les mathématiques. Je me demande comment ta réaction a été appréciée chez nos amis du Guardian, qui de toute façon nous habituaient à mieux.

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