
L’un de mes frères se trouvant à Paris en même temps que moi, nous nous sommes vus dans la capitale et sommes allés ensemble à la Maison de la Radio. Il se trouve que ce frère-là a toujours été un amateur de radio et, comme c’est mon cas, adepte des chaînes du service public.
On a demandé au journaliste qui m’interviewait si cela le dérangerait de lui faire une place dans le studio. Il n’y a pas eu d’hésitation, tout le monde est bienvenu. Mon frère est donc resté dans la régie, d’où il a pu prendre quelques photos, les seules que je possède de mes diverses interviews à la radio.
J’ai de la chance, j’apparais même sur un ou deux de ses clichés! J’aurais pu y être absent, car ce qui intéresse surtout mon frère, c’est le travail de l’ingénieur du son et le mécanisme interne de l’événement radiophonique.
L’un de ses propres fils compte être journaliste, alors les commentaires que père et fils s’échangèrent par SMS, pendant que je parlais de mon livre et de mes idées sur le nomadisme, concernaient des questions beaucoup plus concrètes : la qualité de l’interviewer, le professionnalisme de l’ingénieur, l’adéquation des ordinateurs, la marque des micros.
C’est la précarité de ma renommée. Ma vie de star précaire avait commencé dès lundi, chez un de mes cousins, à Montpellier. Comme il est photographe de presse (en supplément de son métier de médecin légiste), et qu’il m’a montré des portraits qu’il avait réalisés il y a peu, je lui ai demandé de faire mon portrait.
Après tout, chaque fois qu’on me demande une photo, je n’ai guère que des clichés pris sur Facebook, où j’apparais blafard et en surpoid, légèrement ivre et la paupière lourde. C’était l’occasion de faire appel à un professionnel qui allait donner du sage précaire l’image officielle d’un homme moderne en majesté.
Malheureusement, lundi matin, le soleil tapait trop dur pour mes pauvres yeux, et le réflecteur de lumière qui était censé m’éviter de plisser les yeux (en me permettant de poser dos au soleil) était encore pire et me faisait pleurer comme une madeleine. Mon cousin dirigeait les opérations en me disant : « Vas-y, ouvre les yeux! Super, ouvre les yeux. »

Résultat, la photo la plus réussie est peut-être celle où je me frotte les yeux pour sécher mes larmes. J’ai l’air de prendre ma tête entre les mains tout en riant, ce qui convient bien à la sagesse précaire, il me semble. Démocrite et Héraclite réunis en une seule image:
« Des deux philosophes Démocrite et Héraclite, le premier, qui trouvait ridicule et vaine la condition humaine, n’affichait en public qu’un visage moqueur et souriant; le deuxième, au contraire, etc. », Montaigne, Essais, I, 50.
C’est une bonne image, car elle combine convenablement le rire et le désarroi. D’autant plus que le désespoir, en l’espèce, n’est pas provoqué par des angoisses existentielles, mais par un inconfort matériel et momentané. Il s’agit donc d’un malaise parfaitement prosaïque et entièrement remédiable, comme le malheur du monde, selon les préceptes encore flous de la sagesse précaire.
C’est ainsi que ma semaine de star médiatique a commencé par une photo sans visage, et s’est terminée par une autre photo où j’apparais par accident.
Sage Précaire,lire des blogs et les nouvelles du monde entier sont les premières actions de mon quotidien vers les aurores,pendant mon petit déjeuner,seule, l’unique temps « off » de mes jours. « » Démocrite et Héraclite réunis en une seule image » », bin quin je me suis dit ! il ne se prend pas pour un « »Deux de Pique » »le Gentil Précaire, comme on dit ici et ça a fait ma journée…
J »aurais voulu t’écrire une phrase « »songée » ».Hélas je suis nulle.
La photo est parfaitement nette même à un millième de pixels,on voit le travail du pro, sauf qu’il manque « »ton regard » ».
Mon vieux me disait souvent… « »le bonheur suprême de la vie est la conviction d’être aimé pour soi-même ou, plus exactement, d’être aimé en dépit de soi-même. » »(V.H.)
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Ton vieux est un vrai sage précaire Mildred. « V.H. », cela veut dire quoi?
J’adore quand tu utilises des expressions de chez toi, comme « bin quin », « se prendre pour un deux de pique ». C’est très beau.
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Tu n’en es pas encore aux affiches avec ton portrait dans les campagnes, mais tu as ton fan-club…
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D’accord avec Mildred, on sent le pro chez ton cousin. Très cool, la photo les mains sur la tête, ça fait magazine de mode.
J’aime aussi beaucoup la première photo, prise par ton frère. La carrure du type au premier plan est un peu flippante, ça fait film de science-fiction, genre Star Trek.
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Très juste, Fred. Ce sont définitivement deux très belles photos, pour deux univers très différents.
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J’ai cru comprendre que c’était un entretien pour RFI ? Alors là, si c’est le cas, il faut me dire pour quand c’est programmé, ce sera ma fois de t’entendre, comme on dit au Tchad.
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Je n’y manquerai pas. C’est l’émission « Si loin si proche », diffusée le samedi, à 10 heures du matin, et rediffusée à 4h de l’après-midi. Mais je ne sais pas encore pour quel samedi mon entretien est programmé.
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Je viens d’écouter l’émission » les travellers « sur RFI. Une très joli moment !
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