Nulle trace d’Ibn Battuta à Fès

Vous me croirez ou vous ne me croirez pas, je n’ai vu aucun vestige de la présence d’Ibn Battuta dans la bonne ville de Fès. Je ne savais pas trop ce que je cherchais, en réalité. Peut-être une plaque sur une vieille maison, sans doute une salle dans un musée municipal, à la rigueur une mention dans une mosquée ou une medersa. Certainement des gens passionnés et lettrés.

J’avais apporté mon micro-enregistreur pour commencer un reportage documentaire sur la vie et l’oeuvre du grand écrivain-voyageur. Plutôt que de le préparer en France, et de passer des heures sur internet ou au bout du fil, comme le font les journalistes fauchés, je suis allé directement sur place pour nouer des contacts et prendre des premiers sons. C’est la méthode dispendieuse de la sagesse précaire : les rédactions ne sont pas très chaudes pour ce genre de procédés, elles qui préfèrent qu’on prépare tout en amont avant de se déplacer. Le sage précaire, lui, est plus proche des reporters des années 30, qui partaient d’abord à l’autre bout du monde, et qui réfléchissaient après.

Mon repérage ne s’est pas avéré concluant. A part des sons de rues, des ambiances, des sons d’artisanats pétaradants, je n’ai pas enregistré grand chose. Je n’ai rencontré presque personne à qui parler d’Ibn Battuta. Ceux à qui je m’ouvrais de mon projet me promettaient un spécialiste de confiance, mais la forme que devait prendre notre entretien était celle d’une visite guidée culturelle de la Médina, à 20 euros de l’heure. Les chaînes de radio rémunérant déjà leurs reporters comme des chiens galeux (et ne remboursant pas les frais de voyage, d’où une raréfaction naturelle des émissions de reportage, au profit d’émissions de plateau, moins créatives et moins coûteuses), il n’était pas question de dépenser des mille et des cents pour une simple interview touristique.

Pourtant, tous les Marocains, tous les Algériens, tous les arabophones connaissent Ibn Battuta. Ils ne l’ont pas nécessairement tous lu dans le texte, mais ils connaissent son nom et sa réputation de grand voyageur. Dans la culture arabo-musulmane, il fait un peu figure de Marco Polo.

Il existe une « maison Ibn Khaldoun » par exemple, qui ne se visite pas, mais qui témoigne de  l’importance du grand géographe dans la ville. Ibn Khaldoun a d’ailleurs joué un rôle certain dans la dépréciation scientifique du récit d’Ibn Battuta.

Mais rien sur le grand voyageur.

3 commentaires sur “Nulle trace d’Ibn Battuta à Fès

  1. Hors sujet
    —————

    Le maître Laurent Schwartz instruisait ses élèves.
    « L’espace est de Banach quand il est vectoriel
    Tout en étant normé, ce qui est essentiel,
    Et complet par surcroît, ce qui, je le relève,

    Pourrait se définir de manière assez brève.
    Au pays de Banach, en voyage officiel,
    J’aperçus un tramway qui portait (juste ciel)
    Le nom de ce grand homme. Aussitôt je me lève

    De sur mon banc public, pour tenter l’aventure
    D’aller au terminus de ces belles voitures,
    Une place Banach, à ce qu’il me semblait,

    Où, si j’étais allé, j’aurais pris une vue
    Du professeur Banach sous forme de statue ;
    Mais je n’en ai rien fait. Le tram était complet. »

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    1. Merci Caroline. Je n’ai vu aucun mausolée, non, ni personne pour m’en parler. Le Guide Bleu non plus ne l’a pas mentionné. N’hésitez pas à me donner des précisions, si vous en avez. L’institut Ibn Battuta, quant à lui, est un centre culturel pour migrants et pour la rencontre des cultures, je n’ai rien vu sur le site qui donne des indications sur la présence d’Ibn Battuta dans le Maroc contemporain.

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