Dès qu’on parle d’Oman, on évoque la religion majoritaire de ce pays. C’est le seul pays du monde musulman qui ne soit ni sunnite ni chiite, mais ibadite, un très vieux rite que l’on retrouve aussi à Zanzibar, et jusqu’en Algérie, dans la region de Ghardaïa.
Il s’agit d’une option qu’un certain nombre de croyants ont privilégiée après la mort de prophète. Cela remonte donc au VIIIe siècle. Une question de désaccord avec le troisième calife, puis avec le quatrième calife. On note quelques points de doctrine théologico-politique propres, mais il n’est pas aisé de se faire une idée précise de ce qui les distingue. Ibn Battuta, au XIVe siècle, décrit en quelques lignes ce qu’il en perçoit quand il passe en Oman :
Ils sont de rite ibadite et célèbrent quatre fois la prière du vendredi, à midi. Lorsqu’ils ont achevé, l’imam récite des versets coraniques et fait une sorte de sermon dans lequel il demande à Dieu d’être satisfait d’Abû Bakr et de ‘Umar, mais passe sous silence ‘Uthmân et ‘Ali. Lorsqu’ils veulent citer ‘Ali, ils disent « l’homme », par exemple : « On raconte au sujet de l’homme » ou « L’homme a dit… » et ils demandent à Dieu d’être satisfait du misérable et maudit Ibn Muljam qu’ils appellent « le pieux serviteur de Dieu qui a maté le Sédition ». Leurs femmes sont très dévergondées; etc. (1)
Je ne suis pas sûr à cent pourcent que le dévergondage des femmes fasse partie du rite en tant que tel (Ibn Battuta parle des femmes en toute circonstance) mais il est possible qu’il décrive des moeurs légères pour discréditer implicitement le rite plus ou moins hérétique. En tout cas, il n’en dit pas de mal explicitement et ne trouve rien à redire à la vertu des hommes omanais. Ce qui étonne beaucoup Ibn Battuta chez les ibadites, c’est surtout qu’ils mangent ensemble dans leur mosquée, chacun apportant son petit plat, comme dans les « repas partagés » de nos quartiers bobos.
(Je précise ici que cette tradition n’est plus de mise, si elle a jamais eu lieu. Dans les mosquées de Nizwa, où j’habite, il est interdit de manger et de boire.)
Au-delà des notations faites par l’ancien voyageur, on peut citer ces quelques points de doctrine ibadite qui peuvent à la rigueur avoir quelque résonnance dans notre esprit :
– Dieu ne se montre pas le jour du Jugement dernier.
– Le Coran n’est pas intemporel, mais a été créé (par Dieu) à un moment de l’histoire.
– Le Coran peut être interprété partiellement de manière métaphorique et ne doit pas être pris entièrement au pied de la lettre.
– Il n’est pas nécessaire que tous les musulmans suivent un seul chef. Si personne ne fait l’affaire, il est préférable que chaque communauté puisse disposer d’elle-même.
– Le leader du monde musulman ne doit pas nécessairement descendre de la tribu du Prophète. (2)
Il semble que l’ibadisme précède le sunnisme autant que le chiisme, et que selon les points de doctrine, il soit d’accord tantôt avec l’un tantôt avec l’autre courant majoritaire. De fait, l’Iran chiite est considéré ici comme un partenaire, au même titre que les voisins sunnites du Golfe.
Beaucoup disent, soit par ignorance, soit par malveillance, qu’ils participent du kharijisme, mais eux, les Ibadites, rejettent cette interprétation et disent qu’ils n’ont rien à voir avec les Kharijites. Il faut le savoir.
En recoupant les quelques informations que j’ai pu glaner, il apparaît que les ibadites soient à la fois austères, puritains et tolérants vis-à-vis des autres religions.
(1) Ibn Battuta, Rihla, dans Voyageurs arabes, Gallimard « Bibliothèque de la Pléiade », p. 621.
(2) Juan Eduardo Campo Encyclopedia of Islam. Infobase Publishing, 2009, p. 323.
Ils sont exigeants envers eux-mêmes, et tolérants envers les autres, c’est une bonne base.
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Je ne sais pas si cela s’est toujours vérifié. Wilfred Thesiger raconte comment l’Imam qui régnait sur l’intérieur d’Oman refusait catégoriquement qu’un chrétien pénètre la ville de Nizwa et les montagnes vertes. Mais l’Imam en question était-il ibadite (l’action du livre de Thesiger se passé dans les années 40 ou 50), je n’en sais pas plus.
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Trop exigeant envers soi-même, on peut devenir élitiste.
Ce ne fut jamais mon cas.
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Ayant vécu 5 ans en Oman j’ai pu apprécier l’accueil des Omanais et je pensais que c ètait du au fait d’etre un peuple de navigateurs qui avait cotoyé d autres civilisations mais je découvre que leur religion en est la cause principale .J ais passé 5 ans inoubliables d’autant que j’ai vécu l’ouverture et la modernisation de ce pays .
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