Le sage précaire est un éternel quadragénaire

Le jour de mon anniversaire, j’étais tellement déprimé d’avoir 50 ans que je suis parti seul dans la montagne. Je ne voulais qu’une chose, m’épuiser dans la marche et les hauteurs. Je me suis rendu au col de l’Homme mort et de là j’ai essayé de me rendre au lac des Pises.

Le 29 mars 2022, il y avait encore de la neige vers le col de l’Homme mort. Je cherchais en vain le lac des Pises en m’enfonçant dans la neige, c’était pathétique. Mon but était de me baigner dans le lac comme un geste rituel. Un rite de passage qui me faisait passer symboliquement du côté des vieux.

Contrairement à ce que j’ai écrit le jour de mon anniversaire, le sage précaire ne peut pas être quinquagénaire. Quarante ans, oui, cela m’allait bien, j’étais fait pour avoir quarante ans. Trente ans aussi, c’était bien. Mais voyez-vous, vingt ans c’était trop jeune pour moi. Dix ans aussi, trop jeune. C’est-à-dire que je n’avais pas d’argent du tout quand j’étais jeune, alors être libre sans avoir la possibilité de faire quoi que ce soit, ce n’est pas très intéressant.

Enfant je voulais être plus grand, je ne voyais pas d’intérêt à rester enfant. Adolescent je rêvais de voyage, de liberté, d’actions, d’amours et de rencontres, donc il me tardait d’être adulte. Trentenaire, j’ai réalisé mes rêves : mes blogs ont beaucoup témoigné de cela. Quadragénaire, j’ai consolidé mes acquis en réalisant des choses qui outrepassaient mes rêves d’adolescent : j’ai épousé une femme incroyable dont je suis amoureux, j’ai publié plusieurs livres dont je suis fier, je suis devenu propriétaire d’un logement dont je suis satisfait.

Quinquagénaire, non. Je n’ai rien à faire à 50 balais. Ce n’est pas moi, ça ne me ressemble pas.

60 ans, d’accord, peut-être. Dans mon cœur, c’est l’âge de la retraite, il y a quelque chose de poétique à être sexagénaire. Cela fait penser à la randonnée, je m’imagine avec le sourire.

70 ans avec plaisir. Si Dieu me prête vie, je serais sans doute intéressé d’avoir 90 ans, et passionné par l’âge de 100 ans.

Mais 50 ans, je trouve ça détestable. Vivement que je ne sois plus quinquagénaire.

9 commentaires sur “Le sage précaire est un éternel quadragénaire

  1. Homme de cinquante ans

    Homme de cinquante ans

    On n’est pas sérieux quand on a cinquante ans,
    N’étant plus agité des passions de jeunesse,
    Ne brûlant presque plus, aimant l’amour, pourtant,
    N’ayant plus trop le goût de tenir des promesses.

    On se dit que bientôt arrivera le temps
    Des premiers petits chocs de déclin, de vieillesse,
    On dit « ne craignons rien, ce n’est pas important »,
    On s’enfonce un peu plus en ignoble paresse.

    Et puis on est scotché par une voix de femme,
    Et sans l’avoir prévu voilà qu’on vit un drame,
    Et l’on se dit « pourquoi ne suis-­je déjà mort ? »

    Ne pouvant plus parler, contemplant le ciel vide,
    L’homme de cinquante ans, dont le cœur est limpide,
    Bestiau pour l’abattoir, se résigne à son sort.

    —————————-

    avec une part d’exagération.

    J’ai traversé mon temps de quinquagénaire sans grand enthousiasme,
    mais je m’en suis bien remis,par la suite.

    Aimé par 1 personne

  2. Étrange… je ne suis ni sage ni précaire il est vrai, mais moi, j’adore la cinquantaine. En tant que femme, je trouve que c’est la meilleure période que j’ai traversée. Plus rien (ou presque) ne m’arrête. Alors que durant la quarantaine, j’ai trouvé difficile de faire des choix, de renoncer, de s’accepter. Là, je fonce. Je nage dans un lac impermanent, entre un fond invisible et un ciel profond.

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    1. « Quand à 50 ans tu n’as pas de Rolex tu as raté ta vie. » Du grand Ségala dans le texte. Magnifique geste de publicitaire. J’adore. Mais outre l’abjection liée au matérialisme beauf du nouveau riche, cette phrase représente bien ce que je déteste dans le fait d’être quinquagénaire : on vous regarde comme quelqu’un qui a raté ou réussi sa vie.

      Aimé par 1 personne

      1. Raté ou réussi, je n’ai pas eu ce problème à l’époque, j’étais tout en bas de ma hiérarchie (donc pas trop réussi) et chercheur titulaire au CNRS (donc pas trop raté).

        Juste milieu, plus ou moins.

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  3. Oui c’est un bon âge pour l’abjection, la cinquantaine. L’âge de la dévotion au veau d’or (après, plus passent les décennies plus je pense qu’ il est difficile de s’y raccrocher) et le moment venu de laisser grogner en soi le porc matérialiste. Il y a une sorte de dicton allemand sur l’ethos de chaque époque de la vie qui dit le contraire, que c’est l’âge de se concentrer sur qui on est, au-delà des possessions; sa morale est bienveillante, le voici (peut-être pas verbatim)
    Wer mit 30 nichts kann, mit 40 nichts hat, und mit 50 nichts ist…. Der ist spät dran…
    Autrement dit, faut pas s’énerver…laisser le temps au temps

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