Mon atout critique et ma méthode de conférencier

Mon épouse n’est pas que mon atout charme, elle est aussi mon meilleur critique. Elle scrute ce que je fais et, selon les cas, approuve ou désapprouve. Pour ce qui est de ma conférence dans le colloque « Bouvier dans le monde », Hajer a préféré ne rien me dire pendant quelques jours car elle sait que je suis souvent déprimé après une prise de parole.

Samedi, de retour à Montpellier, Hajer m’a expliqué que ma performance n’avait pas été à la hauteur, et je la remercie pour cette franchise. On ne progresse pas avec des flatteurs autour de soi, mais avec des alliés qui vous remettent à votre place.

C’est dommage, me dit-elle, tu avais écrit cinq mille mots pour cette conférence et tu as été le seul à ne pas lire tes notes. Tu as voulu faire le malin, donner l’impression que tu maîtrisais ton sujet en regardant l’auditoire, mais tu cherchais tes mots ! Tu répétais les mêmes mots, tu faisais « heu, heu ». Les autres étaient plus à l’aise que toi alors que tu avais tout préparé pour faire du bon boulot.

Il est vrai que mon attitude en colloque est singulière. Je cherche confusément une méthode de conférencier qui soit vivante et stimulante, sans trop lire car le texte sera publié de toute façon. Je me dis que c’est un moment oral, un moment de rencontre, et qu’on devrait plutôt incarner physiquement ce que l’on a à dire. Je l’avais déjà écrit ici à propos d’un colloque de 2014. J’ai évolué depuis 2014, mais pas dans le sens que je me promettais.

Dans le cadre universitaire, il y a des règles tacites et une attitude appréciée : celle qui met en scène une certaine modestie. On n’aime pas trop les comédiens, les clowns, les performers. Ou plutôt, une bonne performance académique consiste à être vivant et stimulant sans déroger à la lecture d’un texte écrit avec soin. Clown improvisant, on peut l’être mais seulement quand on est devenu une star, ou un vieux ponte.

Le problème de ma méthode, c’est qu’elle repose lourdement sur la forme du moment. Je me promettais souvent de me réformer et de présenter la prochaine fois une lecture plus classique, mais comme je tombe toujours dans mes vieux travers, j’ai décidé de persévérer dans mes tentatives. Il arrive que cela fasse mouche et que cela soit apprécié, surtout par les débutants, les étrangers et les personnes extérieures au monde universitaire. Grosso modo, avec le recul, on peut dire que ma méthode laisse à désirer. Ceci étant dit, il est sans doute trop tard pour changer complètement. À cinquante ans, alors que je songe à mettre un terme à ma carrière de chercheur, je me suggère de peaufiner encore un peu ma méthode avant de tirer ma révérence.

Hajer a encore une fois raison : tu t’es cru plus intéressant que les autres, tu t’es trop fait confiance, c’est pour ça que tu déprimes après tes conférences.

4 commentaires sur “Mon atout critique et ma méthode de conférencier

  1. Bonjour Guillaume, À mon humble avis, votre femme incarne dignement des valeurs morales et intellectuelles puisées sans doute de son éducation. D’abord, elle sait choisir – en fonction de sujet à aborder – le bon moment pour parler à son mari(vous bien sûr), ensuite, elle critique sans jugement sentimental. C’est admirable. Sans indiscrétion, est-elle de même domaine de formation que vous?

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    1. Merci J.B., oui c’est admirable, c’est assez admirable.
      Je préfère ne rien dire de la formation de mon épouse pour deux raisons : d’abord pour ne parler d’elle que dans la mesure où elle influence ma vie. Ensuite pour ménager une sorte de suspens, au cas où je déciderais de parler de la formation de mon épouse.

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