Pour vous, qu’est-ce qu’être français ? Cette question revient incessamment quand se profile une élection majeure. Les uns répondent la culture, les autres les paysages, etc. Jean Ferrat chantait Ma France pour répondre à cette irrespirable question. Il était temps que la sagesse précaire prît position pour dissiper les malentendus.
Où se trouve le propre de l’identité française ? Dans la guerre d’agression et de conquête. Mais à la différence de ceux qui envahissent en disant « ce territoire était à nous depuis 3000 ans », les Français ne prétendent même pas bénéficier de la moindre légitimité. Nous frappons par la seule volonté de prendre, de conquérir. Par conséquent, la conquête territoriale militaire est la seule activité qui nous réunit par delà les siècles.
1066 : conquête de la Grande Bretagne.
1096-1260 : conquêtes de territoires orientaux autour de Jerusalem (croisades).
Moyen-âge : conquêtes de l’Occitanie, de la Gascogne, de la Bourgogne, de la Provence, des Flandres, etc.
XVe siècle : conquête de l’Italie.
XVIe-XVIIIe siècles : conquêtes de territoires du nouveau monde (Amérique), mais aussi d’Europe, d’Asie et d’antarctique.
XIXe : conquête de territoires africains et asiatiques (colonisation).
XXe : perte de l’empire coloniale et de la puissance de la France par la même occasion, car les deux sont inséparables.
Rien n’incarne mieux la continuité de la France que sa capacité à mettre les autres en captivité.
Ce n’est pas ce que j’aime dans mon pays, mais ce que j’aime dans mon pays, malheureusement, n’est ni propre à la France ni invariablement incarné par la France.
La seule chose qui nous distingue de nos voisins, c’est notre brutalité et notre agressivité purement militaire.
La question qui reste à traiter est : comment avons-nous fait pour dissimuler cet état de fait à notre conscience et aux touristes du monde entier ?
La Précarité du sage 
1066 :
Le duc Guillaume a conquis l’Angleterre, non pour le royaume de France, mais pour le duché de Normandie.
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Exact. Et les croisés se battaient à Jerusalem au nom d’autre chose que la France aussi. Chaque guerre a ses motivations très différentes de celles qui précèdent.
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Exact. Et les croisés allaient à Jerusalem avec d’autres valeurs que la conquête française. À chaque fois, chaque guerre de fait avec de nouvelles motivations, qui n’ont jamais de rapport avec celles qui précédaient.
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Ah, la furia francese… Je ne suis pas sûr que ça nous distingue vraiment de nos voisins. Il y a eu un Empire britannique, un Califat omeyyadde, des conquistadors espagnols, un impérialisme turc ottoman, des Persans sassanides, sans parler du grand Reich allemand, bref. Toutes les sociétés deviennent impérialistes quand elles en ont les moyens. Par contre, on a aussi déclaré des droits de l’homme, aboli l’esclavage… C’est pas le cas de tout le monde.
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Je ne pense pas qu’on trouve chez nos voisins une telle constance millénaire dans la conquête et l’agression. Les empires conquièrent à leur frontière, croissent et s’écroulent. La France fait tout autre chose depuis qu’elle existe.
L’Angleterre serait en effet le seul voisin comparable. L’Allemagne, justement, je ne le crois pas, je suis en train d’étudier l’Allemagne, et je ne peux pas encore en parler avec expertise, mais tout porte à croire que c’est très différent.
Pour ce qui est des effets de communication du type droits de l’homme et abolition, ce sera l’objet du prochain billet, annoncé en conclusion de celui-ci.
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« Les effets de communication type droits de l’homme et abolition » … Bref. Si je comprends bien, il faudrait distinguer les empires qui s’étendent de proche en proche à partir de leurs frontières, et les empires coloniaux qui s’étendent à d’autres bouts du monde à partir des grandes découvertes ? Mais de ce point de vue, les Portugais, les Espagnols, les Hollandais et les Anglais ont été plus précoces que les Français… Mais surtout, je ne vois pas bien quelle différence ça fait. Envahir ton voisin ou envahir à l’autre bout du monde, ça reste une invasion. La différence réside dans les moyens techniques mais pas dans l’esprit. Et cet esprit est largement partagé, et pas seulement en Europe par les méchants Blancs, mais aussi par les Arabes, les Turcs, les Mongols, les Bantous, que sais-je.
Il y a bien une tradition militaire française, et alors ? Nous sommes d’abord les héritiers des conscrits de l’an II, des soldats de 70, de14 ou de 39. C’était pas des guerres de conquête, il y avait quand même eu une petite agression allemande.
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Il y a un magnifique livre d’Alexis Jenni là-dessus, L’art français de la guerre.
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Oui, bonne référence, mais le titre était plus prometteur que le contenu du roman, si ma mémoire est bonne.
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