Un an avant de mourir, le peintre Étienne Dinet a fait son pèlerinage à la Mecque. C’était en 1929. Il fit ce voyage avec son ami algérien, Sliman Ben Ibrahim, dont personne ne dit jamais qu’il était peut-être son amant, alors je ne le dirai pas non plus.
Les deux hommes signent ce récit de voyage en Arabie Saoudite, et Dinet l’a illustré d’une série de peinture. Le livre est paru chez Hachette en 1930, peu après la mort du peintre orientaliste.
J’ai eu l’immense joie de consulter ce document en édition originale à la Bibliothèque nationale de Bavière. J’en ai fait une brève vidéo pour garder une trace du livre et du bonheur que c’est de passer quelques heures en bibliothèque.
Dans ma vidéo, j’insiste sur la dernière page du récit, qui est une profession de foi du musulman novice. Comme le Sage précaire, et cent ans avant lui, Dinet milite pour un islam véritable, plein de douceur et de tolérance avec les autres cultes. Il cite deux versets du coran, tirés de la deuxième sourate et de la cent-neuvième : « Pas de contrainte en religion » et « À vous votre religion, à moi ma religion ». Une note de bas de page rend hommage au long compagnonnage du peintre avec la foi.
Je suis sorti vers 13 h 30 de la salle de lecture générale, Algemeine Lesesaal, le cœur en paix et noyé dans un sentiment de bonheur puissant. J’avais passé quatre heures à lire, à regarder les arbres par la fenêtre, à feuilleter des livres de peinture orientale, sans avoir aucune pression d’article à écrire ou de copies à corriger.
Dans l’escalier de la bibliothèque, en croisant de jeunes usagers, filles et garçons, tous d’une beauté étincelante, je me dis que j’avais eu bien raison de choisir la littérature de voyage comme spécialité. Ce choix de vie occasionne des plongées palpitantes et roboratives dans des ouvrages, des images, des visages et des paysages sans cesse renouvelés.
« Le pèlerinage à la maison sacrée d’Allah » vient d’être réédité en numérique au titre de la remise en circulation des ouvrages épuisés (réédition numérique FeniXX, 2020) 8,50 euro. C’est la copie de l’édition de 1930, avec le texte en sortie de reconnaissance de caractère (bonne qualité) et les images. Chez Amazon Kindle B08GY7BDW2, ailleurs aussi. Je vais lire.
Slimane Zeghidour, dans « La Vie quotidienne a la Mecque de Mahomet à nos jours », 1989, m’avait appris que le voyage à La Mecque est un genre littéraire en soi, avec ses règles (le voyage, les descriptions, l’invocation de l’Histoire et du savoir religieux). Lui-même affirme que son livre en fait partie. C’est très digne d’être lu. Disponible d’occasion, environ 20 euros.
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Très bonnes rérérences, merci Pierre. La seule déception, pour moi, est la reproduction des peintures de Dinet.
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