Pendant que ma moitié et la sagesse précaire en corps constitué se promenaient au lac Tegern, Tegernsee en allemand, les médias français tournaient des entretiens politiques.
Sur BFM, Benjamin Duhamel interrogeait Adrien Quatennens sur Lula, le président du Brésil. Au moment au Israël bombardait sans répit des pauvres gens sans défense, pris au piège d’un territoire fermé, l’intervieweur voulait qu’on commente une phrase de Lula.
Le président brésilien, en effet, avait comparé l’action gravissime d’Israël avec la Shoah, ce qui était choquant aux yeux de M. Duhamel mais qui est une banalité inévitable dans l’esprit des hommes depuis cinquante ans déjà.
Sur France 3, Éric Zemmour refusa de parler des bombardements d’Israël. Francis Letellier fut pourtant moins hors-sujet que son confrère M. Duhamel, et rappela les enfants morts dans un hôpital détruit par Israël, mais Zemmour préféra parler des crimes du 7 octobre 2023. Un journée d’horreur d’il y a quatre mois pèse plus lourd que cent cinquante journées d’horreur commises depuis le 7 octobre.
Zemmour déclara finalement : « Nous n’avons pas à exiger quoi que ce soit des Israéliens. Les Israéliens conduisent leur guerre comme ils veulent. Ils doivent éradiquer le Hamas après ce qui s’est passé le 7 octobre. »
L’inénarrable CNews a invité ce dimanche l’inénarrable Michel Onfray, on sait donc par avance ce qui fut dit, et que ce ne fut pas à la hauteur des temps que l’on vit. Par acquit de conscience, j’ai écouté cette heure indigente en lecture accélérée, tout en cuisinant une ratatouille. Je confirme qu’il n’y a eu aucune surprise, donc je vous fais le décompte de l’émission présentée par Sonia Mabrouk :
- Publicité : 14 minutes
- Introduction et sommaire : 1 minute
- CNews est la seule chaîne pluraliste en France : 21 minutes
- La colère agricole : 12 minutes
- Russie/mort de l’opposant Navalny : 5 minutes
- Israël comparé au nazisme : 6 minutes
- Conclusion/présentation du dernier livre de Michel Onfray : 1 minute.
Sur la tragédie qu’Israël fait vivre aux Palestiniens, Onfray aura eu cette phrase extraordinaire : « Israël se défend, ce n’est pas au Hamas de dire jusqu’où Israël peut aller. » Le philosophe a aussi parlé des « jérémiades » des Palestiniens qui n’auraient pas assez d’argent pour payer « des violons à leurs enfants », alors que les dirigeants palestiniens « ont détourné tellement d’argent ». Pas au niveau.
L’émission C Politique sur France 5, présentée par Thomas Snégaroff, s’est concentrée sur l’unique question de la guerre en Europe, coincée entre la Russie et l’Otan. Les invités, spécialistes de politique internationale, ont surfé assez brillamment sur les derniers mouvements de Poutine, de Trump, de Scholz, de Van der Leyen et de Macron, mais de manière concrète et pragmatique.
Finalement, il n’y a que cette émission, sur le service public comme par hasard, qui était au niveau des événements de notre temps et de notre actualité.
Mauvaise pensée. J’habite en ce moment dans la rue où est la synagogue de ma petite ville. Récemment, j’ai vu pousser devant le seuil de quelques maisons des pavés en bronze avec le nom d’anciens habitants morts en déportation (en allemand Stolpersteine, il y en aurait 100.000 en Europe). Tout à l’heure je suis passé à côté, et en pensant à la réflexion de Lula je me suis dit « Le capital des victimes est dilapidé. »
Je viens de retrouver la citation de « I, Asimov », l’autobiographie d’Isaac Asimov, juif américain né Russe, auteur de science fiction et au savoir universel.
« … j’ai partagé une tribune avec d’autres personnes, dont Elie Wiesel, qui a survécu à l’Holocauste (l’assassinat de six millions de Juifs européens) et qui ne veut plus parler d’autre chose. Wiesel m’a irrité lorsqu’il a déclaré qu’il ne faisait pas confiance aux scientifiques et aux ingénieurs parce que ces derniers avaient participé à l’organisation de l’Holocauste.
Quelle généralisation ! C’est exactement le genre de propos que tient un antisémite : « Je ne fais pas confiance aux Juifs parce qu’un jour, certains Juifs ont crucifié mon Sauveur ».
J’ai ruminé cela sur l’estrade et finalement, incapable de me taire, j’ai dit : « M. Wiesel, c’est une erreur de penser que parce qu’un groupe a souffert d’une persécution extrême, c’est un signe qu’il est vertueux et innocent. C’est possible, bien sûr, mais le processus de persécution n’en est pas la preuve. La persécution montre simplement que le groupe persécuté est faible. S’ils avaient été forts, alors, pour ce que nous en savons, ils auraient pu être les persécuteurs ».
Wiesel, très excité, a alors déclaré : « Donnez-moi un exemple où les Juifs ont persécuté quelqu’un ».
Bien sûr, j’avais de quoi répondre. J’ai dit : « Sous la royauté des Maccabées, au deuxième siècle avant J.-C., Jean Hyrcan a conquis Edom et a donné aux Edomites le choix entre la conversion au judaïsme et l’épée. Les Edomites, qui avaient du bon sens, se convertirent, mais, par la suite, ils furent de toute façon traités comme un groupe inférieur, car s’ils étaient juifs, ils étaient aussi Edomites ».
Wiesel, encore plus excité, a dit : « C’était la seule fois. »
J’ai répondu : « C’était la seule fois où les Juifs aient eu le pouvoir. Un sur un, ce n’est pas mal. »
Cela a mis fin à la discussion, mais je dois ajouter que le public était de tout cœur avec Wiesel.
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Merci cher Pierre. Comme toujours, vos références tombent à point nommé. Belle citation d’Azimov.
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