Rencontré un universitaire, spécialiste du cinéma asiatique. Un verre de vin chaud à la main, je le lance directement sur ce sujet et le fait parler. Moi, God forbid, je n’ai pas cette politesse anglo-saxonne qui interdit de parler de choses sérieuses. J’interroge les gens. Je les branche, pour ainsi dire, et les questionne. Sans les ennuyer, j’aime les écouter parler sur ce qu’ils connaissent. Les gens qui parlent de ce qu’ils ne connaissent pas, en revanche (si c’est un domaine que je connais, bien entendu), m’ennuient et m’irritent.
L’universitaire anglais dit qu’il y a une forme d’hypocrisie chez les cinéastes coréen, chinois ou japonais, qui financent leur film avec l’argent européen et qui savent très bien que leurs films ne seront pas distribués chez eux. « Tout ce qu’ils veulent, c’est aller au festival de Cannes; à Berlin, à Venise. Leur propre peuple, ils s’en foutent. »
Il précise que ce phénomène varie selon les pays européens. Il dit qu’au Royaume-uni, le public pense que le cinéma coréen est violent, sexuel et radical. Or, la Corée produit surtout des comédies romantiques, mais les Britanniques n’en savent rien. Bon. De la même façon, les Français croient que le cinéma asiatique est lent et méditatif, alors que ces films-là, ceux que les Français peuvent voir dans leurs salles, ne sont en aucun cas diffusés dans les salles chinoises, et ne sont même pas faits pour les Chinois. Ce sont des produits destinés au public de « French cinephiles« , dit mon chercheur. Moi, intérieurement, je bois du petit lait : parmi les stéréotypes qui nous collent aux basques, j’aime autant celui selon lequel nous sommes des cinema goers.
J’avais écrit, il y a deux ans, un billet sur le blog Chines à propos de quelques films chinois, que je trouvais étrangement adaptés à certaines prédispositions esthétiques françaises. J’en parle à mon chercheur anglais qui confirme mon impression. Comme j’étais intelligent, il y a deux ans.
Cela me ramène aux films de Gao Xingjian que j’ai visionnés récemment. Gao lui-même nous a envoyé trois DVD de ses oeuvres filmées, en prévision du colloque qui aura lieu à Belfast en février. Un film comme La Silhouette sinon l’ombre pourrait bien faire partie de ce genre de productions arty farty. C’est de l’art video, donc en effet, il n’intéressera pas beaucoup de gens. Mais je serais très fâché qu’on accuse Gao d’avoir voulu plaire aux intellos français plutôt que de faire des films pour son propre peuple.