Révélations au réveil

Le sage précaire à Lyon, en 1994.

Je ne me souviens jamais de mes rêves. Ce qui reste, au matin, ce sont des images. Pas des photogrammes, mais des condensés, comme si tout un film se rétrécissait en une seule image dense et informe. Une concentration d’idées, de sensations, accompagnée d’une émotion : joie ou tristesse. Ces images, je les interprète parfois dans les minutes qui suivent. D’autres fois, elles restent là, silencieuses, sourdes et muettes.

Hier matin, l’image m’a parlé d’équilibre. L’idée m’est venue que je devrais être payé à mi-salaire pour travailler à mi-temps, à distance, afin de retourner dans les Cévennes plusieurs jours par mois. Une autre interprétation est arrivée ensuite, plus persistante, plus essentielle. C’est l’image d’un muret et d’une rigole, tout en haut de mon terrain, dans la montagne.

Ce n’est pas un rêve de construction, ni de frontière. Ce n’est pas une ambition de bâtir quelque chose d’imposant, ni même de délimiter ce qui m’appartient. Ce muret, cette rigole, c’est un rêve de protection. Protéger la terre des pluies et des éboulis. Protéger ma vie. Protéger ce qui m’entoure : mon foyer, mon couple, mes amis.

Avec le temps, une transformation s’opère chez le sage précaire. Il ne se rêve plus en voyageur, en jouisseur ni en parasite. Il se fantasme en jardinier bouclier.

Le sage précaire et son épouse, à Lausanne, en 2024.

Rêve de mon terrain : la révélation du muret

Ce matin, une révélation m’est venue en rêve. Je me voyais sur mon terrain, dans les montagnes des Cévennes, occupé à une tâche précise, à la fois ingrate et essentielle. Il s’agissait de travailler à l’extrémité la plus élevée de ma parcelle. Un travail de terrassement urgent pour protéger le terrain des pluies torrentielles qui frappent la région chaque automne et hiver.

Dans mon rêve, j’étais en train de tracer une rigole et de construire un muret solide. L’objectif était clair : canaliser l’eau, qui, mélangée à la boue et aux cailloux fait de gros dégâts chaque année, pour qu’elle s’écoule dans une ravine naturelle longeant le côté de mon terrain. Ce muret, indispensable, devait prévenir les éboulements qui menacent ma terre. Accessoirement, il pouvait servir aussi de délimitation à ma propriété.

Ce travail, je le voyais comme une priorité absolue, le point de départ de tout. Pourtant, cela fait dix ans que j’ai acheté ce terrain, et je n’ai encore rien entrepris. Ce rêve m’a confronté à mon inertie, mais aussi à l’évidence : il me faut retourner en Cévennes et redevenir homme des bois comme je le fus en 2012-2013.