Le jour était sur le point de se lever. Patrick reprit une de mes réparties idiotes par un tonitruant : « Moi, je suis sarkozyste, à fond, alors tu peux y aller. » Chouette, une conversation politique pour finir la soirée.
Patrick, je ne le connaissais que depuis une heure, et il avait déjà commis un certain nombre d’erreurs, comme de prendre les hôtesses de ce bar pour des putes. Je lui ai lancé le défi d’en ramener une chez lui, à quoi il répondit qu’il était marié.
Sarkozy, Patrick l’adore, c’est simple. Comme rarement on a adoré un homme politique. Que pense-t-il alors de sa façon de creuser la dette ? Patrick nie que son héros ait pu creuser la dette. Il dit : « Quel déficit ? Où vois-tu que le budget a été creusé ? » Le fait même, reconnu par tous, par le gouvernement lui-même, le fait que la dette soit creusée de 15 milliards par an, est mis en doute. S’il parvient à convenir que c’est une réalité, mais ça prend du temps, il dit : « Mais au moins il tente ! Toi tu critiques mais tu ne proposes rien ! »
Le plus étonnant, chez le sarkozyste du petit matin, c’est qu’il ressemble à Sarkozy, il a la même façon de poser les problèmes, c’est-à-dire de les nier, de les remplacer par des formules, et au besoin, d’ignorer la réalité. J’avais remarqué cela sur des blogs de gens de droite ; la formule marketing remplace l’idée : « libérer les intelligences », « aller chercher la croissance ».
Pendant longtemps, la droite critiquait la gauche car elle se permettait de creuser la dette pour financer ses mesures de relance. L’homme de droite se présentait comme le bon gestionnaire, le père de famille responsable qui ne peut dépenser plus qu’il ne gagne. Aujourd’hui, la droite et ses hommes sont pris de tournis. Ils nous endettent plus que la gauche ne l’a fait (quand elle l’a fait). Ils parient sur l’avenir, sur le retour de la croissance, nous sommes entre les mains de joueurs de poker.
Patrick me dit que je n’ai pas le droit de parler car je ne paie pas d’impôts. « Va payer des impôts en France et après tu viendras discuter. » Il me traite de mauvais Français et se réjouit d’entrer dans un monde où tout le monde galèrera vraiment. De son propre aveu, la boîte qu’il a montée à Shanghai est en train de s’écrouler. « Pas parce que je suis mauvais, mais parce que je ne veux pas que ça marche. » Les cadeaux fiscaux donnés aux plus favorisés ? « C’est très bien, dit Patrick, il en faut des riches. On a besoin de riches, pas de pauvres. »
Il se retourne vers une hôtesse pour lui baragouiner en anglais qu’il est marié et qu’il n’a pas l’intention d’aller au lit avec une autre femme. L’hôtesse est un peu choquée qu’on lui parle sur ce ton, et elle s’éloigne avec une mine d’incompréhension.
Les idées embrouillées, il a fallu se séparer au moment où le jour donne à notre visage une pâleur maladive.
Ce triste récit pourrait, hélas !, avoir été raconté avec un Patrick de gauche. Le problème, c’est pas d’être de droite ou de gauche (Ségolène était partie pour creuser elle aussi les déficits), c’est que les Patrick sont des Patrick, qu’il y a des Patrick partout, et que peut-être même nous sommes tous, parfois, des Patrick.
Développer une conversation intelligente avec quelqu’un qui n’est pas du même avis que soi représente finalement un défi prodigieux. Il y a toujours un moment où la patience s’épuise, où la mauvaise fois l’emporte, où on s’agace parce que l’autre ne comprend pas, ou ne veut pas comprendre, où on augmente la dose d’ironie parce que l’autre est vraiment trop bête.
Finalement, les gens parlent rarement pour échanger des points de vue, au sens propre de cette expression. On passe vite à la bataille de tomates pourries, du royaume de l’esprit à l’animal, on devient des Patrick.
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Mais moi je prétends discuter pour échanger des points de vue. Rien ne me stimule comme un adversaire qui m’explique brillamment sa position. Même chez les fascistes, on rencontre des individus capables de comprendre et d’écouter, puis d’argumenter, sans perdre patience.
Bien sûr qu’il y a autant de Patrick de gauche, mais ce qui me trouble chez les sarkozystes, c’est leur façon de refuser la réalité. Sarkozy peut se permettre de discuter, lui, puisque tout chez lui peut devenir stratégie marketing, mais le sarkozyste, par définition, ne sait pas ce que deviendra le sarkozysme demain puisqu’il n’a pas de fondement , pas d’idée fondamentale, que l’action se fait tous asimuts. Il reste au sarkozyste de croire en cet homme et de lui faire une confiance aveugle.
Ah si, il y a un point commun entre tous les sarkozystes, je crois (ça demande vérification), c’est le mépris. Dès la campagne j’ai été frappé par le mépris que tous expriment de manière décomplexée : mépris pour les étrangers, pour les chômeurs, pour les intellectuels, pour les Bretons, pour les fonctionnaires, pour les pauvres.
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Je ne suis certainement pas sarkozyste, mais je ne suis pas tout à fait d’accord avec votre réaction.
– Sur le mépris : Fillon (mais est-il encore sarkoziste?…), Borloo et la pétulante Roselyne Bachelot ne me semblent pas très méprisants… (en revanche, Bernard Laporte). Et on trouve du mépris aussi à gauche, et tout aussi bête. Je ne crois pas que le mépris soit une affaire de droite ou de gauche. Mais peut-être reconnaît-on la mauvaise droite de la mauvaise gauche à leurs mépris respectifs ? (mépris pour les pauvres versus mépris pour les riches, mépris de la force versus mépris de la faiblesse, mépris de l’esprit d’entreprise versus mépris de l’assistanat, etc.)
– Sur le mépris toujours, c’est vrai que Sarko semble mépriser les intellectuels, notamment les économistes. Mais je dois dire que c’est une des choses qui me le rendent un peu sympathique, car je trouve étouffants et dangereux les gens qui sont des idéologues de l’économie, qu’ils soient libéraux ou anti-libéraux. L’économie devrait être un domaine dominé par le sens pratique et l’esprit pragmatique, pas par l’idéologie. Or les intellectuels de l’économie sont presque tous des idéologues (sans doute un héritage du temps ou le communisme était encore une alternative crédible).
– Sur le manque de doctrine : l’élection d’un président a toujours été une élection d’homme (ou de femme) plus que de doctrine, et ce n’est peut-être pas plus mal. Car le monde change vite, et les programmes se démodent. Il ne reste plus alors que la capacité de l’élu à trouver un nouveau programme. C’est cette capacité qui devrait être l’objet des suffrages, plus que le programme qui va bientôt être démodé. Et cette capacité, c’est la personnalité.
Le refus de la réalité, c’est de la paresse, ou de la lâcheté, plus qu’une position politique.
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En ce qui concerne l’économie, je ne vois pas comment la dissocier du politique. Les prises de positions économiques entraînent forcément une société de tel type ou de tel type. Les mathématiques peuvent être neutre, mais l’économie….c’est justement pourquoi une idéologie se cache derrière chaque économiste.
Par contre, pour le refus de la réalité, je suis d’accord : paresse et frottage de son ego dans le bon sens (« je suis quelqu’un de bien, je sais, donc ma réalité est la bonne »).
Et pour la gauche et la droite…forcément. Y’a bien des pompiers qui fument. La gauche n’a pas le monopole du Bien qui affronterait le Mal de la droite.
Mais l’adorateur de Sarko, est-il de droite ? Ou n’est-il qu’adorateur de Sarko ? (genre : « j’ai trouvé le vivant symbole de l’homme énergique qui a réponse à tout et ça me rassure »)
Kiki
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« En ce qui concerne l’économie, je ne vois pas comment la dissocier du politique. Les prises de positions économiques entraînent forcément une société de tel type ou de tel type. »
Dans l’absolu, c’est vrai, dans la pratique, moins. Car si la politique économique dépend effectivement des objectifs politiques, ceux-ci sont suffisamment consensuels pour réunir une écrasante majorité droite-gauche.
Ces objectifs consensuels et prioritaires, tout le monde les connaît : moins de chômage, moins de pauvreté, plus de richesse, plus de compétitivité, moins de déficit public, moins de pollution, plus d’exportations, une meilleure éducation, une meilleure recherche, etc.
Après, on peut chipoter sur le degré d’inégalité sociale qu’on juge optimal, même au stade où on en est c’est vraiment du détail.
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Chipoter ? Le degré d’inégalité sociale, c’est pas du virtuel. Et il n’est pas fermé sur lui. De lui découle l’état d’esprit dans lequel vivent les citoyens d’un pays, ce qui influe aussi par la bande sur l’économie.
Sinon, et je vais sembler un peu butée, mais où est-il dit que le programme de droite vise le « moins de pauvreté » ?
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je n’ai pas lu le programme de la droite, mais toutes choses égales par ailleurs il n’y a que les sadiques haineux qui veulent que les pauvres soient pauvres. On peut donc penser qu’un Fillon ne le souhaite pas. Ou alors il cache bien son jeu.
Sinon, il est vrai que l’inégalité peut influencer l’économie par la bande, mais dans quel sens ? En Chine par exemple, pays très inégalitaire, elle ne semble pas freiner beaucoup la croissance…
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Ben, il me semblait avoir trouvé une parcelle de Gandhi en Fillon. Bien sûr qu’il n’est pas un sadique haineux. Peut-être même qu’il donnerait 10 euros à un pauvre s’il en croisait un. C’est juste qu’il y a des « dommages collatéraux ». Si certains vont bien et même très bien et veulent aller encore mieux et que c’est ceux-là que l’on favorise…forcément, on peut pas être partout.
Je ne pense pas non plus qu’on puisse tracer un signe égal entre croissance et amélioration du sort du plus grand nombre. D’où l’idée de faire de la « politique » et d’utiliser la croissance économique à certaines fins. (enfin, je trouve)
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Et puis, c’est vrai, les pauvres, ça fait mauvais genre dans les rues des sociétés dites développées.
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DE quels anciens premiers ministres , peut se prévaloir le PS /
1/ André MAUROY , LE MONSIEUR : on nationalise « tout « , et la faillite assurée..
2/ Laurent FABIUS : on met un terme aux nationalisations et aujoud’hui : pas d’Europe à n’importe quel prix ,ENFIN ni le ri -fi-fi , ni les paillettes….
3/ M ROCARD : à la fois soutien de Mr LAROTOUROU avec ses fameuses 32 heures hebdomadaires ; et puis le soutien de la TVA sociale :
donc en quête d’idées nouvelles …
4/ E CRESSON et la halte à l’importation de produits japonais et ses quota sur les vehicules importés … pas si bête !! ….
5/ Mr BEREGOVOY , trop fragile …Hélas !
6/ L JOSPIN , sympathique homme de gauche , rompu à la dialectique , mais qui nous a valu la pagaille, dans les rues , et les métros §§§
.——- ))) DE là à faire une synthèse entre toutes ces personnalités et …
vous aurez peut-être le profil gagnant aux prochaines elections présidentielles !!
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……TRavail d’ orfèvre POUR LE FUTUR CANDIDAT §§……………..
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Ah, c’est bien complique, tout ca.
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