Des racines chrétiennes de la France : la laïcité selon Sarkozy et Guaino

Notre grand couple de l’Elysée a encore fait des étincelles. J’avoue que depuis que Sarkozy est élu, on s’emmerde très peu. Et c’est un coup de génie de s’être collé cet extraordinaire imbécile qu’est Henri Guaino. Avec eux deux, 2008 s’annonce une année aussi pétulante que 2007.

Vous avez lu le discours du Latran ? Du pur Guaino, reconnaissable entre mille. Un peu de provocation chrétienne pour l’extrême droite, une pincée de laïcité pour se prémunir contre les attaques, des inepties historiques, du name dropping, du lyrisme à quatre sous, des amalgames conceptuels, tout y est.

Rappelez-moi la nécessité qu’il y avait, déjà, à ressortir des formules comme « les racine chrétiennes de la France » ? On a le droit de le penser, bien sûr, mais le président parle au nom de la France, il suit un projet politique. Alors, politiquement, à quoi ça nous sert de remettre au goût du jour cette vieille mélodie réactionnaire ? A calmer les ultras de l’Action française ? A séduire les dangereux fondamentalistes qui menaçaient la paix sociale ?

Un journaliste du Monde écrit que Sarkozy veut « enterrer la guerre entre la France révolutionnaire et la France chrétienne ». C’est une erreur, il réveille les énervements, au contraire, il agace les oppositions entre les Français, mais il n’apaise pas une situation religieuse qui, de fait, ne posait aucun problème.  

En revanche, cela risque de heurter, et même de blesser profondément, un certain nombre d’athées, de protestants, de musulmans et même de catholiques. Heurter les gens, c’est parfois bon, mais il faut que cela serve une cause solide et plus grande que soi. Alors, quelle cause servaient-ils, nos dirigeants, pour risquer ouvertement de blesser tous les Français qui ne se reconnaissent pas dans cette chrétienté ? 

En revanche, dire que la loi de 1905 n’est un message de liberté qu’en vertu d’une « interprétation rétrospective », voilà qui peut rallumer un feu pour ceux qui auraient envie d’y mettre un peu d’huile. Lequel de nos deux penseurs élyséens va venir nous expliquer en détail ce qu’il entendait par « interprétation rétrospective » ? Parce que c’est comme pour « l’homme africain », cette histoire, nos Laurel et Hardy parlent d’une voix assurée mais ils sont très légers au fond. Ils laissent penser que la loi de 1905 était en réalité une injustice qui a heurté le monde chrétien. Ils laissent penser que la spiritualité chrétienne a été alors meurtrie par des républicains sans âme. Or, parmi les concepteurs de la loi de 1905, il y avait des hommes habités par une profonde foi chrétienne, et qui pensaient sincèrement, non « rétrospectivement », qu’une loi de séparation de l’église et de l’état était nécessaire pour la liberté de conscience. Certes, il y a eu des violences faites aux hommes d’églises qui refusaient d’obéir, mais cette question n’est-elle pas plutôt à sa place dans des colloques de chercheurs, des discussions entre copains, des lectures d’historiens ? Guaino va-t-il venir s’expliquer et mettre au clair ce qu’il voulait dire, ou va-t-il préférer botter en touche en soupirant qu’on n’a rien compris à son discours ?

Avait-on besoin de ce poussiéreux rappel : « C’est par le baptême de Clovis que la France est devenue Fille aînée de l’Eglise » ? Surtout que le président tient, cette fois, à être très explicite, alors il enfonce le clou : « Les faits sont là. »

Les faits sont là ? Vous voulez parler des faits, maintenant ? Dans ce cas, faites-le vraiment et dites-nous ce que vous reprochez exactement à la loi de 1905. Et surtout, à côté de cette liste d’écrivains que vous mettez en avant comme les fleurons de la France chrétienne (donc de la vraie France, de la France éternelle, car en contact avec ses « racines ») : « Blaise Pascal, Bossuet, Maritain, Emmanuel Mounier, Henri de Lubac, Yves Congar, René Girard », dites-nous si cette autre liste d’écrivains n’est pas « plus française » encore, plus forte pour le rayonnement de la France : Villon, Montaigne, Descartes, Voltaire, Diderot, Sade, Stendhal, Flaubert, Baudelaire, Rimbaud, Gide, Sartre, Bataille, Foucault, Deleuze ? S’il fallait être exhaustif, la liste serait accablante des hommes fondamentaux qui ont construit l’identité intellectuelle et spirituelle de la France en pensant en dehors de l’Eglise.

Les faits sont là.

La question est donc : que cherchez-vous donc à faire, messieurs, en remuant ces choses-là ? Quels problèmes cherchez-vous à régler – ou à créer !- en sortant vos croyances et vos interprétations rétrospectives de la sphère privée où elles avaient vocation à demeurer ?

19 commentaires sur “Des racines chrétiennes de la France : la laïcité selon Sarkozy et Guaino

  1. Ce qui fait peur, avec ces deux types, c’est leur tentative permanente de gouverner par le sentiment au détriment de la raison. Ils sont systématiquement dans le religieux, l’appel à l’irrationnel, la mystique de la masse, de la grandeur et du salut, l’accumulation de symboles, du Vatican à Disneyland en passant par Versailles. La lettre à Tirofijo, le chef des Farc colombiennes, constitue un vrai chef d’oeuvre de sensiblerie faux derche. Il a intérêt à réussir bcp de choses concrètes s’il ne veut pas que tout ce cirque lui revienne dans la gueule.

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  2. L’église ! celle qui possédait tous le foncier de ce pays, celle qui dirigeait les consciences et gouvernait les rois, celle de l’inquisition qui extermina ceux qui pensaient autrement, Cathares et Vaudois exterminés en masse dans le Sud de la France, celle des guerres de religions, celle qui brûlait les femmes accusées de sorcellerie car elles soignaient par les plantes…j’en passe et des meilleurs, l’opium du peuple que le roi sarko voudrait nous refourguer, on croit rêver.
    « Plus bas est le niveau de conscience d’un peuple, plus grande est l’exaltation qui le meut » Vladimir Bartol dans Alamut.

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  3. Après une petite trêve de Noël, pour remettre un peu de polémique, un peu de sport, j’affirmerai que ce beau consensus sur le thème anticlérical est complètement à côté de la plaque. Après Bossuet et Maurras, , mais aussi Montaigne, Diderot ou Baudelaire, Sarkozy et Guaino ne font que reprendre une évidence: la culture et l’unité politique occidentales et plus particulierement françaises, se sont construites sur le catholicisme. Détruire la Bastille fut sans doute ludique et jouissif mais purement destructeur et inutile. Ce qui fait des français des français, qu’on le veuille ou non, on ne peut que le constater, ce sont le baptême de Clovis, le sacre de Charlemagne, etc. : l’unité théologico-politique de la monarchie de droit divin.
    D’ailleurs, le PCC lui-même le reconnaît, comme le montre une disposition des résolutions du XVIIe congrès et Hu lui-même qui affirme: « la volonté du Parti d’utiliser le rôle positif des personnalités religieuses et des croyants… » dans son discours de clôture. Quel est donc ce rôle positif ? Pas seulement la croyance partagée en des dogmes ou des valeurs, mais surtout, la pratique de rituels. Faites taire les gens, obligez-les à se tenir tranquilles, à se concentrer sur un acte sacralisé, vous restaurerez leur vie interieure et vours réduirez leur bêtise naturelle. Lorsque les rois de France s’inclinaient devant un évêque, ils se mettaient en présence d’un truc qui dépassait leur ambition, leur pouvoir et leurs calculs.
    Si on enleve aux peuples la possibilité de communier dans une religion, que font-ils ? Ils regardent la grand’messe du journal de 20 heures, achetent Paris Match pour regarder la tête de Machine, font leur prière en psalmodiant les litanies de saint Sarko, protège-nous des immigrés et donne-nous notre pouvoir d’achat. Ou, pire: ils font du sport. Prenez 11 ou 15 types sympathiques, mettez-les sur un terrain herbeux avec une boule en cuir, vous en faites des brutes acharnées, de petits soldats prêts à tout pour enfoncer l’ennemi et humilier leurs coéquipiers. Le catholicisme fournissait des rituels matérialistes ( communoin, baptême, sacre…) et des croyances abstraites, : l’Incarnation, la Transsubstantiation, la Redemption. Impossible d’en faire un sujet de journal televisé. Le sarkozysme propose des rituels débiles et des croyances nuisibles. C’est ça, la difference entre la religiosité théologico-politique d’avant et celle d’après la séparation de l’Eglise et de l’Etat. Pas de quoi fouetter Guaino, qui croit, le pauvre, que Sarkozy va restaurer le Saint Empire.

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  4. Ebolavir avait écrit un beau commentaire qui a, Dieu sait pourquoi, disparu. Il avait été en attente de modération, je l’avais accepté, puisque je n’ai jamais demandé de modérer les commentaires, et j’avais même cru le voir dans la série de commentaires ci-dessus. Or, aujourd’hui, je ne le vois plus.
    Il t’aurait évité, Ben, de traiter les gens d’anti-cléricaux. Car mon billet ne l’est pas. J’apprécie ta vision du culte, des rituels et des croyances catholiques, et c’est presque en leur nom qu’on devrait, au contraire de ce que tu dis, fouetter un Guaino. Sa rhétorique est indigne et de la laïcité (qui n’a pas à être qualifiée de « positive » puisque cela voudrait dire qu’elle était jusqu’alors négative, alors qu’elle provient à la base de la sagesse chrétienne et qu’elle n’a jamais empêché personne d’être catholique, bien au contraire) et de la vénérable culture dont il se prévaut. Bernanos se gausserait de ce discours de Latran ; mieux, il serait tellement énervé qu’il écrirait un pamphlet.

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  5. Le noeud du probleme, ce serait de savoir à quoi pensait Guaino lorsqu’il parle d' »interpretation rétrospective ». Faut-il comprendre que, sur le coup, la loi de 1905 n’était pas un message de liberté? Rappelons qu’il y a plusieurs lois sur la « laïcité »: celle qui concerne les « congregations », votée en 1904, qui interdit aux congregations religieuses d’enseigner, et celle de Combes, en 1905, qui sépare les Eglises et l’Etat. Il y en a aussi une en 1907 et, bien sûr, celle de 1901. Je ne suis pas un spécialiste, mais il est évident que ces lois sont aussi ou avant tout des armes contre l’institution catholique: saisie des propriétés des congregations, lutte contre l’enseignement catholique, qui reviennent à bafouer la liberté de conscience des parents qui souhaitaient donner une éducation catholique à leurs enfants.
    On retrouve cette dimension dans la loi plus récente, j’ai oublié la date, qui interdit le port de signes ostentatoires d’appartenance religieuse: ici encore, l’idée reste bien de lutter contre une liberté, celle d’exprimer ses opinions, ( croyances religieuses , art 10 de la declaration des droits de l’homme de 1789).

    La notion de « laïcité » est un pur fantasme paranoïde anti-clérical. Quel mal des filles pouvaient-elles bien faire en se rendant voilées dans une salle de classe? Qu’un type affiche son appartenance de fashion victim à a religion des marques n’inquiète personne, mais si une malheureuse musulmane a envcie de cacher ses cheveux, ça, c’est sacrilège. Il n’y a rien de rationnel là-dedans, juste une vieille passion haineuse qui me paraït singulierement rance..

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  6. Le problème, je crois surtout, c’est que tu as mal choisi la date pour polémiquer sur la laïcité en général. C’est les fêtes, les gens digèrent, ils préparent le nouvel an, ils n’ont rien à répondre à ton commentaire. Regarde, moi par exemple, je me sens tout mou, j’ai même rien à répliquer. C’est ça le probème, à mon avis.

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  7. Merci Kiki. J’apprends dans l’entretien que tu mets en lien que le discours n’a pas été écrit par Guaino, mais par « un dominicain qui s’appelle Philippe Verlin ». On ne me fera pas facilement croire que Guaino n’y a pas mis sa patte. En tout cas, les cathos de gauche de Golias sont très remontés, c’est une bonne chose. Personne mieux qu’eux ne sauront rester vigilants sur les dérives religieuses de Sarkozy et de ses hommes de l’ombre.

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  8. L’auteur est dominicain, mais il aurait pu faire un bon jésuite si on en juge par le nombre de phrases ambigues qui disent une chose sans le dire vraiment tout en ayant l’air de dire son contraire: celle déja citée:  » l’interprètation de la loi de 1905 comme un texte de liberté, de tolérance, de neutralité, est, en partie, … une reconstruction rétrospective du passé » : à l’époque, la loi de 1905 ( séparation de l’Eglise et de l’Etat ) n’était donc pas un texte de liberté, de tolérance… Etait-ce donc un texte liberticide, une loi d’exception? On pourrait le dire à juste titre d’autres lois anticongrégationnistes qui étaient de vraies lois liberticides, celles de Ferry et de Combes; mais celle de 1905, apparaît justement, pour les commentateurs de l’époque, comme une loi de compromis, ménageant les interets de l’Eglise. Si cette loi est un texte intolerant, que dire des autres, celles de l’anticléricalisme dur? « et pourtant », ajoute notre chanoine,  » il n’est plus contesté par personne que le régime français de la laïcité est aujourd’hui une liberté ». C’est donc en tant qu’erreur historique que la laïcité a pu devenir un élément fédérateur et consensuel. En d’autres termes, la laïcité n’est qu’un « mythe fondateur », pas une solution rationnelle aux problemes posés par les rapports Etat/Religions.
    Autre exemple:  » Même celui qui affirme ne pas croire ne peut soutenir en même temps qu’il ne s’interroge pas sur l’essentiel. Le fait spirituel, c’est la tendance naturelle de tous les hommes à rechercher une transcendance. Le fait religieux, c’est la réponse des religions à cette aspiration fondamentale … » L’incroyant, malgré son incroyance, se pose des questions sur le sens de la vie et patati et patata. L’incroyance est donc un obstacle à l’interrogation métaphysique: elle n’a pas de dignité philosophique, c’est un manque de sensibilité spirituelle, pas un choix rationnel. Sarkozy insulte l’athéisme alors même qu’il semble lui concéder une place honorable.
    De plus, la recherche de transcendance est « naturelle ». L’athéisme est donc artificiel et forcé. Enfin, seules les religions répondent aux grandes questions de l’homme sur son destin. L’atheisme est donc une fausse réponse, un mensonge ou une erreur. L’homme est naturellement croyant, la raison ne saurait proposer quoi que ce soit de consistant et la philosophie doit donc se mettre au service de la théologie.
    Pour finir, un mot de morale. « S’il existe incontestablement une morale humaine indépendante de la morale religieuse, …la morale laïque risque toujours de s’épuiser quand elle n’est pas adossée à une espèrance qui comble l’aspiration de l’homme à l’infini. Ensuite et surtout parce qu’une morale dépourvue de liens avec la tanscendance est davantage exposée aux contingences historiques et finalement à la facilité… » Esperez donc, mes frères, contre toute apparence, qu’un jour les justes seront récompensés et que les méchants seront chätiés. Si en effet vous ne croyiez pas en une juste rétribution finale de vos vertus, si vous ne croyiez pas que vous êtes finalement destinés au salut, quel avantage auriez-vous pu trouver à les cultiver? Vous n’êtes en effet capables du bien que dans l’attente d’un salaire ou de la réussite. L’acte juste est donc conditionné à l’espèrance: en d’autres termes, il n’y a ni morale inconditionnelle du type kantien, ni place pour le « desespoir  » éthique, ni « pur amour » … Rien qu’une mentalité de boutiquier calviniste. Travailler plus pour gagner plus. Je l’ai toujours dit: les dominicains sont des cons.

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  9. Dans le commentaire de Ben, la mention de ‘Hu’, je dois dire, j’adore : ça vous a un petit air Mao, c’est deng…

    11 mecs sympathiques ? Les footballeurs ? ça va pas non ? Y a-t-il créature plus vile, plus infecte et plus consternante que le footballeur (professionnel) dès lors qu’il lâche son ballon ? Oui, certes, il y a. Il y a le politicien. Il y a le juriste. Il y en a surement encore beaucoup d’autres, parmi lesquels le trader, le brooker et le boucher chevalin. Mais quand même, un footballeur sans ballon, mais non sans BM et perlouzes, c’est pas extrêmement sympa…

    C’était ‘ les racines chrétiennes de la France’

    Bonsoir

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