A l’heure où même des écrivains trentenaires dénoncent « les illusions de la littérature-monde » (du coup, je me sens moins seul), j’ai une révélation à faire.
Ce n’est pas une révélation, d’ailleurs, c’est l’impression d’un scoop. L’idée d’une chose qui, si elle s’avérait, pourrait devenir une nouvelle assez intéressante (il faut que je revoie mes effets d’annonce, moi, je viens de passer de « révélation » à « nouvelle assez intéressante ».)
Je crois savoir pourquoi le manifeste Pour une littérature voyageuse est épuisé. Oui, c’est ça mon scoop. En même temps, ce blog, ce n’est pas News of the World, si vous voulez du croustillant, allez voir ailleurs.
C’était une chose incroyable, je trouvais. Comment un homme aussi influent que Michel Le Bris pouvait laisser à l’abandon un ouvrage collectif qui, dès 1992, accompagnait le festival Etonnants Voyageurs en réclamant une « écriture-monde », un retour au roman d’aventure, etc. Ces dernières années étaient le moment de le rééditer.
Surtout avec tous ces prix littéraires décernés aux francophones, aux étrangers, avec le prix Nobel de Le Clézio « écrivain de l’errance, des peuples primitifs, grand voyageur. »
Surtout avec le nom des participants du recueil qui suit le manifeste : Nicolas Bouvier, Michel Chaillou, Jacques Lacarrière, Kenneth White, Gilles Lapouge, Jacques Meunier, Jean-Luc Coatelem… Que du beau monde !
Surtout que la « note de l’éditeur », anonyme, qui ouvre et cristallise l’esprit du manifeste, fait un éloge sans équivoque de Le Bris :
« … l’un de ceux, avec Kenneth White, qui a pensé avec le plus d’acuité cette possibilité d’une « écriture-monde », à savoir Michel Le Bris, développe d’œuvre en œuvre, depuis L’homme aux semelles de vent, une théorie de l’Imagination Créatrice assez originale pour… »
Pourquoi laisser dans l’ombre un texte qui dit de vous que vous êtes un de ceux qui a pensé quoi que ce soit « avec le plus d’acuité » ? Le plus d’acuité, c’est la formule qui tue, à mon avis. Je suis à fond pour l’acuité, personnellement. Moi, si je lisais un jour quelque chose comme : « Guillaume fut le sage précaire qui mangeait le boeuf bourguignon avec le plus d’acuité », j’en ferais des gorges chaudes pendant des mois.
Alors pourquoi ne fait-on rien pour rééditer ce petit livre, qu’on est sûr de vendre à des milliers d’exemplaires ? D’un pur point de vue économique, c’est incompréhensible. Quelqu’un doit s’y opposer, mais qui, et pourquoi ?
La raison, je n’en suis pas certain, mais voici ma suspicion : cet éloge de Michel Le Bris, cité plus haut, a été écrit par lui-même. Il est quasiment certain que la « note de l’éditeur » est aussi anonyme que l’est ce blog. On y reconnaît le style, les idées et les obsessions du biographe de Stevenson. Si ce n’était pas suffisant, on y trouve quasiment les mêmes phrases que dans « Fragments du royaume » le petit texte signé Michel Le Bris dans le recueil qui suit le manifeste.
Si on rééditait Pour une littérature voyageuse, le public prendrait notre écrivain voyageur en flagrant délit d’auto-publicité. Moi cela ne me choque pas car il faut bien vivre, et si l’on est un as du marketing, ce qu’est notre Breton de Saint-Malo, alors il est naturel d’être un peu le bénéficiaire des efforts que l’on fait pour les autres. Mais pour d’autres gens du public, plus moraux, plus droits dans leurs bottes, cela pourrait le faire mal voir.
Cela pourrait, pourquoi pas, lui faire rater un prix littéraire.
quand littérature et marketing s’accouplent, ce n’est jamais trés bon…
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Et bien, j’ai beau relire ce billet, je ne comprend pas d’ou vient finalement cette hargne,cette agressivité sous jacente a ce billet…Quand on s’interesse de prés aux écrits de Michel Le Bris comme je l’ai fait un peu cette semaine, on le trouve plutôt interessant et d’ailleurs c’est regrettable qu’il soit si méconnu. Son idée d’imagination créatrice est plutot interessante. Je pense qu’il aurait fallu faire un billet plutôt sur la méconnaissance chez le grand public des écrivains voyageurs comme Kennneth White , Bouvier (oui Bouvier n’est pas si connu…), Chaillou, Lacarriére et tous ceux que tu cites. « Le beau monde » comme tu dis…En plus ce serait con de se mettre a dos ces amis écrivains voyaheurs qui partagent la même passion que toi : l’écriture et le voyage, le plaisir des découvertes et des autres . De plus ton lien sur les « ecrivains trentenaires » qui dénoncent les illusions de la littérature monde ne marche pas bien, même pas du tout, il faut ete abonné au monde en ligne, ce que je ne suis pas. Pourrais tu nous donner quelques noms si’l te plait, ou etre plus explicite la prochaine fois.C’est dommage vraiment…
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Mon lien ne marche pas ? Mince alors, il s’agit des bonnes feuilles du dernier livre de Camille de Toledo sur la « littérature-monde », accompagnées d’une interview vidéo. Je souscris presque entièrement à ce qu’il dit et à ce qu’il écrit (dans les bonnes feuilles, je n’ai pas lu le reste.)
Il faut de la hargne car sous des dehors sympathiques, Le Bris a un projet et un programme plutôt néfaste, fondé sur du ressentiment et des rejets inacceptables.
J’y reviendrai.
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j’aime bien Camille de Toledo (mais aussi Le Bris), donc je suppose que tu as de bonnes raisons de t’enerver ainsi contre lui…
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Volà qui est fait : j’y suis revenu ici, avec un billet sur un écrivain trentenaire qui critique la « littérature monde » de Le Bris.
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Un ami me signale votre si aimable chronique. Un seul défaut : le texte que vous citez n’est pas de moi, mais de l’éditeur, André Versailles dans sa présentation du livre. Lequel est en effet épuisé, ce qui et le destin de beaucoup de livres, mais après une longue durée de vie, et une réédition
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Merci de votre commentaire, mais je ne crois pas à l’information que vous donnez, que vous soyez le vrai Michel Le Bris ou que derrière votre nom se cache quelqu’un d’autre. Je réponds ici au commentateur et lui parle comme s’il était vous. J’espère que vous suivez.
Si l’auteur de la préface était André Versailles, il faudrait l’accuser de plagiat car il reproduit vos phrases sans les citer.
De plus, cette préface n’est pas seulement une « présentation » du livre, c’est le manifeste lui-même. C’est lui qui est cité dans les articles anglophones sur la littérature du voyage française.
Il suffit vraiment de lire côte à côte cette « note de l’éditeur » et vos contributions, tant à ce livre qu’à celui de « Pour une littérature-monde » (Gallimard, 2007) pour y voir, non une ressemblance mais une identité parfaite.
Maintenant, monsieur Versaille a peut-être écrit ce texte, dans une sorte d’hypnose, point par point lié à vos idées et votre manière d’écrire.
En tout cas, si j’étais l’auteur de cette préface, et que je n’avais rien à me reprocher, je ferais tout pour le rééditer.
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Décidément…
L’histoire est bête comme chou… Tout simplement ce livre a été demandé par André Versailles tardivement alors que je préparais le festival, (ce qui veut dire dans les périodes chaudes du 18 heures par jour) J’ai fait mon propre texte comme j’ai pu, sans trop de temps pour même le relire. André Versailles m’a en effet proposé de faire en plus une présentation générale — je n’avais pas une seconde aussi lui ai-je suggéré de piocher dans ce que j’avais écrit ici et là, déjà, ainsi que dans mon texte, comme dans ce que les autres avaient pu écrire. Et je n’ai revu ce livre qu’à sa publication.
Maintenant que vous le croyez ou pas, m’importe peu. Je voulais juste apporter cette information aux éventuels lecteurs. Pourquoi aurais-je besoin d’une « autopromotion » — surtout dans une période où il sort à peu près 2 000 articles sur le festival ?
Sur la réédition : moi je n’ai rien contre ! Je le répète mais vous paraissez sujet à des idées fixes : le livre, sorti en 1992 a été réédité en 1999, quand la première édition a été épuisée. Il est donc resté longtemps disponible. Et je n’aurais rien contre une nouvelle publication, si le livre est de nouveau épuisé. Un seul ennui, que vous ne devriez pas ignorer : André Versailles a été viré des éditions Complexe, qui sont depuis d’ailleurs en chute libre… Ce qui limite les chances de voir reparaître le livre.
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Merci pour ces renseignements qui, en effet, rendent bien compte de la réalité troublante et complexe du manifeste/préface/plagiat/autocélébration.
Reste, aux « lecteurs éventuels » de ce blog, d’aller compulser ledit ouvrage dans leur bibliothèque municipale. Moi, je l’ai lu à celle de Lyon, et à Belfast, on ne paut l’avoir que par prêt inter-universitaire, celui-ci vient de Saint-Andrews.
ps. J’aime la mention de « lecteurs éventuels ». Dans le monde de la presse et de l’édition, on aime prétendre que les blogs ne sont lus par personne.
Pour ce qui est des idées fixes, c’est vrai que j’y suis sujet, et s’il y a une personne qui peut me comprendre dans le monde des lettres, à cet égard, c’est vous.
Encore merci pour vos commentaires courtois et utiles.
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Les bloggueurs, eux, sont attachés à leurs stat de lecteurs : qui est venu ? combien de fois ? L’abandon d’un lecteur provoque une crise de conscience : pourquoi ? blog, miroir de l’ego comme on le prétend souvent
Impossible solitude, comme si, quel que soit notre âge, nous étions essentiellement liens
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Vous dites cela parce que vous êtes une toute jeune blogueuse, Nénette. Moi qui sui votre aîné, à cet égard, je peux vous dire qu’on oublie les statistiques au bout d’un temps. On continue d’aller les voir de temps en temps, mais sans excitation particulière. Ce qui est amusant, en revanche, ce sont les statistiques plus précises, comme « les articles les lus depeuis 7 jours, depuis un mois », ce genre de trucs.
Pour ce qui est du miroir de l’ego, je crois qu’il faut abandonner tout projet qui consiste à passer pour autre chose qu’un narcissique ou un égoïste. Les efforts de ceux qui se sentiraient insultés d’être qualifiés de narcissiques sont pathétiques et vains.
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MIAM MIAM…. et encore et encore….
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