Le roman d’un Ouïghour

Les émeutes d’Urumqi me rappellent le roman que je voulais écrire sur l’histoire d’un Ouïghour.

Les Ouïghours sont musulmans et ils ont une apparence européenne, disons turque. Quand on est brun et qu’on parle mal, voire très mal le chinois, on peut prétendre en être un, et ça passe. Non que les Ouïghours ignorent le mandarin, mais il est vrai qu’ils sont nombreux à ne pas le parler correctement. Lors de mon voyage dans cette province de l’ouest, je me souviens d’une oasis près de Turfan où très peu de gens étaient capables de communiquer en chinois.

Il m’est arrivé d’être pris pour un Ouïghour, l’année dernière, et c’est un grand souvenir. Dans un taxi, en compagnie d’une femme chère à mon coeur, nous nous lançâmes dans un jeu dont j’ai oublié l’origine. Le chauffeur posait des questions sur moi à mon amie, qui lui faisait croire que j’étais originaire du Xinjiang. Il y a cru sans aucun problème à ma grande surprise. Il me posait des questions auxquelles je répondais mollement. Mon amie, elle, était enchantée, car pour une fois, elle ne passait pas pour une de ces Chinoises qui sortent avec un étranger. J’étais un Chinois, comme eux, mais d’une minorité lointaine.

Nous avons continué ce petit jeu, et cela m’a ouvert des perspectives fictionnelles à perte de vue. J’imaginais que notre mensonge était vrai et l’histoire s’écoulait très naturellement entre mon amie et moi. Nous nous racontions l’histoire de ce garçon chinois musulman qui finit par se promener main dans la main avec une Chinoise. Je demandais à mon amie si elle pouvait envisager une histoire d’amour avec un Ouïghour, à quoi elle répondit oui sur le principe mais qu’elle n’aimait pas leur odeur. La question de l’odeur est en fait vite réglée, car elle avoua très vite que les étrangers en général puaient trop fort pour elle, et qu’elle faisait un écart à ses principe pour moi…

Nous visitions Xian et sa région, à ce moment-là, une ville célèbre dont les Chinois disent qu’elle est à l’ouest (comme son nom l’indique), alors qu’en réalité elle est au centre géographique du pays. Nous visitions des mosquées, et il y avait de nombreux musulmans autour de nous, dans la ville. Que l’on me prenne, moi, pour un Ouïghour, ne laissait pas de m’émerveiller, car eux-mêmes, les musulmans de Xian, ne me prenaient en aucun cas pour l’un des leurs.

Curieux de voir si l’attitude des Chinois à mon égard allait changer, j’ai gardé mon rôle plus d’une journée entière. C’était facile : le Ouïghour que j’incarnais était en fait très acculturé à l’Europe car, après avoir passé son enfance à Turfan, et avoir rencontré des étrangers dans les montagnes de l’Altaï, il avai obtenu une bourse qui lui avait permis de faire des études en France.

Dans les faits, rien ne changea. On me traita avec le même respect, la même politesse. On s’intéressa plus à moi, certes, mais la curiosité n’était pas si grande qu’on aurait pu le penser. L’idée qu’un Ouïghour s’occidentalise et revienne en Chine, bardé de diplômes mais parlant un mandarin désastreux, et au bras d’une Chinoise han avec qui il communiquait en anglais, tout cela n’avait rien d’incroyable à l’homme de la rue.

Parfait, me suis-je dit, un vrai roman réaliste s’ouvre à moi.

3 commentaires sur “Le roman d’un Ouïghour

  1. Beaucoup non, mais il y en a. Dans l’ouest en particulier, les hommes chinois sont attirés par les femmes musulmanes, m’ont dit des amis chinois avec qui j’ai voyagé dans l’ouest. Ils les trouvent douces et bonnes cuisinières, paraît-il. Par ailleurs, la réputation de beauté des femmes de l’ouest est très largement présente dans le pays entier. Et pour peu que l’homme se convertisse à l’Islam, ce qui est très facile et très rapide comme chacun sait, la famille de la fille autorise le mariage « inter-ethnique ». J’en ai connu personnellement, de ces familles. Pour ce qui est des mariage homme ouïghour / femme han, je ne sais rien.
    Je précise enfin, à toute fin utile, qu’il ne faut pas se focaliser sur les Ouïghours qui ne sont qu’une ethnie musulmane et centre-asiatique parmi d’autres. La plus nombreuse il est vrai, mais pas la seule du tout.

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  2. Je ne peux parler que de ce que je connais. Quand je pensais a mon roman, j’ai beaucoup interroge mes amis sur leur perception des Ouighours et, en effet, ils sont vus comme des voleurs malodorants lorsqu’ils sont dans les villes cotieres (Shanghai, Canton, etc.).
    On m’a meme recommande de ne pas me defendre quand un Ouighour essayait de voler quelque chose, de peur de violences physiques, car ils sont « toujours en bande ».
    Ceci n’est que generalisation, mais enfin, je n’ai jamais rencontre de femmes chinoises qui verraient d’un bon oeil de se marier avec un Ouighour.

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