Casey vs Rigondeaux (1) Un titre mondial en perspective

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Au début du mois de mars, pendant que des gitans irlandais s’entretuaient sur le marché aux chevaux de Dublin, je lisais le journal en sirotant mon thé.

L’Irish Times, annonçait dans un long article un grand combat de boxe à venir, fin mars, à Dublin. Un jeune Irlandais, issu d’une famille de 23 frères et sœurs, venu d’un quartier pauvre de Limerick, allait tâcher de prendre le titre de champion du monde poids plume au Cubain extraordinaire Guillermo « El Chacal » Rigondeaux. Ce dernier, au jeu de jambes étourdissant et au souffle inépuisable, était doté d’une frappe surpuissante capable d’allonger tous ses opposants. Il avait déjà gagné deux médailles d’or aux Jeux olympiques, avant de continuer sa carrière dans le champ professionnel.

L’Irlandais, lui, avait choisi un surnom délicieusement kitsch, comme le veut la tradition : Willie « Big Bang » Casey. Extrêmement populaire car fondamentalement un bon type, honnête et proche de sa famille. On ne lui connaît pas d’anicroche avec la police ni collusion avec la mafia de Limerick (mais comment échapper à ces deux institutions quand on vient de ce milieu, de cette ville, quand on boxe, qu’on a 22 frères et sœurs, dont Paddy, mort d’une overdose d’héroïne ?)

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Samedi 19 mars, je prenais donc la route de Dublin, et la banlieue lointaine de Saggart, dans le sud ouest. Constructions récentes, dues au Tigre celtique. L’hôtel CityWest est doté d’une salle capable d’accueillir quatre mille personnes. Au milieu de celle-ci, un ring comme dans les films, aux cordes colorées en vert, blanc et or (le drapeau irlandais où l’orange de l’Ulster est remplacé par l’or). Six ou sept combats sont prévus avant la grande confrontation.

Chaque combat met aux prises un Irlandais et un étranger, et à chaque fois, c’est l’Irlandais qui gagne.

Un Anglais de Birmingham  a mis KO un Latino, et les femmes du premier rang gloussaient de plaisir, prenaient en photo le joli Anglais, et le draguaient outrageusement. Elles étaient impressionnées par son style de boxe, propre et net comme une lame, et par son physique musclé et élancé.

Puis, ce fut le tour de deux Irlandais, plus lourds. Les coups portaient plus, mais le rythme ralentissait nettement. Le combat était un peu chiant, je me levai pour aller boire une pinte.

Le public était majoritairement masculin, mais il y avait quand même beaucoup de femmes aux couleurs chatoyantes, talons hauts et peau tatouée. Elles s’étaient mises sur leur trente et un, avec force maquillage et pédicure. La communauté des nomades, les Travellers irlandais, était fièrement représentée pour encourager l’un des leurs, le brave petit Casey. On les reconnaît, les Travellers, mais sans pouvoir vraiment dire comment. Les filles, encore, sont repérables par leurs couleurs et leur courte jupe, mais les hommes, à part la coupe de cheveux typique de ceux de Limerick, rasée sur les côtés, l’étranger les confond volontiers avec n’importe quel Irlandais de couche populaire.

Avec mon hot dog à cinq euros et ma pinte de Guinness dans un verre en plastique, j’attirais quelques regards. Il faut dire que j’avais soigné mon look. Pour m’accorder à l’atmosphère, j’avais décidé de me raser le crâne. Cependant, avec ma cravate couleur terre sienne, ma chemise blanche, mon chapeau de musicos et ma veste à carreaux verdâtre, je détonnais dans l’ambiance. J’étais presque le seul à boire de la Guinness, quand tous les autres buvaient une bière blonde, plus moderne et plus cool. Je me promenais l’air de rien, et j’espérais que mon léger embonpoint et mon journal plié sous le bras me donneraient l’air d’un ancien boxeur reconverti dans le journalisme sportif. Physiquement, je pouvais faire illusion.

Comme je ne comprenais rien à ce qui se passait autour de moi, j’affectais une concentration de connaisseur, en me confectionnant une mine pénétrée, agrémentée d’une expression du visage légèrement contrariée.

Mon accoutrement me paraissait bon an mal an réussi, car je pouvais aller n’importe où et les gens s’étaient habitués à ce journaliste sportif dont l’attitude et la cravate montraient le respect avec lequel il appréhendait l’événement. J’avais le déguisement idéal pour, sinon passer inaperçu, du moins être toléré et rendre ma présence plus ou moins plausible dans cette atmosphère surchargée de testostérones. De temps à autres, je sortais mon carnet et prenais quelques notes, en dardant ici et là des coups d’oeil suspicieux.

8 commentaires sur “Casey vs Rigondeaux (1) Un titre mondial en perspective

  1. Cher A. Geezer, je suis vraiment désolé, et je m’excuse au nom de l’administration du monde.fr, car il y a des problèmes avec les commentaires depuis déjà des années. Parfois, certains mettent du temps à apparaître, et parfois, je viens de m’en rendre compte sur un autre billet, certains disparaissent. Je suis évidemment le premier frustré de ce manque de fiabilité, mais je veux vous rassurer que lorsque des commentaires n’apparaissent pas, ce n’est pas moi qui les ôtent.
    Les commentaires en anglais sont bien entendus grandement appréciés par tous.

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