Je viens d’entendre que Potoski sortait un livre chez Gallimard, dans la collection « Le sentiment géographique ». Cela me rappelle un billet que j’ai écrit il y a quatre ans, le 24 juillet 2007, sur le même auteur, plus jeune que moi et bien plus talentueux. Je l’avais mis en ligne sur un autre blog consacré à la Chine, ce qui n’était pas sa place puisque Potoski voyage en Afrique. Sa place est ici.
J’ai découvert cet auteur chez Mathieu qui m’hébergeait. Mathieu a beaucoup de livres publiés chez P.O.L., sa bibliothèque est donc un bon laboratoire pour rester en contact avec les créations contemporaines en littérature française. Au milieu de recherches formelles qui me laissaient assez froid, et à côté des auteurs que je connaissais déjà, je vis Hôtel de l’amitié d’Antonin Potoski. De la littérature de voyage mais un peu déstructurée, qui évite les clichés du voyage et de l’exotisme pour faire un portrait du monde complexe et pessimiste. L’auteur, la petite trentaine, vit au Mali et a une proximité avec les Dogons qui lui permet de voir d’un oeil étranger l’action des touristes. Il développe des idées provocatrices sur l’Afrique, sur les effets du tourisme, sur ceux des O.N.G. et sur les gens qui cherchent à tout prix à aider les Africains, à préserver la culture Dogon, à ne pas « bronzer idiot ». Il aime l’Afrique et les Africains, mais il est sans complaisance avec eux, et il écrit des paragraphes terribles sur eux.
Dans ce livre très court, il passe de l’Inde à l’Afrique, au Japon (Kyoto où il a profité d’une résidence d’écrivain! C’est un des avantages à être écrivain ailleurs que sur le net : sans gagner sa vie avec la vente de ses ouvrages, on est résident, on voyage aux frais de la Princesse, on vous loge en vous promettant de vous foutre la paix quelques mois.) Il commence même par dire qu’il va en Inde sans l’avoir jamais vraiment désiré. L’Inde est un peu un passage obligé quand on se prétend voyageur. C’est ce type d’ironie qui est distillé tout le long d’ Hôtel de l’amitié.
Comme toujours avec la littérature, les idées et les théories ne doivent pas être prises pour elles-mêmes, mais commes des propositions locales et temporaires, en réactions à des visions, des émotions. S’il se moque des Occidentaux, qu’ils soient beaufs ou « éthiques », qu’ils soient travaillés par la culpabilité ou satisfaits de leur position dominante, le but du livre reste poétique et incertain du point de vue de la pensée. Mona Cholet, dans un article du site « Périphéries », admet que Potoski a beaucoup de talent mais lui reproche sa facilité théorique, comme si un roman était critiquable de la même manière qu’un essai. Elle, Mona Cholet, critique l’excision des Africaines, et rejette l’idée que la différence culturelle puisse justifier les actions les plus inhumaines. Elle a raison. Mais Potoski est dans la position intenable, donc poétique, de celui qui s’est laissé envahir par une culture, toucher par un groupe humain, et qui ne peut pas, sans s’exclure d’une communauté où il se sent bien, leur parler le langage des droits de l’homme, du respect des femmes, etc. Je m’en rends compte souvent en Chine, où simplement évoquer les droits de l’homme (ou le respect du droit en vigueur en Chine), peut être très mal pris et considéré comme une arrogance d’étranger. Il faut pourtant trouver le style, le ton littéraire qui passe entre les gouttes et qui refuse à la fois la bonne conscience éthique de l’intellectuel engagé, et la défense aveugle de traditions mortifères pour la seule raison qu’elles sont différentes, donc présumément enrichissantes. Mona Cholet termine ainsi son article : « Trouver une réponse sereine et nuancée à l’autosatisfaction occidentale autant qu’aux excès de l’autoflagellation : c’est peut-être ça, le grand défi à relever, pour un écrivain-voyageur du XXIe siècle ? »
La littérature du voyage, on le voit, a un certain nombre de chats à fouetter. Il faut donc la sortir totalement et de l’exploit sportif et de l’hébétude touristique. Potoski travaille à cela. Son écriture est agréable et amère, son livre se lit d’une traite, comme on boit un grand verre de lait de brebis. Aux côté de son génial aîné Jean Rolin, le jeune écrivain indique que P.O.L. est aussi un éditeur du voyage, chose que l’on sait peu.
La filiation avec rolin est promettuse.
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Je ne retrouve plus le billet sur tourisme et voyage et les débats interessants qui ont suivi…j’ai fait « tourisme » sur moteur de recherche …entraperçu sur le rayonnage d’une bibliothéque d’une collégue…
pas lu.peut être interessant pour toi.bonnes fêtes.
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