Les trois années passées dans le pays sénoufo ont été fortes en découvertes, en émotions, en événements, en rencontres et , au moment où j’écris, les souvenirs remontent et se bousculent au portillon!
Aussi , à ce stade de mon récit , je me sens dans l’obligation de faire un choix très difficile : ou bien je me tiens à la ligne directrice du départ (curriculum) , et je fais court sur ces souvenirs en me promettant d’y revenir car il me semble intéressant que les plus jeunes sachent comment a vécu leur grand-père, lorsqu’il était en Afrique. Mais aurais-je toujours le temps et l’envie ? Ou bien je raconte ce que j’ai vécu tout simplement. Dans le doute, je choisis donc le plan B et je me laisse aller.
Peu de temps après mon retour motorisé à Korhogo, j’ eus la visite d’ un collègue, un vieux de la vieille, basé à Odienné, près de la frontière guinéenne, à environ 300 kms à l’ ouest. Il était chargé de ma formation, ce qui n’était pas du luxe ! Car les 3 jours d’apprentissage passés à mon arrivée à Abidjan ne m’avaient pas appris grand chose, mais surtout l’environnement n’était pas le même , et j’avais besoin d’être formé sur mon lieu de travail. X ( j’ai oublié son nom ), passa 8 jours avec moi et m’apprit beaucoup de choses, y compris à fabriquer soi-même le pastis ! Il me présenta avec fierté l’arme de service dont il venait d’être doté : un fusil 2 coups, juxtaposé calibre 12. J’obtiendrai moi aussi quelques mois plus tard un fusil de service, le temps sans doute que ma hiérarchie s’assure que je n’avais pas d’intentions belliqueuses et que je ne risquais pas de provoquer un incident diplomatique. Avec l’arme, nous avions droit à une boîte de cartouches de petits plombs (du six je crois) et deux balles à ailettes. Les premières , c’était pour se fournir en petit gibier lorsque nous étions en brousse, (pintades sauvages, lapins, perdrix.) Les secondes étaient destinées, paraît il, à se protéger de l’attaque d’une grosse méchante bête, genre éléphant ou buffle! Ce qui ne m’est jamais arrivé, Dieu merci car j’ai toujours été un piètre tireur.
Je découvris avec mon mentor l’utilisation de la boussole et des cartes IGN , traversai des villages aux noms mélodieux, comme Ouangolodougou , Sinémentiali , Niakaramandougou , M’bengué , où étaient installés des appareils hydrologiques. J’appris à pratiquer les mesures de débit sur les fleuves et donc l’utilisation du zodiac avec la façon particulière de le gonfler à l’aide d’une bougie gonfleuse qui se fixait sur le moteur.
Adéma était un jeune villageois de Waraniéné, recruté par mon prédécesseur en tant qu’aide hydrologue, cuisinier et autres fonctions. Il était salarié de l’Orstom depuis plusieurs mois. Nous étions donc collègues, et, compte tenu de son ancienneté , il était nettement plus compétent que moi. Cependant, il m’appelait « patron », et il était de ma responsabilité de lui établir son bulletin de salaire et de le payer sur mon budget de fonctionnement. Cette situation me gênait terriblement, lui pas du tout , c’était comme ça à l’époque!
Adéma nous accompagnait dans cette tournée. Un soir, alors qu’il nous avait préparé un poisson grillé au bord du fleuve , monté les lits de camp avec les moustiquaires et tout nickel, voilà M. X qui part dans un délire raciste total, sans doute aidé par une overdose de pastis. Il insulte Adéma qui se retire respectueusement, il me dit que je suis un petit con qui ne comprend rien à l ‘Afrique , que tout ça , c’est la faute du général de Gaulle , et qu’heureusement, la légion va remettre les pendules à l’heure et arrêter cette putain d’indépendance dont les Africains ne veulent pas! J’essaie de discuter, d’argumenter. Je finis par comprendre que ce gars là, il est chez lui ici, depuis le temps qu’il y est! Il veut bien cohabiter avec les Africains à condition qu’il ait la main, comme il dit. Et comme avec l’indépendance, on ne sait jamais…
Subitement, il est tombé du siège, je l’ai trainé jusqu’à son lit mais n’ai pas pu le glisser sous la moustiquaire. J’ai donc souhaité bonne nuit aux moustiques et j’ai rejoint mon lit bien protégé de ces vecteurs de paludisme. Bonne nuit monsieur X.!
Au début de la nuit, Monsieur X était trop plein pour faire attention aux moustiques, ensuite ce sont eux qui ont été trop pleins pour faire attention à lui.
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Hi hi hi, trop bien !
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C’est marrant, cette présence soudaine de l’Afrique dans ton blog, avec M. X en Cote d’Ivoire, après Potoski au Mali. Les deux touchent quelque chose d’assez fort, c’est que effectivement, les gens qui vont en Afrique, touristes éthiques ou anti-racistes, avec de bons sentiments et une morale préfabriquée, soit les perdent, soit ne comprennent rien. Donc, on est toujours dans une position un peu tangente et pas confortable. Moi, je préfère un vieux Blanc « gaspillé », un « matapalé comme on dit au Congo, qui peut tenir des propos racistes mais qui a pris le risque de vivre longtemps en brousse, plutot qu’un blanc-bec plein de principes, comme beaucoup de mes collègues, qui sont en réalité incapables de s’intéresser a ce qui les entoure parce que ça les dégoute ou leur fait peur, et restent complètement extérieurs à ce « moche marché de la merde »(Sony Labou Tansi) qu’est devenue l’Afrique.
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Toujours aussi provocateur Ben. Oui, c’est vrai que l’Afrique entre en trombe sur ce blog. Quand j’irai te voir au Tchad, ce sera encore plus le cas.
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.ce .. »moche marché de la merde »…qu’est devenu l’Afrique et pourquoi pas aussi la Chine et le continent Asiatique ; parce que l’Amérique et les puissances du monde qui détiennent la richesse dirigent la planète : et pauvre petit nous que nous sommes essayons de faire le partage et la part des choses équitablement ; mais nous savons bien tous tant que nous sommes que le bonheur et la vie sont deux choses diamétralement opposées.
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