On sait combien la musique me pèse, surtout dans sa dimension discriminante de snobisme rock’n’roll.
Dans le bureau collectif des thésards, nous avons découvert dans un placard jamais ouvert une boîte mystérieuse. Nous l’avons posé sur un bureau et nous l’avons ouvert : c’était une platine de disques portative. 33 tours et 45 tours sont les bienvenus sur ce matériel hi-fi datant des années 70. Un coffret de disques russes l’accompagne, édité en URSS. Des disques de phonétique.
J’ai laissé la chose sur le bureau et suis allé dans un magasin de charité pour acheter des disques vinyles. Ils devaient coûter une livre sterling chacun, mais la vendeuse mes les fit au prix de cinq pour une livre. Je prix un disque de Schumann, un de Mozart, un de Berlioz, un de Borodine et un de musique traditionnelle irlandaise.
Mes amis thésards ont ri gentiment. Ils se sont un peu moqués du disque irlandais, et n’ont pas été outrageusement cruels avec la musique classique. Maintenant quand ils parlent d’organiser une party, ils m’interpellent pour me demander si je veux bien être DJ avec mes disques funky.
Cet après-midi, j’ai fini mon déjeuner avant tout le monde pour retourner au bureau et m’y retrouver seul. Je voulais écouter un peu de musique. Mes amis sont rentrés eux aussi, bien vite, et ont fait de gracieux commentaire en entendant le son du piano. L’une a même dit « So civilised » en entrant. Si elle savait la folie qui se cachait sous ce morceau, elle ne prononcerait pas ce mot-là. Une jolie blonde trouve que c’est très joli, « very nice », et je décide de laisser le disque poursuivre son cours, en espérant ne pas trop déranger mes camarades.
Celui qui tourne à cette minute, pendant que j’écris, c’est Schumann : la sonate pour pianoforte en fa majeur, op.11. Interprété par Malcolm Binns, il s’agit d’un beau disque de 1964, enregistré à Londres, aux éditions Saga, dont la pochette représente un paysage campagnard peint à l’encre, ou à la gouache.
En ce moment précis, c’est le troisième mouvement, « Scherzo ed Intermezzo : Allegrissimo », tellement guilleret et rapide, et tellement mélancolique par alternance. On sent venir la fin de la sonate, les dernières reprises du thème sont plus fatiguées et un peu désordonnées.
Le Finale, « Allegro un poco maestoso », je l’écoute avec attention et ne peux plus travailler sur ma thèse. C’est le problème avec la musique, soit cela m’importune, soit cela me charme trop. Dans tous les cas, cela m’empêche de me concentrer sur autre chose.
Quand la sonate s’achève, quelques-uns applaudissent brièvement. Entre temps, plusieurs étudiants seront entrés dans le bureau, tous exprimant le même étonnement amusé. De la musique classique, à nos âges, quelle loufoquerie.
Il y a quelques années, j’avais porté à réparer un de ces vieux tourne-disques à la « clinique du phongraphe » de Saint-Ouen, qui avait sous-traité l’affaire à un vieillard bricoleur de la banlieue sud… Déjà à l’époque, ces appareils étaient perçus comme d’étranges machines préhistoriques.
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le même étonnement amusé…? c’est moi qui suis étonné la. Les seuls thésards que je connaisse en France n’écoutent que de la musique classique ou rien du tout d’ailleurs. C’est peut être le propore des thésards irlandais d’écouter du rock and roll. bof j’en sais rien.bizarre.
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Ce matin, j’ai mis les Impromptus de Schubert, avant que les premiers camarades n’arrivent au bureau. D’ailleurs, un seul est venu jusqu’à présent. A un moment, il dit que cela lui rappelle son père, qui joue cet impromptu à la maison. J’apprends que son père, en plus d’être instituteur, était professeur de piano.
Il trouve que certains morceaux aident à la concentration.
De mon côté, au contraire de ce que je dis dans le billet, je me trouve ce matin plus concentré que les jours précédents. Est-ce dû à la musique ? Rien ne le prouve.
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Quand on habitait rue Pasteur, avec Philippe, on écoutait souvent « Dans les steppes de l’Asie centrale », de Borodine, j’avais une véritable vénération pour ce morceau, qui est très « figuratif », avec les air de flute tatare et la marche de la cavalerie russe qui s’entremêlent. J’avais une copie d’un 33 tours de mon père regroupant plusieurs russes, Rimski-Korsakov, Borodine, Moussorgski… interprètés par Charles Munch. Depuis, je l’ai réentendu dans une autre version, mais l’interprètation était beaucoup plus faible.Ca donne quoi, dans ta version, fais écouter ça à tes collègues, ça ressemble à de la musique de film, c’est plus facile que Schumann.
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Bien sur j’ai achete ce disque de Borodine en souvenir des apres-midis orageux de la rue Pasteur et des cigarettes fumees chez les Ignobles.
Je l’ai ecoute une fois mais ce vieux tourne-disques ne rend pas justice a la musique symphonique. Le seul type de musique qui passe vraiment bien c’est le piano solo. Cela tombe bien, c’est ce que je prefere depuis quelques annes.
Et puis : « Chez Schumann, c’est tout un travail melodique, harmonique et rythmique savant, qui aboutit a ce resultat simple et sobre, deterritorialiser la ritournelle. » C’est pour ca que c’est tres facile a ecouter.
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