Les piétons de Los Angeles

Il est ironique que mes premiers pas aux Etats-Unis furent dans la ville où l’on ne peut pas marcher.

Los Angeles, tout le monde le clame, n’est pas fait pour les piétons. La chanson le reprend dans son refrain : « Nobody walks in LA« . D’où l’idée de m’intéresser justement à celles et ceux qui n’ont pas de voiture.

L’ami qui m’héberge habite dans une lointaine banlieue, donc il était intéressant de se débrouiller avec les transports en commun. Je demandais autour de moi, dans les magasins, personne ne savait. Il semblait que les êtres humains avaient tous une automobile. Ils avaient entendu parler de bus, de trains et de métropolitains, mais cela ne les concernait pas directement.

Je ne sais plus comment j’ai fait pour trouver mes renseignements. Internet, sans doute. Un arrêt de bus se trouve tout près de la maison, où passe un bus qui peut vous mener à la gare routière de la ville, d’où un autre bus pourra vous conduire à une autre gare, puis encore une autre gare et encore une autre, pour vous retrouver à l’endroit désiré de Los Angeles.

En Europe et en Asie, attendre et prendre le bus m’ennuient tellement que je me déplace à vélo la plupart du temps. Ici, dans la culture de la voiture, prendre le bus devient grisant, excitant à bien des égards.

D’abord c’est compliqué. Ces sont des systèmes de pensée à part. Il faut étudier la chose, jongler avec des brochures, comprendre qu’il y a plusieurs compagnies, plusieurs systèmes, plusieurs logiques. Intellectuellement, c’est assez stimulant. Réussir à se rendre d’un point A à un point B apporte une réelle satisfaction d’ordre narcissique. On y est arrivé et on n’en est pas peu fier.

C’est tellement complexe que les compagnies de bus proposent des cours pour se familiariser avec la technique. La brochure le stipule : « Prendre le bus pour la première fois peut être intimidant« , d’où la nécessité d’une session de cours intensifs, adaptée à l’âge et au niveau de l’usager désireux d’en savoir davantage.

Ensuite, les bus sont des lieux passionnants à observer. On y voit des vieux, des handicapés, des femmes de ménage latinas, des gens qui n’ont plus de permis, des gens qui n’en ont jamais eu. Peut-être aussi des gens qui prennent le bus par choix environnemental.

Une dame de Salvador m’a parlé pendant tout un trajet. Elle est divorcée, ses deux enfants sont grands et mariés quelque part aux Etats-Unis, elle fait des ménages dans les banlieues huppées et elle retourne chez elle dans le sud de LA.

Un Latino lit le Los Angeles Times (très bon journal) un crayon à la main, et souligne des mots, met des croix un peu partout. Sans doute apprend-il l’anglais par ce moyen, pendant ces longs trajets qui le mènent à ses chantiers d’ouvrier en bâtiment.

Beaucoup de gens dorment. Peut-être sont-ils sous le coup du décalage horaire, comme moi. Car mes yeux commencent à me bruler vers 4 ou 5 heures de l’après-midi.

6 commentaires sur “Les piétons de Los Angeles

  1. A l’arrêt d’autobus, un homme a son regard
    Capté par la beauté d’une femme en attente.
    « Vous êtes belle », a-t-il dit d’une voix charmante.
    L’autobus arriva, même pas en retard.

    Et pendant le trajet, cette femme émue par
    La douceur de ces mots, avait l’âme tremblante,
    Et elle imaginait l’aventure excitante
    Qui pourrait se produire avec l’inconnu, car

    Lorsque deux coeurs soudain battent à l’unisson,
    Les corps peuvent bientôt partager leurs frissons,
    L’amour ne requiert pas de formalités lourdes.

    Le bus accomplit son parcours sans intérêt.
    Le monsieur descendit, car c’était son arrêt.
    A nos violents désirs, la vie, parfois, est sourde.

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      1. Magnifique sonnet.

        Heidegger ou Beauffret commentant Heidegger disait que la vie, c’est se réveiller dans un train en route pour une destination inconnue. On a un passé et la conscience de la facticité du présent mais que de l’attente quant à l’avenir. La vie, c’est un bus dans Los Angeles avec une voisine charmante et un chauffeur sympathique. Mais c’est vrai qu’en te lisant, on se demande si tu te rappelles d’où tu viens, est-ce que tu viens de quelque part comme de Nankin, par exemple ?

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  2. Très cher,
    Bienvenue sur le Continent,
    l’Amérique t’espérait le sais-tu !…
    ,un jour un groupe d’école de mon association de parent nous a proposer d’accueillir un aminche de France ;une quinzaine d’un petit parisien de classe très très moyenne; j’ai reçu un gentil petit françouillois très très discret et propre-propre-propre; l’agence avait jumeler les dates de naissance; mon benjamen ne ressemblait pas mais pas pantoute à ce gentil petit français ; après je n’ai jamais demander de ses nouvelles et je m’en veux; c’aurait pu être toi gentil précaire…vous êtes de la même année.
    …si tu viens chez Temporel on jour où l’autre.

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    1. Merci Mildred, ça fait plaisir d’ête espéré par un continent entier.
      Ton gentil petit françouillois ne pouvait pas me ressembler, car je n’étais ni très gentil ni très propre, ni très discret. Mais c’est lui qui aurait dû demander de tes nouvelles, aussi.

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