Dans l’auberge de San Francisco

Autrefois on appelait ça une auberge « de jeunesse ». C’était pour les jeunes, car il n’y avait que les jeunes qui avaient le loisir de voyager léger sans beaucoup d’argent. Les adultes, eux, avaient des gamins, et ne voyageaient pas.

A San Francisco, dans les années 2010, la même auberge est devenue une auberge tout court, car tout le monde voyage et que plus personne n’a vraiment d’argent. Le sage précaire, quarantenaire, n’a aucune raison d’avoir honte de son âge, il est loin  d’être le plus vieux. Dans le hall d’attente où les canapés accueillent les vacanciers, deux ont l’air d’être retraités, quatre pourraient être étudiants, quatre ont l’âge du sage précaire, les autres sont des trentenaires.

Tous, ou presque, manipulent leur ordinateur portable, leur tablette ou leur smartphone. Un vieux lit le journal, et, surprise, trois personnes lisent un livre (et ce ne sont pas les plus vieux). L’un d’eux cependant, dort à côté de son bouquin, et un autre a vraiment l’air coincé du cul, je ne sais s’il y a là une relation de causalité.

Un homme de 45/50 ans est allé s’installer au piano et a commencé à improviser un air contemporain. Il prend des poses dramatiques, il est un peu excentrique dans ses manières, mais c’est un vrai musicien, ce qui nous change des guitaristes à fleur du genre de votre serviteur. Il fait sourire les jeunes, qui entendent peut-être de la musique pour la première fois de leur vie.

Bref, avec l’explosion de la précarité, les hostels sont devenus des lieux plutôt huppés. Aujourd’hui, sortir 30 dollars pour un lit dans un dortoir, c’est devenu une sorte de luxe.

Le musicien est parti de son piano, sans aucun applaudissement. Il revient avec un tout petit chien tenu en laisse. Il me demande si je veux être soigné (« healed »), car son chien est un guérisseur. Il essaie de motiver ce minuscule animal de me lécher les pieds, mais le chien préfère lui lécher la main, à lui. Maybe there’s nothing wrong with you, dit-il, mais j’en doute beaucoup.

Je suis tellement satisfait de cette auberge que je vais en faire de la réclame : Hosteling International Fishermen’s Wharf, Fort Mason, San Francisco. Des gens se plaignent de la propreté du lieu, ou de l’exiguité des commodités, mais je veux témoigner que l’auberge est très bien tenue. Le petit déjeuner est inclus dans le prix, une vaste cuisine est à disposition, l’internet est accessible gratuitement, des instruments de musique le sont tout autant. Un grand écran diffuse chaque un film pour ceux qui le veulent.

Et depuis la cuisine, vue sur le Golden Gate Bridge.

Le dortoir est immense. Nous sommes nombreux à y dormir sur des lits superposés, et cela, loin d’être une nuisance, incite au calme, au respect, et à la sécurité. Bien sûr, les ronflements rugissent dans la nuit, mais avec des bouchons dans les oreilles et un pull autour de la tête pour couvrir les yeux, le voyageur ne dort pas plus mal ici que dans une chambre d’hôtel.

 

15 commentaires sur “Dans l’auberge de San Francisco

  1. J’aime beaucoup votre récit. Etant donné San Francisco avait plus de libraires par personne que n’importe quelle ville aux US ca m’étonne pas que il y avait des lecteurs de tous les âges. Il y a souvent un accent mise sur l’importance et le plaisir du lecture dans les écoles Américains.

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  2. J’ai dormi en auberge « de jeunesse » à plusieurs reprises dans les années 70, et j’en garde un excellent souvenir. Il y avait déjà quelques « vieux jeunes » à cette époque, mais ils étaient perçus comme pédalant un peu à côté du vélo.

    Ils étaient, sans le savoir, des précurseurs.

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  3. Je vis en hostel depuis un an et je n’ai plus de maison depuis 2 ans.
    On y croise des travailleurs, des migrants, pas seulement des touristes. Je suis persuadé que ça va se développer énormément, de plus en plus de personnes vivant seules, et pouvant voyager et travailler en même temps (avec internet par ex). D’un point de vue humain, psychologique, j’apprécie finalement les changements de personnes dans mon lieu de vie.
    A la base, cette nouvelle formule d’auberge de jeunesse est un nouveau business qui serait plus rentable que la forme hôtel.
    Dans le centre de Saõ Paulo par exemple, l’hostel est moins cher que de partager un appartement. Et je profite d’une grande cuisine, d’un vaste patio, d’un salon, etc que je n’aurais pas en studio.
    Je suis content de contribuer, pour une fois que j’ai quelque chose à dire sur ce blog que je lis depuis des années…

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    1. Merci de contribuer enfin, truc, ça me fait plaisir que des lecteurs silencieux prennent la parole. Tu « vis » en hostel ? C’est possible ça ? je veux dire, c’est autorisé ? Il doit falloir changer d’établissements assez souvent non ?
      En tout cas, ça donne envie d’en savoir plus sur l’exisence que tu t’es choisie. Et à Sao Paulo, tu recommandes quel hostel ? Je serai à Salvador de Bahia début décembre, là aussi, tu as une recommandation ?

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      1. On peut vivre à l’hostel comme on vit à l’hôtel, pas de souci. Les gérants apprécient même et baissent le prix. Encore une fois, j’en vois d’autres qui vivent ainsi, des travailleurs qui ne trouvent pas de logement privatif ou qui préfèrent ce mode.
        A Saõ Paulo (il vaut mieux être proche du métro):
        – Hostel Alice, maison 50s gérée par une jf charmante qui fait tout bien, pas trop loin de lieux de sortie nocturne mi-bourgeois (Vila Madalena)
        – The Hostel Paulista, quasiment sur l’avenue centrale (d’une ville qui n’a pas de centre), ambiance gd-ados/jeux vidéo/canapés (mais aussi des travailleurs), proche de la nuit jeune/cour des miracles (rua Augusta)
        – WE Hostel Design dans une ancienne demeure cossue, mais ambiance factice (ou froide, comme svt au sud du Brésil)
        – Hostel Uvaia, agréable
        – Brazilodge, froid mais tranquille
        – éviter Vila Madalena Hostel (l’usine), Pamplona Hostel (triste).

        A Salvador de Bahia, je ne sais pas.
        A Rio, au cas où, Santa Mix Hostel dans le charmant quartier colonial décrépi Santa Teresa: instruments de rock à la cave, grande terrasse avec vue sur la baie.

        Je travaille sur ordi et comme j’ai des jambes, je bouge. Je voudrais voir le monde, tout simplement.
        C’est une façon d’en jouir aussi, en cassant l’habitude.
        Connaitre un peu pour changer certaines choses également.

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      2. L’hostel est passionnant parce que c’est un théâtre, chacun est mené à jouer. Chaque entrée dans une salle de l’auberge est une entrée de théâtre. Comme dans la pension du 19ème siècle je suppose (Balzac).

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  4. Pour se rendre compte du phénomène: cf site web « hostel » et « world » accolés « .com ».

    C’est aussi savoir jusqu’où on peut partager l’espace (une question contemporaine avec la densification urbaine).

    J’ai noté aussi parfois, non pas une imitation de la maison individuelle (salon, etc), mais que l’aménagement de l’espace converge, s’unifie avec celui du bureau professionnel (coin ordinateurs) et de l’hôpital (détails utilitaires des couchettes et sanitaires)(et probablement de la prison neuve).

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  5. Guillaume, voir Hockney au De Young Museum: des aquarelles de 4 mètres, une bouffée de paysages, des peintures sur ipad au Yosemite comme la peinture ancienne asiatique, le fusain, etc les travaux récents d’un grand peintre.

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  6. Très Cher, j’ai beaucoup fréquener les A-J,des années 70 et un peu avant , c’était un progrès pour les voyageurs nobody de ce temps-là, c’était normal d’avoir de semblable lieux …te dire pourquoi je ne le saurais pas, j’ai oublier,… le fric et l’idéologie il me semblre, à présent dans ma vieillesse je revois mes préférences et je m’interroge sur mes choix de ce trmps-là…Quoi-que je préfère louer une couchette dans le dortoir de l,auberge de percé, à une chsmbre dans ls chambres de lka ville;

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  7. Et maintenant, on dit plus quadra, on dit quarantenaire, ça me fait marrer, le vocabulaire qui bouge, pas seulement quand on change d’espace, mais dans le temps… A Salvador de Bahia, il y a aussi des découvertes, sans y être jamais allée, rien que le nom de Ba – hi – a, c’est quelque chose d’attirant, surtout pour un musicien genre fleur

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  8. Très Cher, lorsque je prends ma râpe dont les quatres côtés sont abrupte pour entre autre granuler ma noix de muscade ton souvenir me reviens; je te confond avec cet odeur toi que je n’ai jamais humer de près; seule ton visage me dirige vers une couleur qui te ressemblerait mais que je n’ai pas encore définie; c’est quand-même pas trop mal, dis-moi mon tyran gentil..,.

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