La scène centrale du dernier film de Romain Goupil est une engueulade entre Goupil lui-même et une vieille dame.
La dame vient se plaindre du fait qu’on a enlevé une plaque sur la façade de l’immeuble. Goupil crie que l’homme, honoré par la plaque, était un nazi. La dame répond que c’était un grand musicien.
« Un grand musicien ? Ce monsieur a composé la musique d’un film antisémite.
Comment pouvez-vous juger ? dit la dame. Peut-être qu’on l’a forcé ? »
Alors Goupil rit d’un air supérieur et tance la vieille dame. On se dit qu’elle est peut-être liée à ce musicien collaborateur. Que c’est peut-être sa fille, ou une musicienne qui a étudié son oeuvre. On ne sait pas, mais elle est bouleversée.
« On l’a forcé ! Vous voulez dire que, sous la torture, on a forcé ce mec à composer la musique d’un film de nazi. Cassez-vous madame ! »
La vieille dame éclate en sanglot et s’enfuit.
Ce que ne dit pas le film, c’est que ledit musicien était sans doute précaire, comme nous tous. La vieille dame a raison, on l’a forcé à travailler pour les Allemands. Non pas sous la torture, mais par la misère économique.
Un beau roman est écrit sur ce sujet : Un roman russe d’Emmanuel Carrère. Carrère raconte comment son grand-père, immigré russe ou ukrainien, a travaillé pour les Allemands pendant l’occupation. Pauvre, inemployé, écrivain raté, mais parlant couramment français, allemand et russe. Seuls les nazis lui ont proposé un boulot.
Goupil aurait honni le grand-père de Carrère.
Au générique de fin, on contemple tous les soutiens financiers et politiques qui défilent sur l’écran, pour que Goupil ait les moyens de travailler.
Quelques héros sont célèbres pour avoir explicitement choisi la précarité, plutôt qu’un déshonneur.
Tao Yuanming 陶渊明 a déclaré un jour: » je ne daigne point m’abaisser pour les cinq boisseaux de riz qu’on pourrait m’octroyer — 吾不能为五斗米折腰. «
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Il me semble que le grand père d’Emmanuel Carrère venait plutôt de Crimée
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Crimée, oui, peut-être bien. Tu as sans doute raison Nénette. Donc j’avais un peu raison d’écrire Russie ou Ukraine, car entre les deux, la Crimée balance.
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Georges Zourabichvili (1898-1944), émigré géorgien, arrivé en France au début des années 20 après des études en Allemagne.
http://fr.wikipedia.org/wiki/Georges_Zourabichvili
et Emmanuel Carrère, « Un roman russe », Paris, POL, 2007.
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Romain Goupil est un très bon exemple de pharisien (au sens de l’Evangile, pas de l’Histoire, tous les Juifs religieux d’aujourd’hui sont les descendants intellectuels des Pharisiens). Un homme trop heureux d’avoir de quoi condamner les autres pour une bonne raison. Ils sont innombrables dans la presse et dans le cercle magique de ceux qui ont le droit de parler au peuple et d’être payé pour ça. Le dernier Charlie Hebdo en était rempli, sous la direction de Philippe Val qui en est un vrai (l’ancien, celui de Cavanna et Choron, du temps où j’étais étudiant, n’en avait pas), et c’est pour ça que sa lecture m’incommodait si fort.
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