J’espère aller voir Anne Sylvestre en concert avant de mourir, ou avant qu’elle ne tire sa révérence. La chanteuse a plus de quatre-vingt ans et elle continue de composer, de chanter, d’enregistrer et de tourner.
On connaît tous ses Fabulettes, les enfants de mes jeunes années en furent bercés, et cela se poursuit aujourd’hui. Mais moi, j’aime ses chansons pour adultes. Souvent, je cours autour de l’étang de Saint-Bonnet en écoutant ses disques sur mon Ipod.
J’aime le timbre de sa voix et sa façon de chanter, sans trémolos, sans effets particuliers. Comme Brassens chez les hommes, Anne Sylevstre atteint la simplicité et la sobriété. C’est grâce à cet art du trait sans fioritures que ses chansons résistent au passage du temps.
En courant, j’apprécie tout particulièrement les chansons dans lesquelles une femme raconte son ennui, ses désirs, voire ses infidélités. Derrière la femme bien sage, il y a une louve qui se cache. Une femme libre qui est dégoûtée des fausses paroles d’amour qu’elle a dû prononcer pour faire comme tout le monde.
Sait-on, sait-on jamais ce qu’on trouve ?
Où restait la colombe, il y a une louve.
Sait-on, sait-on jamais ce qu’on aime ?
Tous les mots que je t’ai dits
Me semblent des blasphèmes.
Elle dit en quelques mots simples le bouleversement d’une passion qui brûle tout sur son passage. Le mari n’est pas un mauvais homme, mais c’est ainsi, il n’est pas aimé en retour. Toute sa vie, il a dû accepter que sa femme ferme les yeux et refuse la lumière du vrai désir :
Ne me regarde pas comme ça
Si tu me regardes, je ne pourrai pas
L’injustice de la passion amoureuse, c’est quand l’inconnu arrive et rafle tout d’un coup. Dans la rencontre, la femme se révèle à elle-même et son infidélité ne fait pas d’elle une salope.
Il n’est plus rien qui me retienne.
Je ne suis plus ce que j’étais.
Si cette femme était la tienne
J’en suis une autre qui se tait.
Y a du soleil, des fleurs qui poussent.
Regarde-moi, ça passera.
Il faut s’aimer, la vie est douce.
Je pars, tu ne me retiens pas.
Bien sûr, la personne abandonnée, homme ou femme, sera détruite pareillement. Mais j’aime qu’Anne Sylvestre donne la parole, non à la femme brisée ou à la femme victime, mais à la prédatrice, à celle qui est prête à faire souffrir pour vivre enfin sa vie.
Sait-on, sait-on jamais ce qu’on trouve ?
Tu aimais la colombe et je suis cette louve.
Sait-on, sait-on jamais ce qu’on aime ?
Tous les mots que je lui dis me semblent des poèmes.
C’est ce genre de chansons que les gens devraient méditer, lorsqu’ils songent à briser leur couple. Trop souvent, nous faisons preuve de lâcheté et prétendons que nous partons à cause de notre partenaire. Nous essayons, autant que faire se peut, de rejeter la faute sur l’autre, alors qu’il faut parfois supporter d’être détesté, de jouer le mauvais rôle, surtout quand c’est nous qui partons.
Anne Sylvestre nous donne le courage de nous avouer à nous-même que nous partons par amour ou par désir.
De la grande poésie.
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Bonjour,
petite balade chez vous en passant par les mots-clés « anne sylvestre » et « ma chérie ». »La prédatrice » c’est ce que vous évoque la louve, celle qui part? je partage votre goût pour Anne Sylvestre , ses textes et sa voix mais pas cette image. Moi cette louve m’évoque plutôt la femme sauvage, profonde, qui sommeille peut-être en chacune de nous, celle qui connait ses désirs, libérée des contraintes sociales, morales, politiques de son sexe. Une femme sauvage, libre et non domestiquée, oui, mais pourquoi une prédatrice?
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