Nager le soir

L’hôtel Golden Tulip se trouve à quelques kilomètres de chez moi, sur la route qui mène à l’hypermarché Lulu.

Bellement décoré, il offre un cadre oriental reposant et accessible aux bourses des travailleurs occidentaux. Il y a un restaurant que je n’ai pas essayé, un bar où se produit une chanteuse russe et une terrasse extérieure où l’on peut fumer la chicha. J’y ai passé peu de soirées car il y traîne inévitablement un vieux parfum d’expatriés  las et d’Omanais mateurs.

En revanche, le fond de l’hôtel ouvre sur une jolie piscine entourée de jardins et d’arbres majestueux. Un banian gigantesque dont on a malheureusement coupé les lianes, un bougainvillier, un magnolia, et d’autres que je ne connais pas. Les jardiniers s’arrangent pour que leur feuillage soit large et ombrageux. Au coucher du soleil, des centaines d’oiseaux, des sortes de chardonnerets ou de passereaux, volettent de branche en branche et pépient, piaillent et papillonnent.

La piscine s’éclaire de bleu à la tombée de la nuit et l’on se croirait dans un dessin animé de Walt Disney. Pour profiter des chaises longues et de l’eau, il faut payer. C’est assez cher mais cela peut valoir le coup.

Parfois, rentrant du travail un peu tendu, je décide de dîner tôt et de m’en aller digérer à la piscine du Golden Tulip. J’y nage quelques longueurs paresseuses et lis Histoire du Moyen-Orient de Georges Corm, le temps de me sécher. Je ferme les yeux et me repose enfin. Je nage encore quelques longueurs débonnaires et marche doucement autour des banians et des petits massifs horticoles délicatement dessinés.

J’apporte un ordinateur portable que je laisse traîner sur une table, et sur lequel j’écris ces quelques mots. J’entre dans la salle de gym et soulève sans conviction quelques centaines de kilos de fonte, puis retourne dans l’eau pour nager trois ou quatre longueurs rêveuses.

Encore quelques pages d’Histoire du Moyen-Orient sur une chaise longue et mon stress se trouve bel et bien pulvérisé, atomisé, volatilisé, sous les coups conjugués de la nage, de la pression des muscles, de la lecture, de la détente, de l’effet de l’eau, de la chaleur émolliente de l’air, et des oiseaux qui finissent par se taire.

Si encore il y avait des femmes, des mauvaises langues pourraient dire à bon droit que le sage précaire renifle des culs, mais ce n’est même pas d’actualité. Le sage précaire digère, s’informe, rêvasse et se prépare pour le sommeil.

La piscine ferme à 21.00 (les lumières bleues s’éteignent). A neuf heures moins le quart, je retourne une dernière fois dans l’eau pour quelques brasses somnolentes, prélude à une nuit apaisé.

5 commentaires sur “Nager le soir

  1. Comme je te le disais l’autre jour, les expatriés de la résidence pour étrangers de Pékin en 1982 lisaient et écrivaient auprès de leur piscine, une grande partie du temps. Je me souviens du maigre et frileux maître-nageur, emmitouflé dans un vaste peignoir en tissu-éponge d’un blanc immaculé, affublé de grandes lunettes noires, priant pour ne jamais avoir à mettre un pied dans l’eau (d’où la rigueur de la visite médicale demandée par lui aux autorités de la résidence).

    Ces séances de piscine étaient considérées par la plupart des employeurs comme de la disponibilité opérationnelle, presque du temps de travail.

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  2. Purée, vu d’ici ce billet semble presque décrire le paradis (bon, hormis des femmes nues partout).
    Cela me rappelle un peu l’ambiance de mon séjour au Maroc pour le Noël 2014 : piscine bleue illuminée, arbres soignés et généreux tout autour, douceur du climat, langueur dans la valse du personnel de l’hôtel, …
    Tu parles de « stress » tout de même, c’est celui lié au travail, la préparation des cours par exemple ?
    En tout cas, avoir ce temps pour décompresser et éliminer ce stress est un vrai luxe. Je t’envie car la nage est en effet un sacré stimulateur d’endorphines…
    Veinard !

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  3. Tu as quelque chose à dire sur le parfum des expatriés las? Ils sentent mauvais, les expatriés las?

    Moi aussi, à Ndjaména, je nage autant que je peux, c’est devenu une religion. Ça fait du bien dans ces pays à grosse chaleur. A propos, tu resistes bien?

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  4. Les croyants auraient-ils essayé de faire descendre le paradis d’Allah sur terre ? L’eau pure, les ombrages, les fruits délicieux qui pendent des arbres. On sait que, au contraire des Pères de l’Eglise toujours méfiants devant les plaisirs matériels et tentés d’enseigner que s’en priver est méritoire aux yeux de Dieu, les docteurs musulmans ont toujours encouragé les croyants à jouir des dons de Dieu, à suivre le Beau Modèle qu se parfumait et portait des vêtements agréables. Sans parler des plaisirs de celui qui s’approche de ses épouses légitimes, mais cela n’est pas le choix du Sage Précaire.
    Il faudra un de ces jours écrire sur ce travail qui rend tendu, ou bien nous croirons que nous lisons une oeuvre de fiction.

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  5. Je vous réponds à vous trois en quelques mots. Je me débrouille très bien avec le climat d’Oman car la saison chaude va d’avril à juillet. Moi je suis arrivé fin août et, comme je l’ai écrit ici, la chaleur a quelque chose de tendre, de caressant. Je trouve ce climat et ce pays extrêmement propices au bien-être.
    Le boulot que je fais, j’en parlerai peut-être un peu, mais ce qui est stressant n’est pas le travail en lui-même, c’est plutôt, comme partout, l’accumulation des tâches et l’impression parfois d’être submergé.
    Enfin, l’impression de lire une fiction ne me dérange pas du tout. Je ne prétends d’ailleurs jamais dire la stricte vérité. La seule chose que j’essaie de faire est d’écrire des textes intéressants. Si vous pensez que j’invente, cela me convient et ne ferai rien pour vous prouver le contraire.

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