Shamsa m’invite à l’opéra de Mascate. Elle a reçu des billets d’entrée pour le festival de luth qui a lieu en ce moment. Apparemment, il y a eu beaucoup de désistements à la dernière minute car le long weekend dont nous profitons en ce début décembre a été annoncé il y a quelques jours. Beaucoup de ceux qui avaient prévu d’aller à l’opéra ont décidé de partir à Dubai ou Dieu sait où.
Shamsa et moi sommes retenus respectivement à Mascate et à Birket el-Maouz pour des travaux à terminer. Moi de la recherche en littérature de voyage, elle de la géologie prospective. C’est beau la vie.
« Tu ne me parles jamais du sol omanais, de la géologie de ton pays…
– Fais pas chier. »
Nous échangeons harmonieusement en conduisant le quatre roues motrices de mon amie le long de la grande avenue Sultan Qaboos (tout ici s’appelle « Sultan Qaboos », l’université, la mosquée, la rue, le dispensaire de santé). L’avenue est décorée de couleurs propres à évoquer noël. Dans un pays musulman, c’est très étrange. S’il ne faisait pas doux, on se croirait dans une capitale européenne avec toutes ces guirlandes vertes, rouges et blanches.
En réalité il s’agit des célébrations de la fête nationale. On a revêtu la capitale et les voitures des couleurs du drapeau.
Shamsa n’est pas encore allée à l’opéra de Mascate. Ce dernier n’a ouvert ses portes qu’en 2011 et elle n’est retournée en Oman que très récemment. Elle s’intéresse peu à la musique classique mais elle avait envie depuis son retour de visiter l’opéra et d’y passer une soirée. Ce soir, c’est l’occasion. Elle s’est habillée avec une élégance toute européenne, en ajoutant à se tenue noire et grise un voile qui couvre une chevelure nouée en chignon.
Nous arrivons en retard à l’opéra. J’évite de lui faire le moindre commentaire, mais moi, je peux le dire sur ce blog, j’étais prêt bien avant elle. Je tournais en rond dans son living room en feuilletant des livres de géologie, tandis qu’elle s’affairait entre sa chambre et sa salle de bains. Des livres publiés par la grande compagnie pétrolière du pays, Petroleum Development Oman (PDO). J’ai la vague impression que cette entreprise, sans doute le premier employeur du pays, se trouve à l’origine de toutes les productions culturelles qui peuvent exister sur le territoire.
Shamsa se préparait sans bruit, avec méthode, mais je la sentais nerveuse. Elle avait perdu une boucle d’oreille ou quelque chose. J’entendais, à ses pieds nus sur le carrelage, que tout n’allait pas aussi bien qu’elle le prétendait. Dans Oman’s Geological Heritage, dont le nom d’auteur n’apparaît pas sur la couverture, je note des schémas impressionnants sur les différentes plaques techtoniques ayant par leurs mouvements et leurs frottements modelé la péninsule arabique. Le livre a beau être financé par PDO, il a l’air sérieux du point de vue scientifique et très beau du point de vue des photos de paysages minéraux.
« Pourquoi tu ne me parles jamais de la géologie de l’Oman ? Les formations, les roches, les sédimentations ?
– Laisse-moi tranquille. »
Oman se trouve au croisement de trois grandes plaques : la plaque indienne qui se balade vers le haut, la plaque eurasienne qui, elle, descend, si bien que leur collision crèe notamment la chaîne de l’Himalaya. Et à côté de la plaque indienne, la plaque arabique qui va dans la même direction que la plaque indienne (mais peut-être pas au même rythme, il faudra que je demande cela à Shamsa, un autre jour). Le détroit d’Ormuz, donc, qui se trouve entre l’Oman et l’Iran, est exactement un des points de rencontre entre la plaque eurasienne qui descend et la plaque arabe qui monte.
En parlant d’Eurasienne et d’Arabe qui monte, voilà Shamsa qui sort de la salle de bains auréolée d’un maquillage de princesse de cinéma, et de bijoux qui me font chavirer.
Quelle subtile intrigue !
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Cher sage précaire, ça m’intéresserait de savoir comment est perçue la COP21 depuis la péninsule arabique. En effet, tous ces pays qui ont construit leur richesse sur l’exploitation de l’or noir sont dans le collimateur de la COP aujourd’hui.
Tout le monde sait qu’ils ont une énorme part de responsabilité et que la seule solution qui se profile est l’arrêt à très court terme de cette exploitation devenue démesurée à la vue du réchauffement climatique en route.
A l’opposé total des pays du Golfe, les 4 pays les plus engagés sont aujourd’hui le Maroc, l’Ethiopie, le Costa Rica et le Bhoutan (http://www.ouest-france.fr/leditiondusoir/data/633/reader/reader.html?t=1449076120627#!preferred/1/package/633/pub/634/page/6).
L’évolution des relations avec la belle Shamsa m’intéresse aussi bien sûr. Un peu de romantisme dans ce monde de fous, diantre !
Bon w-e !
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Cher Mkb, autant que je sache, la COP21 n’est pas perçue du tout de ce côté-ci de l’Arabie. Dans les journaux anglophones d’Oman, je n’ai rien vu qui traite de l’événement ni de près ni de loin.
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