Les Cévennes de Clara Dupont-Monod

Devant le pont sur la route de Vernes

Comme c’est un roman qui se déroule dans les Cévennes, où j’habite, j’ai décidé de sortir le livre de Clara Dupont-Monod en promenade dans la région et de le photographier dans les paysages qui l’ont inspiré.

Devant une Vierge par opposition au roman, qui narre une histoire de protestants.

S’adapter, le roman de Clara Dupont-Monod paru en 2021, est très bien écrit et mérite les éloges qui jonchent la presse et les réseaux sociaux, donc je ne reviendrai pas là-dessus. (En même temps, qu’un livre soit bien écrit, c’est un peu le minimum qu’on puisse exiger de lui.) Ce que je voudrais commenter, c’est le dispositif narratif qui est mis en place par l’auteure et qui ne fonctionne pas.

Le narrateur est pluriel, ce sont les pierres de la maison cévenole où la famille passe ses vacances, ou vit à l’année. Le statut de la maison n’est pas vraiment clair. Est-ce une maison secondaire pour des citadins ? La résidence principale d’une famille des Cévennes ? La maison d’un clan familial qui échoit à une de ces familles ? Beaucoup de choses sont laissées en suspens, mais le lecteur se dit que c’est normal puisque celles qui racontent l’histoire sont des pierres, et les pierres ne peuvent pas savoir grand-chose des questions de propriété familiale.

Nous, les pierres rousses de la cour, qui faisons ce récit, nous nous sommes attachés aux enfants.

S’adapter, p. 12.

Soit, l’histoire est racontée depuis le point de vue des pierres. C’est plutôt contraignant comme règle de départ, mais cela peut donner des choses intéressantes, comme le montrent l’OULIPO et tous les essais de littérature à programme. D’ailleurs, cette contrainte est rappelée deux pages plus tard.

De là nous perdons leur trace, car en ville, personne n’a besoin des pierres. Mais nous les imaginons garer leur voiture, racler avec soin leurs chaussures sur le long paillasson après les portes automatiques.

S’adapter, p. 16

Ah bon, les pierres imaginent ?

Ce qui me déplait n’est pas qu’elles soient capables d’imaginer puisque de toute façon elles étaient capables de raconter et que cela ne me choquait pas. Ce qui me dérange un peu c’est qu’à partir du moment où elles racontent même ce qui n’est pas dans leur champ de perception supposé, alors il n’y a plus de contrainte narrative et cet aspect du roman tombe à l’eau.

Donc les narratrices ne perdent finalement pas la trace des personnages, et elles raconteront les relations qui se tissent entre les membres de cette famille dans la maison et hors de la maison. Elles raconteront tout, en voiture, à l’école, en ville, car au fond elles ne sont pas des pierres rousses des Cévennes, mais un narrateur omniscient.

Pour reprendre les mots de la narratologie enseignée à l’école, le narrateur relève d’une focalisation zéro, alors qu’était annoncée dès la quatrième de couverture une focalisation externe assez originale.

Devant les ruches-troncs d’Arrigas.

C’est la raison pour laquelle je préfère éviter ce genre de procédé, ou de dispositif. J’écris à la première personne du singulier pour me protéger d’errements inévitablement scolaires.

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