La guitare et le chant sont un peu la marque de fabrique de la sagesse précaire. Quand les circonstances le permettent, le sage précaire sort son instrument et, à défaut de la charmer, amuse son auditoire par des moyens musicaux.
En classe, en conférence ou en réunion, le chant tend à étendre son domaine d’application. Le 25 février 2022, invité à la Médiathèque du Pays viganais pour présenter mon livre Birkat al Mouz, j’aurais aimé accompagner ma causerie de beaux airs de ‘Oud, mais je n’avais ni les moyens ni l’entregent de me procurer un tel service.
Comme j’avais promis au directeur de la médiathèque « des paroles, des images et de la musique », que ces promesses s’étaient déjà retrouvées imprimer sur les prospectus d’information, je n’avais plus d’autres choix que de produire la musique moi-même. La veille de la rencontre, j’ai demandé à mon frère s’il voulait bien m’accompagner à la flûte, ce qu’il accepta par générosité d’âme. J’ai déjà parlé de ce frère qui est à la fois musicien et paysan.
Une grande partie du public présent ce soir-là était venu pour lui autant que pour moi. Les gens le connaissent car il vend ses légumes tous les samedis au marché du Vigan. Il avait d’ailleurs fait une réclame incroyable pour ma soirée littéraire au milieu de ses carottes et de ses salades bio. Quand ses clients habituels me virent parler d’un livre sur Oman, ils pensèrent peut-être que c’était une famille d’originaux, comme on en croise dans les Cévennes. Mais quand ils virent leur paysan-maraîcher préféré marcher sur scène et jouer de la flûte avec aisance, ils arrondirent leurs yeux. Le lendemain, au marché, ils leur firent une deuxième ovation et exprimèrent leur admiration pour ses talents musicaux tout en louant la qualité de ses légumes et de son miel.
Je pensais à un commentaire facétieux du genre « faire un tabac en racontant des salades », mais en vérifiant l’origine de cette dernière expression sur différents sites, l’expression est connotée de mensonge, ce qui n’est pas le cas de notre conteur : « Cette expression date du XIXe siècle. Il s’agit d’une métaphore. On compare une salade, soit un assortiment d’ingrédients se mariant bien entre eux, à un ensemble de ragots qui, accompagnés d’un peu d’humour et de fausses excuses, peuvent passer pour vrais ». Enfin, j’imagine que tout était bien composé.
Quant à « faire un tabac », l’expression vient du langage des marins et réfère au « coup de tabac » pour désigner le coup de tonnerre, assimilé ensuite par les gens du spectacle au tonnerre d’applaudissement. Il y a du marin chez les conteurs de salades… (c’est ce qu’on appelle la convergence des luths!?)
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Bravo Michel pour ce beau commentaire. Il y a eu un peu de salade malgré tout et un peu de tabac aussi. Mon frère et moi sommes de la race des bonimenteurs, comme ceux que l’on trouve dans les romans d’André Dhôtel. J’ai fait quelques entorses à la vérité dans mes images, prétendant que tel couple était marié alors qu’il ne l’était pas, et Hubert a fait passer son whistle irlandais pour une flûte berbère. Bon, nous nous sommes arrangés avec le vrai pour atteindre un bon niveau de vraisemblance.
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