France – Eire : la chance

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Je me suis réveillé avec un sentiment de grande lourdeur. Pas vraiment la gueule de bois, malgré toutes les pintes de Guinness ingérées, car j’avais pris soin d’ingérer une grasse nourriture sur le chemin du retour hier soir. Le sentiment de lourdeur venait de la qualification de la France pour le mondial dans des circonstances affligeantes. La main de Thierry Henry me paraissait monstrueuse jusqu’à maintenant. En lisant la presse française, et même en entendant les commentaires britanniques, je m’aperçois qu’il s’agit seulement d’un fait de jeu, une erreur d’arbitrage comme il y en a tant d’autres toute l’année.

Malgré tout, l’équipe de France m’a paru plus mauvaise et plus triste que tout. Le niveau de football montré hier soir était pour moi bien plus honteux que le fait de s’être aidé de la main pour marquer un but. A part le gardien de but, Hugo Lloris, qui a sauvé l’équipe et qui, par la même occasion, a clairement pris une option sur le statut de titulaire à ce poste, je ne trouve rien à sauvegarder. Peut-être l’entrée de Sydney Govou ? mais je suis peut-être de parti pris, étant moi-même lyonnais et un grand admirateur de Govou depuis des années. (J’aime sa façon de jouer, sa façon de se déplacer, sa classe naturelle, son visage impassible et ironique, son attitude générale qui donne de lui l’image d’un homme qui n’a rien à faire là.) J’ai regardé ce match sans plaisir, sans même être vraiment crispé.

Le pub où j’étais, sur Ormeau Road à Belfast, était bondé et les spactateurs retenaient leur souffle comme jamais. Avant le but de Gallas, je sentais la salle entière trembler de peur, car elle sentait bien que les individualités françaises étaient capable d’un exploit, ou d’un coup de chance. Lorsque j’applaudis le but de Govou (signalé hors jeu), mes voisins irlandais me regardaient avec effroi. N’avaient-ils pas compris que je supportais mon pays, même si je leur avais dit que je serais content que l’Irlande se qualifie ? C’est vrai qu’il s’agit là peut-être d’une logique un peu tordue.

Une chose intéressante à noter : le pub avait réservé une seule salle pour le match. Dans le reste du pub, c’était business as usual. Les gens mangeaient et buvaient calmement, indifférents à ce qui se passait à côté. Je demandai à un des serveurs du côté calme s’il savait ce qui se passait, à quoi il répondit qu’il ne s’intéressait pas au football, qu’il était plutôt rugby. La réalité, bien entendu, c’est qu’à Belfast, la communauté catholique supporte l’équipe d’Irlande avec une profonde passion, tandis que la communauté protestante se sent trop britannique pour regarder un France – Irlande à la télévision. Ce clivage de la société nord-irlandaise se reproduisait à la dimension d’un pub, pacifiquement. Une salle pleine à craquer, et trois fois plus d’espace à moitié vide dans le reste du pub, où les clients n’avaient pas envie de se faire emmerder par des supporters surexcités (on les comprend). Dans le quartier où j’habite, ce spectacle eût été impossible car les pubs sont à 100% protestants, et dans d’autres quartiers, c’est l’inverse. Mais dans la rue Ormeau, on assiste à une vie partagée entre les deux communauté. C’est à propos de cette rue que j’ai écrit, sur ce blog, mon premier texte concernant Belfast, un texte pessimiste. Or, après avoir assisté à ce match hier soir, je note que les communautés restent divisées mais qu’elles cohabitent dans les mêmes débits de boissons, ce qui me rend plus optimiste.

Au début du match, mon ami Barra m’a envoyé un texto depuis Dublin : « May the best team lose. » A la fin, il me texte à nouveau : « Well, I don’t know what to say« . Moi non plus je ne savais que dire, j’étais moins dépité que tous les clients du pub où j’étais, mais je n’étais pas fier et n’étais qu’à peine soulagé. A peine. En réalité, j’espérais qu’on ferait rejouer le match. Je répondis méchamment à Barra : « The best team was Ireland, but you prayed for the best to lose, so it’s all your fault! »

Ce qui me rassure un tout petit peu, quand je considère l’événement, c’est que les fautes d’arbitrage vont maintenant à notre avantage. Autrefois, quand j’étais enfant, l’équipe de France était un peu à la place de l’Irlande actuelle, capable de faire des exploits, mais maladroite devant le but. Spécialiste des défaites glorieuses. Les arbitres favorisaient inconsciemment nos adversaires, surtout s’ils étaient allemands (Séville 1982). Depuis 1998, la France a changé de statut et on s’attend à ce qu’elle gagne, même en jouant mal, même avec chance et dans l’injustice. Dans mon esprit, cet horizon d’attente était appliqué à l’Italie surtout, mais aussi à l’Allemagne et au Brésil.

7 commentaires sur “France – Eire : la chance

  1. C’était si piteux que je suis devenu supporter de l’Irlande au fil du match, à la fin j’étais vraiment déçu. A quoi ça sert de se qualifier avec une équipe si mal coachée ? On va faire comme à l’Euro, pshitt. Mieux aurait valu perdre, virer l’impossible Domenech, changer de génération et préparer l’Euro suivant. C’est une occasion ratée qui va nous faire perdre 2 ans.

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  2. Je n’aimais pas vraiment le foot avant, et l’aime encore un peu moins désormais. J’étais pour l’Irlande en rentrant dans le pub pour voir le match, et encore plus pour elle en ressortant.

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  3. Je suis trop Irlandais pour ne pas supporter mon pays. Reconnaître les qualités de l’adversaire oui, mais le soutenir non. Les Irlandais disent voir dans le public français une chance pour eux. Ils savent, ou ils pensent, que le Français n’est pas un vrai supporter C’est faux, le Français, on le reconnais à cela, supporte d’autres pays que le sien.

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  4. Je dois être trop monégasque pour être un vrai supporter. « Supporter monégasque », ça sonne d’ailleurs bizarre. L’attaquant islandais Gudjhonsen, qui joue cette année sur le Rocher, a dit : « Normalement, ce sont aux supporters de réveiller les joueurs, mais à Monaco, ce sont aux joueurs de réveiller les supporters ». Evidemment,c ‘est pas glorieux, mais après tout au théâtre c’est un peu pareil.

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  5. Très drôle Telma. Des buts contre l’Irlande, nous en avons planté virtuellement trois : celui qui nous a qualifié, celui de Govou qui a été refusé, et le pénalty qui ne fut pas sifflé.
    Je fais preuve de mauvaise foi, ça me met en forme le matin.

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