La colonne Nelson de Dublin

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Autrefois, au centre de la ville de Dublin, une gigantesque colonne se dressait et portait fièrement la statut d’un amiral anglais. Lord Nelson (1758-1805), mort héroïquement lors de la bataille de Trafalgar alors même qu’il était victorieux de la flotte française, est l’incarnation la plus glorieuse de l’empire britannique. A Londres, une colonne encore plus grande lui rend hommage. Or Dublin, au début du XIXe siècle, était la deuxième ville de l’empire, il n’y avait donc aucune provocation à ériger une telle statue, haute de 40 mètres, dans une ville qui était vue à l’époque comme moderne, élégante, harmonieuse du point de vue de l’urbanisme. Et britannique comme aucune autre. Enfin, comme il n’y a pas de villes britanniques sans colonne, celle-ci fit l’affaire avec classe et mesure.

La mesure et l’harmonie étaient d’autant plus importantes à Dublin que la ville avait été entière rénovée au XVIIIe siècle par l’architecture dite « georgienne ». Un urbanisme aristocratique, avec de larges avenues, de nombreuses maisons attachées les unes aux autres, des parcs et des places. De la place pour les chevaux et les robes des ladies. Une architecture qui prévoit et accompagne l’émergence d’une véritable classe sociale : celle des bourgeois moyens, qui ne peuvent pas avoir de villas ni de palais, mais à qui il faut un centre ville propre, et de la place pour une domesticité assez nombreuse.

De plus, l’architecte qui a dessiné la colonne Nelson a aussi dessiné l’avenue dont elle est le centre (aujourd’hui O’Connell street), ainsi que le grand bâtiment des postes, le très fameux GPO (General Post Office). L’ensemble était donc parfaitement proportionné et symétrique. Longueur et largeur de la rue, hauteur de la colonne, tout entrait en accord avec la néo-classique colonnade du bâtiment des postes.

Comme en témoigne une des nouvelles des Dubliners de James Joyce, les gens pouvaient entrer dans la colonne et monter jusqu’à une plateforme, d’où ils dominaient la ville. Le poète Gerard Smyth, né à Dublin dans les années 40, s’en souvient aujourd’hui avec nostalgie, et il désapprouve publiquement sa destruction par l’IRA.

Car il est évident qu’un tel symbole britannique au centre de la capitale d’une Irlande devenue indépendante et républicaine, cela posait un problème. De l’indépendance du pays jusqu’à la destruction de la colonne, de nombreux plans ont été esquissés : on a essayé en vain de s’en débarrasser. On a aussi pensé remplacer la statue de Nelson par une autre, qui aurait pu être Saint Patrick, Patrick Pearse ou J.F.Kennedy. Finalement, ce sont d’anciens membres de l’IRA qui ont fait le travail en 1966, illégalement, en pleine nuit, pour le 50e anniversaire du soulèvement de Pâques 1916.  

L’attentat a décleché l’hilarité parmi les Irlandais, qui en ont fait des chansons et des histoires, à leur vieille habitude. C’était l’époque où l’Irlande était pauvre et où le rire et la chanson étaient les seules armes du peuple. Pour exemple, ci-dessous, les célèbres Dubliners qui comparent l’explosion de l’Amiral avec la mise en orbite des fusées spatiales de l’époque :

Oh the Russians and the Yanks, with lunar probes they play,
Toora loora loora loora loo!
And I hear the French are trying hard to make up lost headway,
Toora loora loora loora loo!
But now the Irish join the race,
We have an astronaut in space,
Ireland, boys, is now a world power too!
So let’s sing our celebration,
It’s a service to the nation.
So poor old Admiral Nelson, toora loo!

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