Je me suis longtemps demandé paresseusement qui était Pierre Scize. Enfant, j’ai appris à lire – avec difficulté – et à écrire – au prix de sévices physiques indignes – dans une école qui portait son nom. C’est l’une des images qui me restent de mon enfance et du village de Saint-Just Chaleyssin, « Groupe scolaire Pierre-Scize ». C’est sans doute la première chose que j’ai dû déchiffrer par moi-même, et encore, peut-être pas correctement. Il n’est pas impossible que je l’aie prononcé « Pierre Sixte » (à l’époque, un footballeur s’appelait Sixte…)
Récemment, j’y suis retourné, dans ce village de Saint-Just Chaleyssin, et j’ai appris que le dénommé Pierre Scize était un écrivain journaliste de l’entre-deux-guerres, qui aurait vécu à Saint-Just et y aurait écrit un livre.

Mais alors, pensais-je, serait-ce de là que vient le nom du quai de Lyon ? Tous les Lyonnais connaissent le Quai Pierre-Scize. Ceux qui ne sont pas lyonnais de naissance s’en souviennent pour y avoir traîné en des dérives nocturnes, aux temps nubiles de nos années d’étude.
Quelle ne fut pas ma surprise d’apprendre que le quai s’appelle ainsi depuis très longtemps, et que c’est l’écrivain lui-même qui a pris son nom de plume un jour qu’il se promenait quai Pierre-Scize. Il s’est dit : « Bon sang, si on enlève le trait d’union, ça fait un prénom et un nom! Et connus des Lyonnais, en plus! »

D’habitude, ce sont les rues qui sont baptisées d’après le nom des écrivains, pas l’inverse. Mais à Lyon, on aime faire les choses à l’envers, comme les Anglais. Moi, quand je serai écrivain, mon nom de plume sera Rue de la Ré. Ou Impasse Saint-Polycarpe (il y avait super cinéma, là-bas). Ou Montée du Gourguillon.
Non, j’ai mieux : Cour des Voraces. Cela fait racé, classieux, mystérieux. « Nous vous recommandons d’acheter La Précarité du Sage, le dernier opus de Cour des Voraces. »
Mais alors, me dira-t-on, d’où vient le nom du quai Pierre-Scize ?
Cela vient-il du nom d’un autre écrivain journaliste, qui aurait vécu à Saint-Just Chaleyssin avant guerre ? Ce serait tout à fait envisageable, et le quai et l’écrivain se seraient neutralisés l’un l’autre en se nommant l’un d’après l’autre. Dans la ville de Saint Irénée, qui aurait inventé l’éternité si l’on en croit Borges, cette mise en abyme serait pleine de sens.
L’honnêteté m’oblige à révéler qu’il n’en est rien. Pierre-Scize, cela vient de la montagne qui tombait autrefois dans la Saône, et que les Romains ont dû tailler, ciseler, pour faire passer la voie le long de la rivière. Pierre Scize, c’est donc la pierre cassée. Fendue. Si j’étais écrivain, je n’hésiterais pas à signer mes livres de ce nom mélancolique et froid : Pierre Fendre.
Photos tirées du site http://qse.free.fr/spip.php?article12
Très chouette, Cour des Voraces. Moi, je veux qu’on m’appelle désormais Place Badouillère, du nom d’une place de saint Etienne dont le nom m’a beaucoup fait rêver quand j’étais enfant : je trouvais que Badouillère, ça faisait Gruyère (je prononçais Grouillère) et Gruyère, ça faisait Gratin Dauphinois. Et le gratin dauphinois, moi, j’adore ça.
Sinon, mes lectures ne sont pas abracadabrantesques, elles sont juste classiques, c’est Jorge Luis Borges qui attribue à Saint Irénée l’invention du concept d’éternité sur les pentes de Fourvière dans son « Histoire de l’éternité- Histoire de l’infâmie », aux éditions 10/18, moi j’ai acheté ça 1 euro 50 en 2004 me semble-t-il chez un bouquiniste du plateau de la Croix Rousse pour être tout à fait exact.
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Plateau de la Croix-Rousse, voilà qui fait un beau nom de plume aussi. Le Forez et la confluence Rhône/Saône sont un vrai vivier de noms de plume.
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Dans le genre, on trouve l’écrivain Vercors.
Un jour, se promenant en Chine, il entendit un professeur lui dire : « J’admire votre oeuvre, Monsieur Cors »…
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