Quand les protestants en appellent au vote catholique

Peter Robinson, premier ministre nord-irlandais

Le premier ministre nord-irlandais ne se contente pas d’arborer une chevelure du meilleur effet, il commet aussi des articles révolutionnaires. Peter Robinson, qui a su rebondir après une sale période de doute (j’avais salué le fait que sa femme avait provoqué ce scandale, par amour pour un adolescent), a retrouvé son siège au parlement de Stormont (après avoir perdu celui de Westminster lors des élections générales de 2010) lors des dernières élections, et jouit aujourd’hui d’une popularité très forte.

Popularité d’autant plus forte que l’un de ses plus importants soutiens, quand il était au creux de la vague, venait du républicain Martin McGuinness, l’ennemi juré avec qui il partage le pouvoir, et qui a refusé de profiter de la situation pour enfoncer Robinson. Les deux hommes se téléphonaient, paraît-il, et leur estime réciproque s’est définitivement affirmée, ce qui, dans cette région du monde où être un gentleman veut dire quelque chose, leur a procuré une aura incomparable.

Robinson, donc, n’hésite plus à annoncer qu’il vise maintenant l’électorat catholique!

Lui qui dirige le parti protestant le plus représentatif de l’anti-papisme. Le parti du fameux Iain Pasley. Oublie-t-il, Robinson, que si son parti est au pouvoir, c’est parce qu’il a longtemps été extrêmiste, qu’il a d’abord ratissé parmi les mécontents et les radicaux, avant d’accepter de gouverner en collaboration avec le Sinn Fein ? Que s’il a su attirer une grande majorité de suffrage parmi les protestants, c’est justement parce qu’il manie une rhétorique sectaire, qui « rassure » ceux qui se sentent envahis et menacés par la vague catholique et nationaliste.

Robinson veut donc faire évoluer la tactique de son parti, car il dit vouloir devenir un parti « trans-communautaire ». Il veut capitaliser sur sa bonne image et surtout sur des enquêtes d’opinion récentes qui montrent que la majorité des catholiques sont aujourd’hui préfèrent habiter au Royaume-Uni plutôt qu’en Irlande, et ne demandent plus que l’Irlande soit réunifiée.

Le positionnement de Robinson est simple : il est de droite, libéral, il veut promouvoir la liberté d’entreprise. Or, les catholiques de droite, pour qui peuvent-ils voter ? Les partis perçus comme « pro-catholiques » sont des partis socialistes (SDLP et Sinn Fein) si bien qu’ils sont condamnés à voter soit contre leur communauté, soit contre leur tendance politique. Le même problème, inversé, existe pour les protestants de gauche.

Alors Robinson veut rendre son parti plus ouvert aux catholiques de droite, qui, de plus, sont heureux de vivre au Royaume-Uni. Mais sont-ils « heureux » de vivre au Royaume-Uni ? Ces résultas de sondage ne sont-ils pas l’effet de l’état catastrophique de l’économie irlandaise ? Dans la situation actuelle, il est naturel de préférer vivre en Irlande du nord qu’en Irlande, mais cela va-t-il durer ? David Cameron, le premier ministre anglais, a déjà fait savoir que des provinces telles que l’Irlande du nord coûtaient trop d’argent aux contribuables britanniques.

Le Sinn Fein va-t-il faire pareil ? Se déclarer ouvert aux protestants qui veulent une politique plus sociale ? On ne les imagine pas tenir ce même discours, car si vous enlevez aux nationalistes le désir de l’Irlande unie, vous leur enlevez beaucoup de leur attrait.

Alors, certains analystes conseillent Robinson d’enlever carrément le mot « unioniste » du parti qu’il préside. Voilà l’aveuglement des centristes. Ce que ne voient pas tous ces modérés, à mon avis, c’est que ce type de discours d’ouverture déplait souverainement aux loyalistes hard core, ceux qui se sentent toujours menacés et envahis par des rebelles catholiques auxquels le pouvoir pardonne tout. Encore un pas dans cette direction, et aux prochaines élections, le DUP ne gagnera pas chez les catholiques ce qu’il aura perdu parmi les plus conservateurs de sa base.

Les conseillers en communication du premier ministre seraient bien inspirés d’aller voir ce qui se passe chez leurs voisins français. Un homme au pouvoir est en train de perdre sur sa droite ce qu’il n’a pas réussi à obtenir sur son centre-gauche.

2 commentaires sur “Quand les protestants en appellent au vote catholique

  1. De plus, Robinson dit vouloir faire du DUP « a cross-comunities party ». Mais il existe déjà un parti transcommunautaire, nommé Alliance. Il faut dire, cependant, que l’Alliance ce n’est pas brillant, non plus.

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