Ma colocataire française

Je suis gâté pour ma dernière année de colocation à Belfast. Après avoir eu la chance d’accueillir un charmant Vietnamien très studieux et un jeune Allemand aux idées bien arrêtées, voilà que les fées de mon logis, mes lares domestiques, nous envoient une jeune Française, thésarde comme moi.

Avant qu’elle ne se décide à venir chez nous, nous en avons discuté avec les autres colocataires. L’Allemand préférait que nous restions à trois, et le Vietnamien ne voulait pas trop d’une femme. « Mais nous ne sommes que des hommes! disait-il. Imaginez que nous sortions en bermuda… » « Oh my God! » se moquait l’Allemand.  

De mon côté, je savais que l’on pouvait vivre à quatre dans cette maison, mais qu’il fallait faire quelque effort, réduire un peu l’espace que l’on occupe dans les territoires communs.

La jeune Française est donc venue, après s’être assurée qu’il n’y avait rien de mieux en ville, pour le même prix. Car ne nous voilons pas la face, c’est l’excellent rapport qualité-prix, et donc le loyer modéré, qui constitue le meilleur atout de ma maison.

La pauvre était malade lors de son déménagement. Cela eut pour effet d’adoucir brutalement  la gent masculine de la maison. Nous l’aidâmes à déménager, nous fîmes preuve d’un plus grand scrupule quant à la propreté et à l’occupation des sols. Le Vietnamien poussa la galanterie jusqu’à changer de chambre pour laisser à la French Lady la chambre la plus confortable, qu’il occupait depuis un mois. Il lui offrit des petits trucs, pour la gorge, pour le ventre, pour se couvrir. Je ne sais pas elle, mais moi, je trouvais les attentions du Vietnamien très touchantes.

En retour, notre nouvelle colocataire a laissé libre cours à la dimension bienfaisante de sa personnalité : elle soigne à son tour, elle fait des tisanes, partage des soupes, diffuse quelque chose de réconfortant dans cette maisonnée. Même la propriétaire a été littéralement conquise, qui lui a trouvé une grande classe et une véritable grâce. « Et son sourire est radieux », disait la propriétaire, en empochant le loyer du mois de novembre.

L’autre jour, levé un peu tard et de mauvaise humeur, j’intégrais la salle de bains sans grand espoir de voir ma journée tourner dans le bon sens. Depuis la cuisine, en dessous, les rires de la Française, qui plaisantait avec le Vietnamien, montaient et habitaient les murs. C’était délicieux. Je ne sais pas si ma journée est devenue beaucoup plus productive par après, mais au moins, le temps perdu l’a été sans idée noire.

Elle dit préférer habiter avec des hommes, « parce qu’il y a moins de problèmes », ce que la sagesse précaire approuve dans ses préceptes. Si les femmes avaient moins peur des hommes, et réciproquement, elles suivraient massivement son exemple. Car la mixité, dans les colocations, apaise considérablement les atmosphères, adoucit les moeurs et arrondit les angles. 

Il se passe finalement quelque chose que je n’aurais pas imaginé possible dans cet environnement : au lieu de nous comprimer, la présence de cette nouvelle amie (qui était une amie avant d’être une colocataire) a fluidifié l’espace. C’est difficile à expliquer, mais depuis qu’elle est parmi nous, je me sens mieux dans la maison, j’ai l’impression d’avoir plus de place. Elle a, en quelque sorte, par sa seule présence, révélé à la maison sa propre potentialité de confort. Vrai, il nous semble même qu’il fait un peu plus chaud.

20 commentaires sur “Ma colocataire française

  1. La mixité a de grands avantages, comme tu l’illustres par ce bel exemple. Je me souviens d’avoir fréquenté des écoles de navigation à voile, et, par la suite, d’arts martiaux, où ce phénomène de hausse du niveau de respect mutuel était clairement perceptible.

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    1. Par apres dans une narration au passe est l’equivalent d’auparavant par rapport a avant dans le meme contexte grammatical.
      Vous avez de la chance, Lee, d’habitude je ne donne plus de lecon de francais passes 23h00.

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  2. quel joli hymne à la mixité ! bienvenue à votre colocataire (vous voyez, on se sent presque chez soi sur votre blog…)
    mais cher sage précaire, pourquoi tant de fautes de frappe dans vos commentaires ces temps-ci ? (chez soi, et sans gêne en plus…)

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    1. Merci Nath01, ce que vous dites fait souvent très plaisir. Pour les fautes de frappe, je blâme la fatigue, les substances altérant la perception, et les claviers qwerty…

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  3. « pourquoi tant de fautes de frappe dans vos commentaires  » ?

    « J’espere que ce cera  » !!!! rhalalala ! t’as du rencontré le petit gibus dans un pub malfamé de Belfast, il

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  4. Pour moi sage précaire ce n’est pas une question de sexe mais de personnalité et de caractère et de maturité, t’imagine un matelot traine savate et brouillon, les voiles en tas sur le côté du bastingage..franchement.

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    1. Tu as raison Mildred. Je pense aussi que c’est la personnalité de cette jeune personne qui rend la maison plus agréable, bien que la personnalité de ceux qui étaient là avant elle était très bien aussi.
      Mais en plus de cela, la mixité fait son petit effet.

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  5. Sage précaire le concept de mixité ne se posait pas dans mon temps et j’ai du partager ma brève vie(3 ans) d’étudiante avec deux filles diamétralement opposer à mon mode de vie,et la mixité ne m’a été accorder qu’avec la cohabitation du père de mes enfants à l’âge de 20 ans car j’en étais enceinte ,la mixité est un concept de gars macho, j’essaierai de développer plus implicitement dans un prochain post.by.

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    1. J’attends avec impatience ton développement, Mildred. Moi qui suis le moins macho des sages précaires, dont la machitude est aussi précaire et ondoyante que ma sagesse, j’aimerais bien savoir en quoi la mixité est sexiste.

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  6. La mixité est sexiste, en tout cas son éloge l’est parce que pourquoi une fille apporterait-elle de la chaleur et du confort, sinon parce que la femme est par définition le vecteur de la chaleur et du confort, la fée du logis, la mère au foyer, la douceur dans un monde de brutes … j’en passe, ce qui est absolument faux : je connais des femmes qui sont glaciales, à les voir on a l’impression d’être dans un courant d’air, sans parler de celles qui bouchent les douches avec leurs sales cheveux longs dégueulasses, et je ne dirai rien des ultra-violentes, celles qui te lacèrent la joue avec leurs faux ongles à la sortie des boites de nuit quand elles sont bourrées. Tu as de la chance avec ta colocataire d’être tombé sur une fille qui est un homme comme les autres.

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  7. C’est cela que tu voulais dire Mildred ?
    Pour moi, les femmes n’ont pas à être des fées du logis pour apporter de la douceur à mes moeurs. Elles n’ont même pas besoin d’être douces.
    En revanche, les femmes qui sont violentes, emmerdantes ou égocentriques, elles ne resteraient pas longtemps chez moi : elles ne m’apprécient pas, en règle générale.

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