Bloqué quelques jours ou quelques semaines en Irlande du nord, je profite de cette plage d’oisiveté pour retourner à Tullyquilly, le cottage de mon ami D.
Depuis quelques années, il fait appel à des volontaires qui travaillent bénévolement en échange du lit et du couvert. Ce système s’appelle le « Wwoofing ». Les wwoofers sont généralement jeunes, issus de nombreux pays, et peuvent être de bons fermiers sans être des foudres de guerre.
Mon ami, lui, a la particularité de n’accueillir que des wwoofers de sexe féminin, et si possible de belles plantes. Il se plaint d’elles mais il aime s’entourer de ces jeunes gens. Il dit qu’elles ne pensent qu’à manger, se balader et surfer sur la toile, qu’elles ne prennent pas d’initiative. Mais il persévère, car peut-être espère-t-il tomber sur la fermière idéale qui restera dans son cottage.
En attendant, il enrage tranquillement.
Certaines Américaines ne voulaient rien faire d’autre que peindre des signes, sur de vieilles tuiles d’ardoise plates. Elles étaient de vraies truies qui ne se lavaient pas et ne ramassaient rien derrière elles.
Son cottage est ainsi plein de vie, et lui se confectionne un rôle de patriarche sympa et cyclothymique. Il leur fait à manger et s’occupe de ses volontaires comme ses propres gamins. J’ai fait des courses en sa compagnie : il remplit des caddies énormes en aimant les faire passer pour des morfales. Il les gâte.
Jusqu’à l’arrivée de deux anges germaniques. Originaires de la région d’Hambourg, ces deux blondes de 18 ans viennent découvrir le monde dans la propriété de mon ami américain. Elles ne savent pas encore faire grand chose mais le patriarche les adore. Il est touché par leur propreté, par leurs attentions, et par le fait que, le soir venu, elles « chantent pour lui ».
En réalité, elles ne chantent pas pour lui, elles chantent pour elles-mêmes, pour maîtriser l’espace autour d’elles par leur voix. Elles font tourner leur répertoire de cinq ou six chansons dans des mini-concerts où tous les visiteurs se blotissent, un verre à la main. Les auditeurs planent au-dessus de la journée passée, portés par les chants cristallins des ces grands enfants à peine sortis de l’enfance.
Bizarrement, elles ne chantent jamais en allemand. Elles se limitent aussi à des chansons très récentes que personne ne connaît, des trucs du top 50 d’aujourd’hui. Mon ami se dit qu’elles pourraient s’ouvrir un peu aux années 60 ou 70, que l’on puisse chanter avec elles.
Moi, au contraire, je leur conseille de se tourner vers le grand répertoire allemand. Quitte à nous enchanter de leurs voix angéliques, autant qu’elles adaptent à la guitare les Lieder de Schubert. Winterreise chanté par un duo de femmes, alors que l’on ne le goûte qu’avec des barytons un peu trop suaves, je dis que ce pourrait constituer un résultat probant du système « Wwoofing ».
Pour celles et ceux qui auraient des aspirations wwoofantes :
http://www.wwoof.org/
(World Wide Opportunities on Organic Farms).
J’aimeJ’aime
Comme elle est verte, cette herbe irlandaise !
J’aimeJ’aime