Depuis cinq ans que je vis au Sultanat d’Oman, je n’ai jamais vu une main coupée à cause d’un vol. Aucune flagellation n’a été constatée ni aucune lapidation.
D’ailleurs, tous les musulmans à qui j’ai parlé de ce sujet m’ont dit que la lapidation, courante chez les Hébreux de la bible, avait été abolie par l’islam. Ah oui, disais-je, plus malin que tout le monde, et en Arabie saoudite, les lapidations sont le fait d’Hébreux ? Les Omanais me répondaient que l’Arabie saoudite était sous l’emprise religieuse d’une secte apparue il y a trois cents ans et qui constituait une hérésie de la branche sunnite. Dans cette hérésie salafiste, des actes impies étaient recommandés.
L’Oman, donc, qui n’est ni sunnite ni chiite, applique la charia. Il y a des tribunaux avec des avocats et des juges, il y a des prisons. La charia règne et pourtant les juifs, les chrétiens et les nombreux hindouistes y sont bien traités. Ils bénéficient tous de lieux de culte parfaitement tenus.
La charia est le seul code pénal du sultanat d’Oman et pourtant les gens peuvent acheter de l’alcool dans des boutiques spécialisées, ils peuvent consommer de l’alcool dans les hôtels internationaux, les cigarettes sont en vente libre, les couples illégitimes (je veux dire : non mariés) dorment à l’hôtel sans qu’on leur demande leur contrat de mariage.
La loi islamique est observée et pourtant les femmes ne se voilent les cheveux que si elles le désirent. Celles qui veulent se baigner en bikini ont des plages où elles peuvent le faire. La musique y est élevée au rang d’art national, avec des orchestres subventionnés par l’Etat et un opéra qui accueille des productions du monde entier.
Il faudrait faire une étude en France. Demander à un panel de Français ce qui leur vient en tête quand ils entendent le mot « charia ». À mon avis, se bousculeraient des images de violence, de milices de la morale patrouillant dans les rues pour interdire l’alcool, la musique et la joie de vivre. Des hommes barbus antipathiques et des femmes cachées aux regards du monde. Un monde invivable. Or, tous les voyageurs qui viennent en Oman repartent enchantés de ce beau pays où les gens ont plutôt l’air heureux.
Mais au fait, que veut dire le mot « charia » en arabe ? Selon l’islamologue Jacquelin Chabbi, il apparaît une seule fois dans le Coran quand Dieu dit au prophète : tu t’étais perdu et je t’ai mis sur la bonne voie. La charia, cela veut dire simplement la meilleure piste pour atteindre une oasis, par extension cela signifie le plus sûr chemin vers la sagesse. Le chemin le plus court pour se rapprocher de Dieu.
Tout ça est très intéressant. J’ai cherché sans le retrouver un passage où tu évoquais ce sujet, me semble-t-il. J’ai l’impression qu’en réalité, ce qui tu appelles charia et qui serait pratiqué en Oman c’est un système un peu nébuleux, disons de l’ordre de la coutume orale ou jurisprudentielle, où les étrangers ne sont pas soumis à la loi commune, donc sans doute on peut tolérer des polythéistes, des apostats ou des athées … pas un code. Mais la question serait de savoir ce qui se passe si c’est un « vrai Omanais » qui se trouve apostat, polythéiste et homosexuel, ou juste sur la question de l’héritage, comment un juge peut se positionner par rapport à ça. Mais au fond, je dirais que c’est vrai tous nos systèmes juridiques qui reposent sur des valeurs laïques ont une fonction excluante un peu identitaire, universaliser c’est toujours exclure. Par contre, si on prend ça non pas comme des valeurs mais comme des principes d’organisation sociale plus ou moins pragmatiques, on pourrait dire que si on se demande dans quel système on préfère vivre sans savoir quelle position on devrait y occuper, à la Rawls, on va tous préférer que des principes un peu libéraux protègent les droits des gens.
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Moi je dirais que la seule chose qui compte pour que les gens se sentent bien c’est que les règles soient connues à l’avance et que les jugements ne soient pas arbitraires.
Ici, on sait à l’avance que la debauche est interdite si elle est exposée au grand jour. Donc les gens s’encanaillent dans des endroits prévus à cet effet, les apparences sont sauves et tout le monde est content.
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Haha, oui, toi tu t’en fous, si les règles ne te plaisent pas tu peux toujours partir… Mais si tu es emmerdé dans ton propre pays parce que tu n’es pas de la religion dominante, c’est très très chiant et si tu n’as pas les moyens de partir, tu es obligé de supporter, et il ne s’agit pas de débauche, mais de vivre librement. Moi je pense aux Tchadiens. Et puis en plus les règles qui sont plus ou moins implicites évoluent très vite, par exemple dans le domaine des codes vestimentaires, en fonction de la sensibilité religieuse dominante… vers le wahhabisme. Je ne vois pas comment on peut se réjouir de voir le puritanisme envahissant des intolérants ou l’hypocrisie tartuffe devenir la loi, quelle que soit la chapelle.
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Tu penses aux Tchadiens, parce que Tchad applique officiellement la charia ?
Pour les non-musulmans, la charia doit normalement contenir un ensemble de textes pour régir les rapports entre confessions. Or s’il y a des agités du bocal qui enquiquinent leur monde au nom de leurs croyances, ils contreviennent complètement à la loi et se feront sanctionnés : en contexte de charia, nul individu, nul groupe n’a le droit d’imposer ses règles, même à des non-musulmans.
Enfin, tu parles de puritanisme, mais c’est à distinguer de la charia. Cette dernière est un cadre juridique qui n’est pas a priori puritain ni surtout intolérant. Beaucoup dépend de ceux qui l’appliquent, comme chez nous.
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En Arabie Saoudite ils ont détruits plus de 98 % du patrimoine Islamique, la secte des Wahhabites, les Salafistes (Maison de Mahomet, tombeau de ève, cimetière de al-Bacqui, etc….) et personne ne dit rien. C’est comme si les chrétiens détruisaient le tombeau de Jésus, ou le Vatican….
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