La mosquée Fatma au petit matin, Sib, sultanat d’Oman, 2020.
Sylvain Tesson écrit sur l’islam, il ne peut pas s’en empêcher. Tesson est l’écrivain voyageur le plus célèbre de France donc, puisque je suis un chercheur en littérature viatique, je ne peux pas occulter ce qu’il écrit, ni ignorer ce qu’il dit quand il s’exprime dans les médias. Il entre dans les prérogatives de mon métier, malheureusement, d’effectuer une veille médiatique sur ce qui se fait dans le domaine des lettres géographiques. Les sottises proférées par les idéologues actuels en faveur d’une guerre civile entre Européens et Africains, ou entre chrétiens et musulmans, je peux encore les souffrir calmement car mon champ de recherche n’est pas associé à leur travail. Mais un écrivain du voyage qui publie un ou deux livres par an et qui a beaucoup de succès, je suis contraint de m’y astreindre, à mon grand dam, et mon dégoût le dispute à l’accablement.
Le journal de Tesson de 2014 à 2017 transpire la haine de l’islam et des musulmans. Son titre se veut pourtant fragile et subtil : Une très légère oscillation. Or loin de ressentir une vibration ou un tremblement, le lecteur se prend en pleine figure les certitudes d’un homme très à l’aise avec ses privilèges et ses préjugés. Je ne peux pas lire cela avec détachement, qu’on me le pardonne. Quelque chose en moi est blessé par les envolées de ce « vagabond » autoproclamé qui ne peut supporter l’altérité que lorsqu’elle est exotique, lointaine et décorative. Les musulmans sont trop proches de lui, et en même temps ils résistent trop bien à l’impérialisme de sa culture. Tesson ne peut les supporter alors il les fait passer pour des crypto-terroristes. La méthode est simple, elle comporte quatre étapes :
1. Citer les quelques phrases violentes et choquantes qui figurent dans le Coran, on les connaît tous, les sortir de leur contexte et les interpréter de la manière la plus simpliste qui soit.
2. Prétendre que ces phrases constituent l’essence de l’islam, que les musulmans tendent par définition à devenir aussi violents que le sont ces phrases quand elles sont mal comprises.
3. Enfin décrire les crimes réels qui parsèment la vie des hommes, sans oublier de rappeler autant que possible lesdites phrases du coran.
4. Laisser reposer. Le résultat vient de lui-même sans avoir besoin de produits additionnels. Le pauvre lecteur, l’innocent auditeur, l’exsangue téléspectateur tirera la conclusion de lui-même : les musulmans sont nos ennemis et nous devons nous en débarrasser.
Pourtant, on pouvait attendre d’un écrivain du voyage qu’il essaie de dépasser les stéréotypes qui essentialisent des populations. Un voyageur n’a-t-il pas un rôle philosophique dans la société d’où il vient ? N’est-il pas censé ouvrir les yeux sur le réel et faire comprendre les cultures étrangères aux autochtones qui, eux, n’ont ni le temps ni le luxe de voyager ?
Au contraire, Sylvain Tesson incarne une autre figure éternelle du voyageur qui a déjà été longuement dénoncée dans les études postcoloniales notamment : supérieur, ethnocentrique, le superbe explorateur sûr de lui qui prend la pose de l’aventurier pour établir des hiérarchies conservatrices entre les hommes, rappelant constamment l’opposition fantasmatique entre un « eux » et un « nous », et se conformant quant à lui, résolument, dans le camp du bien, du civilisé et du doux.
Il aime son pays, il aime la FRANCE et son histoire tout simplement!
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Sylvain Tesson aime-t-il la France ? À le lire, cela ne me paraît pas évident. La France d’Émile Zola, de Victor Hugo, de Lamartine, de Voltaire, de Molière et de Montaigne ne consiste pas à détester une religion. Tous ceux que je viens de citer ont en commun, au contraire, d’avoir défendu des moeurs, des croyances ou des communautés qui paraissaient choquants aux yeux d’une majorité de Français de leur temps.
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C’est curieux parce qu’il n’aime pas non plus le bouddhisme qu’il trouve triste, il n’aime pas les religions et il peut bien le dire sans que cela affecte ceux qui aiment croire. Je lis en ce moment Psychothérapie de Dieu par Boris Cyrulnik, et cela me fait poser bien des questions, par exemple les examens réalisés par imagerie médicale sur le cerveau lors des émotions prouvent-ils quelque chose ? Distance et scientisme (ou science) font-elles bon ménage ?
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Tesson aime certaines religions. Il aime le christianisme même s’il n’a pas la foi. Mais il se plaît à singer les chevaliers du Moyen-âge qui défendaient le Christ à coups de croisades et d’anathèmes contre les hérétiques. Tesson fait écho aux mouvements identitaires d’extrême droite qui fleurissent sur internet.
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Penses-tu qu’il y a un lien avec la souffrance ? Par exemple, ne pas être seul à souffrir (de maladie ou d’injustice) et donc s’agréger à d’autres, se forger une identité ?
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oh pardon, le scientisme, je féminise tout ! distance et scientisme font-ils bon ménage.. distance et science font-elles bon ménage ?
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