Le sage précaire jamais à sa place

Le sage précaire est un amateur, dans toutes ses entreprises. D’ailleurs, tous ses collègues lui disent qu’il n’est pas un vrai professionnel, et que ses bons résultats sont dûs à la « réussite du débutant ».

Les ouvriers me décrivent comme un intellectuel incapable de travailler de ses mains, tandis que les intellectuels me trouvent un peu trop physique et manuel pour être un des leurs.

Les professeurs, au lycée français d’Irlande, disaient que je n’étais pas un « vrai prof ». Les serveurs de restaurant non plus n’étaient pas convaincus de mes capacités. Où que je me tourne je sens bien que je ne suis pas à ma place car on m’affirme que je serais mieux adapté à une autre tâche.

Les fonctionnaires me voient comme un écrivain, les universitaires comme un aventurier, les écrivains comme un prof, les journalistes comme un chercheur, les producteurs comme un artiste, les artistes comme un universitaire, les chercheurs comme un ouvrier.

Chaque fois que je prétends à un poste ou une activité, il se trouve quelqu’un pour m’expliquer que ce n’est pas pour moi, ou que je ne suis pas fait pour le job. La dernière fois qu’on m’a fait ce triste coup, c’était pour un emploi dans la diplomatie. Pourtant, la diplomatie, représenter la France dans de superbes costumes bleu nuit, susurrer des compliments et serrer des mains délicates, j’étais persuadé que c’était mon truc.

Il me reste la sagesse précaire. Jusqu’à présent, personne ne m’a contesté le titre convoité de sage précaire.

5 commentaires sur “Le sage précaire jamais à sa place

  1. Le « sage précaire » défendrait-il le pré carré de sa précarité même? Les gens à leur place m’évoquent ceux que Brassens empalaient sur leurs clochers, « les imbécile heureux nés quelque part ». Mais tout de même, « serrer des mains et sussurer des compliments » , c’est peut-être tailler le costume du diplomate un peu juste?

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