Pologne, l’autre pays du voyage. Notes sur Andrzej Stasiuk

A. Stasiuk, Mon Bourricot

La Pologne est un grand pourvoyeur d’écrivains du voyage, depuis au moins le Jean Potocki au XVIIIe siècle. Potocki nous est plus célèbre pour son roman qui inventa la littérature fantastique, mais il a beaucoup écrit sur ses voyages en Russie notamment. Le prix Nobel Milosz a aussi publié de passionnants récits de voyage dans les années 1930. On connaît tous l’excellent Ryszard Kapuscinsky et son esprit virevoltant, brillant comme un britannique. Mais mon préféré jusqu’à présent, c’est le bougon Andrzej Stasiuk, qui aime explorer l’est, la Russie, qu’il déteste autant qu’il l’affectionne.

Dans Mon Bourricot, il relate un voyage en Orient à travers l’Ukraine, la Russie, le Kazakhtan et la Mongolie dans une vieille bagnole vieille de 12 ans et 300 000 bornes au compteur. Un bolide qu’il surnomme son « bourricot » et dont il parle avec la connaissance intime d’un mécanicien amateur. Un engin avec lequel il a voyagé dans les Balkans, le Monténégro, l’Albanie, la Pologne, et dont il connaît chaque pièce.

Quelle est la marque de cette voiture ? Le modèle ? Il me faudrait faire une recherche sur internet pour le savoir. Stasiuk parle de V8, de ZiL-130, d’ARO roumain et d’UAZ ainsi que de GAZ russe. Aucune idée de ce que cela recouvre. Selon toute probabilité, il s’agit d’un véhicule à quatre roues motrices, de couleur vert kaki, d’une marque connue des spécialistes mais certainement auréolée d’un prestige un peu kitsch. À mon avis, c’est un peu comme si je disais que je roulais avec un vélo Danguillaume (comme je l’écrivais dans ce billet consacré à « mes vélos vintages ») ou que je traversais le désert avec une Fiat Topolino.

Le narrateur a un style percutant, très oral, mais une oralité suffisamment maîtrisée pour passer la barrière de la traduction. Remarquable travail du traducteur Charles Zaremba. Je n’étais pas certain d’être convaincu par le titre, cependant, car « mon bourricot » renvoie à un argot campagnard et daté qui ne rend pas justice au phrasé plus urbain de Stasiuk. En revanche, Charles Zaremba a très bien traduit le texte, avec des choix de notes judicieuses pour éclairer le lecteur sur des détails d’histoire et de culture propres aux pays slaves.

J’entrerai dans les détails de ce livre une autre fois. Aujourd’hui, je voulais seulement darder un rayon lumineux sur la formidable tradition polonaise de l’écriture géographique.

5 commentaires sur “Pologne, l’autre pays du voyage. Notes sur Andrzej Stasiuk

  1. « Je n’étais pas certain d’être convaincu par le titre, cependant, car « mon bourricot » renvoie à un argot campagnard et daté qui ne rend pas justice au phrasé plus urbain de Stasiuk.  »
    Ce « bourricot »-ci me fais souvenir des « brêles » de l’adolescence, dont la plus fameuse fût sans doute la Mobylette. Or, en arabe, une « brêle » est un âne (donc un bourricot).

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