La France offre un jour férié national pour fêter l’Aïd al Fitr

Pour terminer cette série sur la laïcité, qui a commencé, je le rappelle, avec une petite réflexion sur Emmanuel Kant, je propose d’organiser un référendum qui poserait aux Français la question suivante :

Voulez-vous un jour de congé supplémentaire pour que la nation reconnaissante fête avec ses frères musulmans la deuxième religion de France, à l’occasion de l’Aïd al Fitr ?

Tous les ans, à la fin du ramadan, les Français pourraient avoir un week-end prolongé grâce au vendredi qui suit l’aïd. Les écoliers et les employés du service public se réjouiraient. Les professionnels du tourisme verraient soudain d’un bon oeil cette religion musulmane qui leur permet de remplir les hôtels et les restaurants, alors qu’elle n’est présentée d’ordinaire que d’une manière négative.

Vous m’avez bien lu, je ne demande pas une loi, mais un référendum. J’aimerais voir les Français débattre sur cette idée d’un jour de congé supplémentaire et de la place joyeuse que doivent prendre les musulmans dans notre nation.

Quoique. Les arguments identitaires pleureraient sur nous comme une averse interminable. Les économistes orthodoxes expliqueraient que les Français travaillent déjà trop peu et qu’il faut au contraire augmenter les nombre d’heures au boulot pour soigner notre compétitivité. Les musulmans seraient à nouveau associés à des clichés de paresse. On les accuserait de tirer au flanc alors que tout ce qu’ils demandent est qu’on leur fiche la paix.

Non, finalement, le mieux serait une loi autoritaire, à la française, couplée à l’abrogation de la loi sur la laïcité de 2004. Le XXIe siècle sera spirituel ou ne sera pas. Les signes religieux sont de retour. Comme je l’ai déjà écrit en 2010, nous serons encouragés à accueillir les plus belles mosquées. Toutes les confessions sont invitées à célébrer dans la joie et les couleurs. Nos villes et nos villages connaîtront un âge de renaissance.

Ségolène Royal double Carole Delga sur sa gauche

J’aurais dû m’y attendre mais j’ai quand même été surpris. Ségolène Royal qui avait appelé à voter Mélenchon aux présidentielles de 2022, revient dans les médias et défend la stratégie de la Nupes en renversant complètement le discours ambiant sur les fauteurs de troubles de gauche. Quand on lui demande si LFI n’a pas un peu exagéré en faisant obstruction elle répond : « Ce n’est pas tout à fait exact. Quand il y a un cambrioleur qui vient chez vous, vous faites obstruction ! Vous fermez votre porte ! L’abaissement des droits à la retraite est vu par les Français comme un hold up. » Chapeau Royal. Si elle avait été aussi bonne en 2007, elle aurait gagné l’élection présidentielle contre Sarkozy.

Sa façon de prendre la défense de la gauche, au moment même où la gauche centriste essaie de faire son retour, est le signe d’une brillante politicienne. Alors que Carole Delga, qu’on voyait tous devenir la nouvelle égérie de la gauche modérée, se trouve enlisée dans son projet contestable d’autoroute à Toulouse, Ségolène Royal attire toute la lumière et prend la posture de la maman qui ne comprend pas que la république puisse « taper sur la tête » de ses enfants.

Elle donne dans cette interview une leçon de communication politique. Elle réussit même à imposer le silence aux journalistes pour parler de questions environnementales, de sujets sociaux, et même de points constitutionnels. Elle prend de ce fait la place qu’elle désire occuper : énarque, ministre, élue de terrain et présidentiable. Elle m’a plusieurs fois étonné, en particulier quand on elle a dit qu’il fallait retirer cette réforme des retraites « pour passer aux choses sérieuses. » Et les journalistes ne savaient que dire car en effet, notre gouvernement n’a pas su nous faire croire que c’était une mesure sérieuse. Royal a su montrer qu’un homme d’Etat devait s’occuper des choses importantes comme l’emploi, l’environnement, l’industrie, l’hôpital, l’école et la jeunesse.

Si personne n’y prend garde, c’est elle qui rassemblera la gauche et non ceux qui ont cru intelligent de s’opposer à Mélenchon. Elle a préféré s’opposer à la droite qui, en effet, perd les pédales : c’est moins bête et c’était le moment.

1er Mai 2023 : Macron t’es foutu, le sage précaire est dans la rue

Frédéric Lordon l’a clamé dans un discours en mars 2023 : nous avons eu un long hiver mais nous avons droit à un printemps, et au printemps tout le monde le sait, il y a un mois de mai.

Nous y sommes et c’est la journée du travail. La fête des travailleurs. Les précaires eux aussi, qui n’ont pas la culture du collectif ni de l’organisation militante, écoutent leur devoir qui est de battre le pavé avec tout le peuple brutalisé par un monde du travail ignoble.

Le sage précaire n’a pas beaucoup participé aux grèves de cet hiver mais a toujours soutenu le mouvement. C’est une vieille histoire qui a souvent été racontée sur ce blog : la limite de la sagesse précaire est toujours atteinte en présence du soulèvement populaire. Aujourd’hui 1er mai, il peut au moins faire acte de présence dans les rues de sa petite ville.

J’admire tous mes collègues du lycée qui ont mouillé la chemise et ont fait grève pour lutter contre la réforme des retraites. Ils ont fait preuve de patience, de sacrifice, de solidarité, de combativité. Les gens comme moi ne pouvaient les suivre pour des raisons de précarité de leur statut. Les précaires se doivent d’agir de manière servile pour avoir une chance de signer un contrat de travail. Ils peuvent aussi claquer la porte et aller voir ailleurs, c’est leur force. Mais ils ne peuvent pas gagner un rapport de force avec la direction. La seule puissance sociale du sage précaire est d’être serein face à la perte d’emploi et de se débrouiller pour vendre sa force de travail à un prix qu’il juge acceptable.

La sagesse précaire recommande donc, en ce premier mai, la grève générale et l’insurrection du peuple.

Soulèvement général, voilà, il ne reste plus que cela à faire. Il est l’heure d’aller se servir directement.

Mes tomates poussent enfin comme des fusées

Je peux enfin me réjouir le matin. Mon jardinage commence à porter ses fruits.

Le soir je couvre les plants d’une serre bricolée avec une bâche qui avait servi à envelopper des matelas achetés d’occasion. Le matin je les découvre pour qu’ils profitent du grand air.

Quand le soleil paraît je les photographie comme des stars de cinéma. Sur le smartphone que j’utilise pour l’occasion, je sélectionne le mode « portrait » et la fonctionnalité « lumière de studio ». Cela gomme leurs rides et rend leur peau plus éclatante.

Premières mises en terre des plants de 🍅

Je sais qu’il est un peu tôt pour les mettre en terre. On me dit qu’il est préférable d’attendre le mois de mai pour éviter les derniers frimas. Je tente ma chance avec deux plants tandis que je garde les autres à l’intérieur.

Mon plan consiste à mettre en terre de manière échelonnée pour expérimenter. Le but est de produire des tomates le plus tôt possible, dès que les beaux jours seront installés.

Je vous tiendrai au courant de l’évolution de la situation.

Mise en terre 12 avril 2023

Je ne boycotterai pas le mondial au Qatar

On nous dit qu’il fait trop chaud au Qatar pour jouer au football, et que les stades seront donc climatisés, ce qui est un crime contre l’environnement. Je suis allé au Qatar en octobre 2015, et à nouveau en mars 2018, il n’y fait pas trop chaud et la climatisation ne sera pas nécessaire fin novembre début décembre.

D’ailleurs, la sagesse précaire est satisfaite de la saison choisie pour l’organisation de la coupe du monde. Fin novembre, c’est le moment le plus dépressif de l’année, il fait toujours nuit, les gens sont tristes, ils ont froid, on est loin des fêtes de fin d’année. Un grand événement sportif est le bienvenu pour remonter le moral des troupes. En juin et juillet, au contraire, il fait trop chaud et les gens passent leur bac, leurs examens, veulent regarder d’autres événements sportifs, l’attention est trop sollicitée.

Mais ce n’est pas pour ça que des gens boycottent le mondial cette année.

Depuis quelques mois, de nombreux articles et émissions dénoncent le Qatar pour son mauvais traitement des ouvriers qui construisent les stades de football. Or, cela fait douze ans que le Qatar a été nommé pour organiser la coupe du monde du football. On nous dit que les ouvriers sont maltraités. Je le crois, mais pas plus que dans tous les pays chauds, et dans tous les pays froids. Les immigrés sont mal traités, malheureusement, dans de nombreux coins de cette planète.

Le Qatar est accusé de mettre en esclavage des ouvriers. Je n’y crois pas. Les ouvriers sont venus de leur propre chef dans les pays du Golfe, personne ne les a forcés. Ils y ont été poussés par la pauvreté comme les autres immigrés. Ils repartiront chez eux au bout de quelques années, comme tous les autres ouvriers des pays du Golfe, exception faite de ceux qui sont morts.

Que va-t-on faire de tous ces stades ? N’est-ce pas un gâchis épouvantable ? Oui, comme tous les jeux olympiques, les expos universelles, et toutes ces conneries. Bienvenu dans le monde du capitalisme, vous venez de découvrir que ce monde est dirigé par des dispositifs de gaspillage indécent, et de dépense somptuaire dégoûtante.

Le journal Médiapart nous informe de toutes les corruptions qui ont présidé à l’élection du Qatar pour l’organisation du Mondial. J’écoute attentivement, et j’en conclus qu’en effet ils ont graissé la patte de bien des gens à coups de millions d’euros. Ces millions viennent de leur gaz et du pétrole qu’ils vendent. Ils ne les ont pas volés aux Qatariens qui, eux, vivent dans l’opulence. Personnellement, je préfèrerais qu’ils investissent ces millions dans la création d’un monde plus juste et plus intelligent, mais comment reprocher à des pays du Proche-Orient de ne pas faire ce que nous n’avons pas fait ?

La sagesse précaire ne donnera donc pas l’instruction de boycotter la coupe du monde de football 2022.

Le sage précaire sur le podium des chercheurs

Mon profil sur Academia, le 25 octobre 2022

Hier, le site américain de partage des recherches, Academia, m’a notifié la nouvelle que j’avais atteint, en termes d’influence internationale, un stade supérieur dans le classement : je faisais maintenant partie du « top 2 % ».

Ce site est un réseau social destiné aux gens qui publient des articles et des livres universitaires et/ou qui cherchent des références et des publications en rapport à leurs recherches. Il paraît que ça compte dans le monde académique contemporain. Il semblerait que certains pays trouvent cela important et le prennent en compte quand ils évaluent les performances d’un enseignant-chercheur.

J’ai donc décidé de télécharger mes articles il y a quelques années. De temps en temps, ça me prend, je télécharge de nouvelles choses. Je ne me suis pas limité aux publications strictement universitaires. Quelques billets de ce blog ont aussi eu le privilège d’être présentés comme des propositions de recherche. Bien m’en a pris : le billet sur « Le Pénis de Flaubert à Istanbul« , ou celui sur « La Mort du subjonctif » ont attiré des centaines de lecteurs parmi les chercheurs en linguistique et en urologie !

Alors que signifie le fait d’être classé parmi les 2 % les meilleurs sur ce site ? Dieu seul le sait. Ce n’est pas cela en tout cas qui va convaincre des universités de m’offrir un job, ni des éditeurs de publier mes livres. Mon explication de ce succès relatif et inattendu est la suivante :

  1. Les gens de mon âge qui ne sont pas universitaires ont abandonné la recherche depuis longtemps, ainsi que tout espoir d’être recrutés par une université.
  2. Les gens de mon âge qui sont employés dans une fac le sont depuis longtemps et ne s’intéressent pas aux réseaux sociaux, ou seulement de manière dissimulée. Leur profil existent mais ils s’y investissent mollement.
  3. Les jeunes universitaires, eux, s’y investissent beaucoup et sont très actifs, mais ils ont peu de publications à leur actif comparé aux vieux loups de mer.
  4. Mes publications touchent à des domaines assez divers : littérature, études chinoises, études arabes, études islamiques, orientalisme, linguistique, philosophie, études irlandaises, et même, comme je l’ai déjà mentionné, urologie. Cela augmente l’assiette des ordinateurs susceptibles de cliquer sur une de mes publications.

Encore un effort, sagesse précaire, pour te hisser au Top 1 % des chercheurs et décrocher ainsi la palme d’or des reconnaissances inutiles !

Un beau mois de juillet

Hannah Arendt sur le chantier de notre appartement

Ces vacances d’été n’ont de vacances que le nom.

Le sage précaire passe un mois de juillet 2022 extrêmement laborieux et studieux. Quand il ne travaille pas dans son appartement, il écrit des conférences et des articles. Quand sa femme ne fait pas de la maçonnerie, elle travaille sa thèse. Quand ils ne se rendent pas au café pour avoir de l’internet, le sage précaire et son épouse décapent, vissent, scient, posent, font du carrelage, plaquent, consolident, assemblent, peignent, vernissent, construisent, gondent et dégondent, bref apprennent les métiers du bâtiment.

Non seulement le sage et son épouse partagent les travaux du même appartement, mais en outre, ils écrivent sur un sujet assez proches et en viennent à lire des sources voisines. En conséquence, il leur arrive de discuter sur Hannah Arendt le matin, de se disputer sur des étagères l’après-midi, de se réconcilier pour faire la sieste et de relancer une discussion au soir tombé sur l’opposition entre « désolation » et « isolement ».

Pourquoi aller sur une plage ?

Histoire de l’aid : une mosaïque inattendue

Je vais vous raconter une histoire qui ne pouvait nous arriver que le jour de l’Aid. Fête musulmane majeure.

Tout commence il y a deux jours. Nous achetons pour une poignée d’euros des carreaux de vieilles faïences. Dieu sait ce que mon épouse planifiait de faire avec ces carreaux.

Arrivés à la maison nous jetons un œil sur la faïence et réalisons que c’est une sorte de puzzle. Il y a des motifs et nous essayons de composer des fleurs, des détails architecturaux et des lignes qui semblent être des tiges.

Petit à petit nous voyons apparaître un tableau charmant. Une porte orientale sous un ciel étoilé. J’y vois, personnellement, une porte de mosquée. À l’intérieur, plutôt que des jets d’eau qui servent aux ablutions, un jaillissement de végétaux et de fleurs.

Chemin faisant, nous vîmes que les carreaux étaient made in Tunisia.

C’était notre cadeau de l’Aid. Un Signe envoyé par le tout-miséricordieux pour nous encourager dans nos efforts de rénovation.

Notre joie fut intense et durable. Joyeux aïd à tous. Que votre vie soit pleine de surprises et de trésors inattendus.

Comment la jalousie s’est abattue sur moi

Avant l’âge de quarante ans, je ne crois pas avoir suscité de jalousie. Avant de travailler dans une université du sultanat d’Oman, je ne me suis jamais plaint de l’envie des autres. Or, ce qui s’est passé dans ma vie, entre 2015 et 2020, fut tout à fait exceptionnel à cet égard et probablement unique dans une vie de sage précaire.

La jalousie a grandi par degrés et fut de plus en plus destructrice. Mais elle atteignit un pic fin 2017 et se stabilisa sur un plateau jusqu’à mon éviction finale de l’université. Pour comprendre l’évolution de la jalousie, je suis obligé de me remémorer les principales étapes de mon parcours en Oman. Je dois préciser que la conscience de la jalousie des autres ne m’apparut que bien trop tard, à partir de son pic de fin 2017, parce que plusieurs personnes me le disaient avec insistance.

Je dois préciser aussi une chose importante : la plupart des réalisations que je relate n’avaient jamais eu lieu dans la section de français, ni même dans l’histoire des études des langues étrangères. Par exemple, quand je dis que j’ai été invité pour être « keynote speaker » dans une université européenne, il faut comprendre que personne n’avait jamais reçu une marque de reconnaissance équivalente depuis la création du département des langues étrangères. C’était nouveau et presque scandaleux dans ce contexte.

  1. À mon arrivée, on enviait peut-être le fait que je sois docteur dans un département qui en comptait peu, chercheur actif dans un groupe qui publiait peu de livres et d’articles, tout en étant aussi populaire que les autres avec les étudiants.
  2. L’Institut français de Mascate m’invita fin 2015 à donner une conférence sur la littérature, ce qui me distingua. Aucun collègue ne fit le déplacement, excepté ma supérieure directe, la chef de section.
  3. Avec le professeur de lettres du Lycée français de Mascate, nous lançons une action pédagogique avec croisement de classes sur des textes littéraires, et échanges entre étudiants omanais et élèves français. Partenariat bien vu par la hiérarchie des deux établissements.
  4. Alors que mes collègues affirmaient que la recherche était impossible dans cette université, que d’autres avaient essayé en vain, j’ai quand même organisé un petit colloque avec des participants de plusieurs pays. Je surmontais les difficultés administratives, la hiérarchie ne me mettaient pas de bâtons dans les roues. Je reçus même une subvention de plus de mille euros pour cet événement. Je suis dans le deuxième semestre de ma première année : nous organisons la première session de ce colloque qui est un gentil succès.
  5. La hiérarchie de la faculté me nomme président de la commission de la recherche au sein du département des langues étrangères.
  6. Sur ces entrefaites, une jeune femme tunisienne arrive dans notre département, tellement ravissante que tout le monde lui fait la cour, moi aussi. Elle passe du temps avec moi. Parfois elle me demande ce que je pense d’un tel ou d’un tel. Elle me confie que mes collègues disent du mal de moi. Ils lui disent que je ne suis pas un vrai chercheur, que mes publications sont pourries et que le livre que je promets ne paraîtra jamais car je ne suis qu’un beau parleur.
  7. La ravissante Tunisienne et moi-même profitons des vacances d’été 2016 pour nous marier et nous revenons à l’université en septembre avec ce nouveau statut marital. Rage de tous ceux qui draguaient ma belle, et malaise parmi celles qui, peut-être, voyaient en moi un célibataire envisageable.
  8. Novembre 2016 : j’organise sur le campus la deuxième session de mon colloque avec la présence d’un grand professeur venu d’Angleterre, qui attire à nous l’attention des huiles de la faculté. Succès sur toute la ligne. La jalousie commence à se faire sentir et se traduit par des vexations diverses, des pressions inutiles et des remarques acerbes.
  9. Le partenariat avec le Lycée français se passe très bien, mais des tensions s’accroissent à mon endroit sans que je comprenne ce qui se passe.
  10. Court voyage à Paris. Je suis invité à un colloque à la Sorbonne sur l’oeuvre de Jean Rolin.
  11. Début 2017. Je fais paraître un article de recherche sur Fabula.
  12. C’en est trop, mes collègues se liguent contre moi pour me faire chuter alors que je suis au même niveau qu’eux. Les provocations s’enchaînent sans que je prenne conscience de cela et, plutôt que de faire profil bas, je réponds aux provocations, ce qui déclenche une procédure de plainte contre moi. Je me défends, cherche de l’aide dans la hiérarchie et remporte la partie. La DRH m’assure du soutien total de la haute administration. Ce soutien est évidemment à double tranchant : certains voudront se venger.
  13. Fin de l’année universitaire. On cherche à m’humilier en distribuant les emplois du temps de manière injuste, sans que je sois consulté, alors que tous les collègues sont consultés et obtiennent satisfaction. On me met dans une sorte de placard. Heureusement, mon épouse reste mon plus grand soutien dans l’épreuve et nous montrons elle et moi une image de couple uni, ce qui agace.
  14. La rentrée suivante se passe tranquillement, les vacances ont calmé tout le monde. Ce ne sera que de courte durée. Octobre 2017 : mon épouse organise une fête surprise pour la parution de mon livre aux éditions de La Sorbonne. C’est là que j’ai vu la jalousie sur le visage de mes collègues pour la première fois.
  15. Le Chancelier me nomme Vice-Doyen de la faculté, en charge de la recherche et des études supérieures. La jalousie est alors devenue incandescente. Tout ce que je touche prend feu. Aux yeux de certains, je suis un adversaire, voire un ennemi. Je suis trop accaparé par mes nouvelles responsabilités pour m’en rendre compte.
  16. Fin 2017, je me retrouve donc catapulté assez haut dans l’organigramme, au-dessus de tous ceux qui me voulaient du mal. La jalousie prend alors d’autres formes. Dorénavant, je serai superbement ignoré, snobé. Quand je prends la parole en public, certains quitteront la salle ostensiblement. D’autres feront tout pour éviter les procédures administratives prises en charge par le bureau que je dirige, mettant à mal leurs propres projets. Naturellement, je serai tenu pour responsable de leurs éventuels échecs.
  17. 2018 : Je reçois des coups de toute part mais ceux-ci ne sont pas tous dus à la jalousie. Certains veulent ma place. Procès en illégitimité. On m’accuse d’être « un espion ». Des complots se forment contre moi, mais cela dépasse de beaucoup les cercles restreints où j’évoluais depuis août 2015. Plus je réussis dans mon action, plus on cherche à me nuire. Mais est-ce une expression de la jalousie ? Je ne sais pas.
  18. Mars 2018, je suis invité en tant qu’écrivain et chercheur à une « Rencontre littéraire francophone » organisé par le Lycée français, en partenariat avec l’ambassade, l’AEFE, l’Institut français et des mécènes privés. C’est dans le cadre d’une action culturelle assez large. Présence de l’ambassadeur himself et des huiles de la francophonie en Oman. Trois visages ornent l’affiche, dont le mien. J’invite tous mes collègues français et francophones, car ce sera l’occasion pour eux de rencontrer le nouvel ambassadeur et d’autres personnes. Personne ne se déplacera, à part ma femme et quelques étudiants.
  19. Mes étudiants écrivent et mettent en scène une pièce de théâtre en français. C’est une première dans l’histoire de l’université mais cela n’attire aucun commentaire de la part des enseignants. Les représentations en revanche sont louées par la hiérarchie et jusqu’à la diplomatie française ainsi que les acteurs de la francophonie du pays.
  20. Invitations en cascade à venir donner des conférences, suite à la parution de mon livre qui connaît une belle carrière : Doha (Qatar), Paris (France), Ratisbonne (Allemagne), Jaen (Espagne). Je m’arrange pour ne pas rater de cours et pour n’en annuler aucun, mais j’entends dire que mes voyages sont des privilèges.
  21. 2019 connaît son lot de bonnes nouvelles qui creusent ma tombe : publication d’un collectif que j’avais dirigé sur l’œuvre de Jean Rolin. Voyage tous frais payés en Australie pour un colloque.
  22. Invitation officielle pour être « Keynote speaker » dans une grande université britannique, dans le cadre d’un colloque. En français, on peut traduire cela par « orateur principal », mais c’est moins institutionnalisé que dans le monde anglo-saxon, où le fait d’être keynote speaker est une vraie marque de reconnaissance dans une carrière.
  23. J’essaie de mettre sur pied un colloque à Nizwa pour faire briller la faculté. On me bloque de toute part. Je dois abandonner après des mois de préparation. Victoire des envieux qui ont réussi à tirer la faculté vers le bas et faire régner l’inertie.
  24. Je postule pour une promotion universitaire. Mon dossier est recevable car il est reconnu comme complet. Ma promotion est rejetée au motif que la publication de livres ne compte pas pour la promotion. Le rejet de ma candidature est confirmé en appel. Jubilation des envieux qui voient là la preuve du mauvais niveau de mes recherches.
  25. Tout ce que je propose pour améliorer le niveau de français de nos étudiants est rejeté systématiquement, mais remplacé par aucune autre proposition alternative. Nous voyons couler le niveau de nos étudiants sans réaction. Ils échouent aux tests de langue de type DELF et nous restons sans réponse. Dans ce contexte, se distinguer est perçu comme arrogant.
  26. Quand je suis nommé chef de la section de français, certains refusent même de participer aux réunions d’équipe et l’hostilité devient palpable, hargneuse. En revanche, il n’y a pas de conflit ni de plaintes. Il s’agit d’une attitude « passive agressive » qui a pour but de me faire échouer, comme ces joueurs de football qui font exprès de perdre des matchs pour se débarrasser de leur entraîneur. Je fais preuve de patience avec mes collègues et ne leur fais aucun reproche. Je me débrouille. Je trouve d’autres appuis et travaille avec les étudiants. La réussite de certaines actions avec les étudiants me valent alors une mise à mort à base de mensonges, de calomnies et de harcèlement.

Mes jours étaient comptés à partir de l’été 2020 puisque le doyen quittait la direction de la faculté. Il me convoqua pour m’annoncer qu’il jetait l’éponge et qu’il se recentrait sur d’autres activités moins énergivores et plus gratifiantes. Je ne saurai jamais les vraies raisons derrière sa décision de partir. Il me confia alors que le nouveau doyen changerait son équipe et choisirait d’autres vice-doyens. C’est un peu comme un remaniement ministériel.

Mes responsabilités au sein de la direction de la faculté m’occupaient trop l’esprit pour que je prête attention aux phénomènes d’envie et de commérage. Dès que je fus démis de mes fonctions de vice-doyen, ce fut un déchainement contre moi. Les gens pouvaient enfin me piétiner en toute tranquillité. J’étais lâché, apparemment, par la hiérarchie. J’avais perdu mon Mojo. Le nouveau doyen avait entendu parler de moi en bien et en mal, il me harcela en toute quiétude.

Ce n’est pas à cause de la jalousie que j’ai perdu mon emploi. Je raconterai mon exclusion une autre fois car c’est une affaire sans lien avec mon action, et sans lien avec les relations interpersonnelles. S’il n’y avait pas eu cet événement extérieur qui a causé le limogeage de plusieurs personnes, je n’aurais pas perdu mon emploi. En revanche, la jalousie a accompagné mes jours pendant cinq ans en Oman et je n’ai pas su m’en extirper. Elle n’existait pas avant et elle a disparu après.